CABINET Mohamed BRAHIMI , Avocat Bienvenue sur le site de Maitre Mohamed BRAHIMI, Avocat. Vous y trouverez un blog dédié à la pratique judiciaire et à la vulgarisation du droit

Les arrêts les plus marquants rendus par la Cour suprême toutes chambres ( Revue de la Cour suprême , année 2020 , n° 01)

mohamed brahimi Par Le 25/09/2021

Image cour supreme

> La force probante de la photocopie d’un acte authentique

Très souvent le  justiciable se limite à présenter devant le juge une simple photocopie  de l’acte auquel il se réfère pour conforter son argumentaire. Dans un arrêt rendu par la cour  de Bouira , les juges d’appel ont  débouté le demandeur de son action au motif que l’acte de propriété versé au dossier  pour prouver la propriété du bien en litige est une simple copie non accompagnée de l’original. Suite à un pourvoi en cassation, la Cour suprême , dans un arrêt en date du 16 janvier 2020  dossier numéro 1230139  , a censuré et cassé cet arrêt de la cour de Bouira en jugeant  que la photocopie d’un acte authentique est présumée être conforme à l’original et qu’il n’appartient aux juges du fond de l’écarter sans motif  du moment qu’elle n’est contestée par aucune des parties.

 

Cette jurisprudence de la Cour suprême est conforme à l’article 325 alinéa 2 du code civil qui dispose que :«  la copie est considérée comme conforme à l’original  dès lors qu’elle n’est contestée par aucune des parties » .En outre l’article 21 du code de procédure civile et administrative dispose expressément que :«  le juge peut accepter des copies ».

> Recevabilité du pourvoi en cassation

En application de l’article 349 du code de procédure civile et administrative le pourvoi en cassation devant la cour suprême est ouvert contre «  les jugements et arrêts rendus en dernier ressort  par les tribunaux et les cours qui tranchent l’objet du litige ». Il est de jurisprudence constante que la partie qui n’a pas relevé appel principal ou incident du jugement qui l’a condamné n’est pas recevable à former un pourvoi en cassation conte l’arrêt rendu sur le seul appel de la partie adverse. Ce principe a été rappelé par la Cour suprême dans un arrêt du 16janvier 2020 dossier n° 1207006 qui a jugé que la partie qui n’a pas relevé appel du jugement du tribunal n’est pas recevable à introduite un pourvoi en cassation contre l’arrêt de la cour d’appel qui confirme le jugement dont appel.

> Liquidation de l’astreinte

Si la partie au procès succombe et est condamnés par une décision définitive ou revêtue de l’exécution provisoire  ( par exemple condamnation de la partie adverse de suspendre  des travaux de construction sur un terrain litigieux)  , elle est tenue d’exécuter ce jugement ,c’est à dire arrêter les travaux entrepris sous peine d’être contrainte par la procédure de l’astreinte .L’astreinte consiste à condamner le débiteur à exécuter le jugement sous peine de payer une somme d’argent pour chaque jour de retard .Dans l’hypothèse où la partie condamnée  persiste dans son refus d’exécuter malgré l’astreinte    , le créancier saisira à nouveau le juge ayant ordonné l’astreinte à l’effet de la liquider c’est à dire fixer le montant de la réparation.

Dans deux arrêt distincts mais rendus par la même section ( 1er section) de la chambre civile , la Cour suprême a précisé certaines règles applicables à l’astreinte dont l’un est discutable.

Le premier arrêt ( arrêt en date du 23 janvier 2020 dossier n° 1365758) pose le principe que la liquidation de l’astreinte peut être ordonnée quant bien même la partie condamnée a déjà exécuté le jugement après le prononcé de l’astreinte. Dans notre exemple si la partie condamnée à l’arrêt des travaux entrepris sur le terrain litigieux a été condamné à payer une astreinte de 2000 DA par jour de retard à compter de la notification  du jugement portant astreinte intervenu le 12 février 2020 , et si à la date du 20 mars 2020 , il n’a pas suspendu  les travaux constatés par un procès verbal d’huissier, le débiteur ayant saisi le juge pour liquider l’astreinte le 15 avril 2020  , il aura droit à cette liquidation et à la fixation de la réparation pour refus d’exécuter quant bien même le débiteur s’est exécuter entre temps.

 Le même arrêt pose le principe que le montant de l’indemnité qui sera fixé par le juge lors de la liquidation de l’astreinte doit prendre en compte le préjudice subi par le créancier et l’attitude injustifié du debiteur.Ce principe est expressément prévu à l’article 175 du code civil.Le montant de cette indemnité est donc laissé à l’appréciation du juge qui prendra en compte les deux éléments indiqués et par conséquent , il sera contraire à la loi de fixer le montant de cette indemnité en multipliant simplement et purement le montant de l’astreinte fixée dans la décision par le nombre de jours.

Le deuxième arrêt de la Cour suprême ( arrêt en date du 20/ février 2021  dossier n° 1296864) qui reprend une jurisprudence antérieure pose quant à lui un principe discutable juridiquement. Elle a jugé que le débiteur qui a été indemnisé en veru de la liquidation d’une astreinte n’est pas recevable à demander une autre liquidation pour bénéficier d’une deuxième indemnité.Dans cet arrêt a Cour suprême n’a pas suffisamment motivé sa décision en se bornant à dire que le débiteur n’a pas le droit de demander une deuxième indemnité sur la base de l’astreinte, mais en se référant  au chapeau accompagnant cet arrêt il est fait mention de l’article 625 du code de procédure civile et administrative. C’est d’ailleurs le même texte de loi auquel s’est référé la Cour suprême dans un autre arrêt ayant suivi la même jurisprudence ( arrêt en date du 06 novembre 2014 dossier n° 93830) .

Cette jurisprudence de la Cour suprême est contraire à la jurisprudence comparée qui autorise le créancier à demander une nouvelle astreinte si le débiteur persiste dans son refus d’exécuter malgré la liquidation d’une première astreinte .Cette dernière jurisprudence est logique car il serait pour le moins anormal qu’une décision de justice ( ou un acte exécutoire) demeure inexécuté  du fait du débiteur récalcitrant quant bien même une premier astreinte a été prononcée contre lui et déjà liquidée .Il est évident que l’interprétation donnée par la cour suprême à  l’article  625 du code de procédure civile et administrative est sujette à discussion du moment que cet  article n’interdit pas le prononcé d’une autre astreinte au cas où le poursuivi persiste dans son refus d’exécuter malgré une première astreinte.

> Contrat de bail

En matière de contrat de bail , l’article 476 du code civil dispose que le bailleur est tenu de livrer au locataire la chose louée en état de servir à l’usage auquel elle est destinée suivant le contrat signé par les deux parties. En pratique et pour éviter toute réclamation par l’une des parties , le même article impose la rédaction  contradictoire d’un procès-verbal de constat ou un état descriptif des lieux loués  qui sera annexé au contat de bail .Ce procès-verbal de constat est dressé en principe par un huissier de justice. Très souvent un tel procès-verbal n’est pas dressé.La conséquence du défaut d’établissement du procès-verbal de constat est que le preneur ( le locataire) est présumé avoir réceptionné la chose louée en bon état. Dans un  arrêt en date du 13 décembre 2020  dossier n° 1358478, la  chambre commerciale de la Cour suprême a rappelé  cette règle en confirmant un arrêt rendu par la cour d’appel d’Oum El Bouagui qui a jugé que n’est pas recevable le moyeu tiré de la circonstance  que la chose louée n’a pas été délivrée en état de servir à l’usage auquel elle est destinée  du moment qu’un procès-verbal de constat contradictoire n’a pas été établi  et que le preneur  n’a émis aucune réserve lors de la réception de la chose louée.

> contrat d’entreprise

En matière de contrat d’entreprise , la même chambre commerciale de la Cour suprême s’est prononcée sur la question de la garantie décennale à laquelle est tenue l’entrepreneur et l’architecte. En application de l’article 554 du code civil :«  L’architecte et l’entrepreneur répondent solidairement, pendant dix ans, de la destruction totale ou partielle des travaux de constructions immobilières ou des autres ouvrages permanents, et ce, alors même que la destruction proviendrait de vices du sol. Cette garantie  s’étend aux défauts qui existent dans les constructions et ouvrages et qui menacent la solidité et la sécurité de l’ouvrage. Le délai de dix ans part de la date de la réception définitive de l’ouvrage.».En vertu de ce texte de loi , toute destruction même partielle ou tout défaut dans l’ouvrage réalisé engage la responsabilité de l’entrepreneur et de l’architecte. C’est d’ailleurs pour se couvrir que l’entrepreneur avisé contracte une assurance.

Dans son arrêt en date du 16 janvier 2020  dossier n° 1368801 ,la Cour suprême a jugé d’une part que  L’architecte et l’entrepreneur répondent solidairement pendant dix ans  de la destruction totale ou partielle des travaux de constructions immobilières ou des autres ouvrages qu’ils ont réalisés et ce quant bien même la destruction est due  à l’instabilité du terrain , et que d’autre part  la société d’assurance ne peut s’exempter de la garantie souscrite par l’entrepreneur en excipant de la mauvaise exécution de l’ouvrage.

Dans un autre volet en rapport avec le contrat d’entreprise, la Cour suprême a jugé dans son arrêt en date du 13 février 2020 dossier n° 1367222 que s’il est constant en application de l’article 564 du code civil  que l’entrepreneur peut confier l’exécution du travail, en tout ou en partie, à un sous-traitant, s’il n’en est pas empêché par une clause du contrat ou si la nature du travail ne suppose pas un appel à ses aptitudes personnelles, le sous- traitant est en droit de demander à l’entrepreneur le règlement de ses prestations  quant bien même le maitre de l’ouvrage a été empêché par une clause de confier les travaux à un sous-traitant

> Convention officines pharmaceutiques -organismes de sécurité sociale

En application de l’article 60 bis de la loi n° 83-11 du 2 juillet 1983 relative aux assurances sociales complétée et modifiée par l’ordonnance n° 96-17 du 6 juillet 1987, les organismes de sécurité sociales peuvent passer des conventions avec les officines pharmaceutiques. Le même texte dispose que la convention-type sera fixée par voie réglementaire. Le texte réglementaire visé par l’article 60 bis est le décret exécution  n° 09-396 du 24 novembre 2009 fixant la convention-type conclue entre les organismes de sécurité sociale et les officines pharmaceutiques.

Un différent  entre les officines pharmaceutiques et l’organisme de sécurité sociale peut naitre en cas de non respect des dispositions de la convention par l’une des parties. Si un tel différent  se présente , le décret susmentionné fixe la procédure de règlement du litige. La Cour suprême s’est prononcée dans un arrêt en date du 06 février 2020 dossier n° 1370823 dans une affaire où un organisme de sécurité sociale en l’occurrence la caisse nationale de sécurité sociale des salariés a résilié une convention qui la liait à une pharmacie.Suite à cette résiliation le gérant de la pharmacie a introduit une action en justice devant le tribunal à l’effet d’annuler la décision de résiliation .Statuant sur appel , la cour de Biskra déboute  le pharmacien au motif  que l’article 38 de la convention-type reconnait  aux parties le droit de résilier la convention.  la Cour suprême a censuré  l’arrêt de la cour en rappelant que si l’article 40  la convention-type permet à l’une des parties de résilier  la convention  en cas d’inobservation d’une clause,  c’est à la condition de respecter la procédure préalable prévue par les autres dispositions de ladite convention. Ainsi , la partie qui a formulé des griefs doit d’abord adresser à l’autre partie une réclamation accompagnée des pièces justificatives nécessaires  , puis elle doit faire examiner  le différend  en vue d'un éventuel accord à l'amiable ( article 41). Si la tentative de règlement à l’amiable échoue, le directeur de l’agence de l’organisme de sécurité sociale qui a formulé les griefs met en demeure l’officine pharmaceutique concernée qui doit s’y conformer dans un délai de quinze (15) jours. Ce n’est qu’après cette mise en demeure restée sans effet que  le directeur de l’agence de l’organisme de sécurité sociale est autorisé  selon le cas, à prendre une décision de suspension ou de résiliation de la convention ( article 43).L’organisme de sécurité sociale doit en outre  notifier la décision de suspension ou de résiliation de la convention l’officine pharmaceutique par lettre recommandée avec accusé de réception ou par un agent de contrôle agréé de sécurité sociale au moyen d’un procès-verbal de réception.   C’est la violation de cette procédure préalable à la résiliation par les juges de la cour de Biskra qu’a constatée la Cour suprême et a par conséquent annulé et cassé l’arrêt rendu par ces derniers .

> Relations de travail - licenciement pour faute grave

En vertu de l’article 73 de la loi 90-11 du 21 avril 1990  relative aux relations de travail complétée et modifiée par la loi n° 91-29 du 21 décembre 1991, le travailleur peut être licencié en cas de commission d’une faute grave .Les comportements ou faits commis par un travailleur et considérés comme  graves susceptibles d’entrainer  le licenciement sont énumérés à l’article 73 de la loi susmentionnée. En vertu de cet article , la commission d’actes de violence est constitutive d’une faute grave. Dans son arrêt  en date du 05 mars 2020 dossier numéro 1408550, la Cour suprême a statué sur un cas où un travailleur a été licencié par son employer au motif qu’il a tenté d’exercer  des actes de violence sur ses supérieurs hiérarchiques .Il s’agit dans le cas d’espèce de tentative de violences et non pas de violences consommées. Le tribunal de Bir Mourad Rais qui a jugé cette affaire en première et dernière instance a donné tord à l’employeur et a ordonné la réintégration du travailleur au motif qu’il s’agit seulement de tentative de violences non exécutées et par conséquent ce comportement ne constitue  une faute grave au sens de l’article 73.La Cour suprême n’a pas été de cet avis et a cassé et annulé le jugement du tribunal au motif que quant bien même il s’agit d’une tentative , il n’en demeure pas moins que le comportement du travailleur constitue une voie de fait qui a eu pour conséquence de terroriser ses supérieurs  hiérarchiques et de créer un  désordre  sur le lieu du travail et qu’en outre  la loi n’exige pas nécessairement que les violences ait entrainé  une incapacité ou un préjudice.

Maitre BRAHIMI Mohamed

Avocat à la cour de Bouira

brahimimohamed54gmail.com