- mohamed brahimi avocat
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Articles de brahimi-avocat
Les récents arrêts les plus marquants du Conseil d'Etat (1er partie )
Le Conseil d’Etat vient de publier les numéros 19 et 20 de sa revue « Revue du Conseil d’Etat » qui est une revue périodique spécialisée dans la publication des décisions les plus importantes du Conseil d'État rendues par ses différentes chambres, ainsi que dans la publication de recherches et études juridiques. Ces deux revues contiennent des décisions importantes qui ont résolu certaines questions juridiques et procédurales qui suscitaient des controverses parmi les professionnels de la justice et qui étaient appliquées de manière confuse et erronées par certaines juridictions administratives. Nous exposerons les plus importantes de ces décisions et commenterons certaines d’entre elles.
1- Litiges fonciers
1-1- Publication des actes portant mutation de terres agricoles
Dans un précédent article intitulé " Les conditions de morcellement des terres agricoles " publié sur ce site, j'ai abordé la problématique du morcellement des terres agricoles. J'ai souligné que les mutations foncières sur ces terres ne doivent pas aboutir à un changement de leur vocation agricole ,ni porter préjudice à la viabilité de l’exploitation agricole, ni constituer des exploitations dont la taille peut aller à l’encontre des normes et programmes d’orientation foncière. Cette règle a été énoncée dans plusieurs lois dont les plus importantes sont la loi n° 90-25 du 18 novembre 1990 modifiée et complétée portant orientation foncière et la loi n° 08-16 du 3 août 2008 portant orientation agricole. Quant à la superficie de référence à respecter pour autoriser la mutation de terres agricoles ,elle est fixée par le décret exécutif n° 97-490 du 20 décembre 1997.
Une brève immersion dans le droit du football
L’inattendue et surprenante défaite de l’équipe nationale de football face à la modeste et inexpérimentée équipe de la Mauritanie qui a entrainé son élimination prématurée dès le premier tour de la coupe d’Afrique des Nations me donne l’occasion de faire ce billet juridique sur le ballon rond.
Intervenus après une première élimination à la CAN de 2021 puis son échec lors des dernières qualifications pour la coupe du monde de 2022 et enfin sa récente élimination à la CAN 2024 , ces fiascos successifs n’ont pas encore provoqué des réactions officiels alors que les responsables techniques en charge de l’équipe nationale, à commencer par son sélectionneur, persistent à fuir leurs responsabilités réciproques en incriminant tantôt les arbitres, tantôt le mauvais état de la pelouse et tantôt le VAR. Dans la foulée des critiques de plus en plus virulentes formulées à l’encontre du sélectionneur de l’équipe nationale , ce dernier devrait quitter son poste incessamment une fois la résiliation du contrat , qui devait expiré en 2026 ,actée et les modalités de ce départ arrêtées en accord avec la FAF ,ce qui suivant certaines rumeurs n’est pas évident en raison du désaccord sur le montant de l’indemnité de résiliation du contrat exigé par le sélectionneur . Le sélectionneur de l’équipe nationale aurait exigé pour son départ anticipé le versement de l’intégralité de ses mensualités jusqu’en 2026 date de l’expiration de son contrat. S’agissant d’un contrat à durée déterminée , le sélectionneur de l’équipe nationale est dans son droit de revendiquer une indemnité de licenciement et de rupture unilatérale du contrat mais pas le versement de tous les salaires restants et ce dans l’hypothèse où l’employeur co- signataire du contrat en l’occurrence la FAF n’a pas prévu une clause expresse dans ce contrat prévoyant la résiliation sans indemnité en cas de mauvaises performances ou en cas de non atteinte des objectifs assignés au sélectionneur ( par exemple atteindre les demi- finales d’une compétition ).
La nouvelle législation relative à la presse et à l’audiovisuel : ce qui a changé
Une nouvelle législation régit désormais l’information et l’audiovisuel en Algérie .Il s’agit de la loi organique n° 23-14 du 27 aout 2023 relative à l’information , de la loi n° 23-19 du 2 décembre 2023 relative à la presse écrite et à la presse électronique et de la loi n° 23-20 du 2 décembre 2023 relative à l’activité audiovisuelle. Ces lois ont remplacé successivement la loi n° 12-05 du 12 janvier 2012 relative à l’information et la loi n° 14-04 du 24 février 2014 relative à l’activité audiovisuelle. La loi relative à l’information est une loi organique conformément à l’article 14 de la Constitution sachant que les lois organiques bénéficient d’un régime spécifique puisque contrairement aux lois ordinaires qui sont adoptées à la majorité des parlementaires présents , les lois organiques doivent être adoptées à la majorité absolue, et doivent obligatoirement être soumises à un contrôle de conformité à la Constitution par la Cour constitutionnelle avant leur promulgation.
Quels sont les changements introduits par cette nouvelle législation ? Est-elle plus ouverte et innovante ou au contraire comme le soutiennent certains professionnels de la presse , demeure t-elle restrictive quant à la liberté d’information, à la recherche de l’information et au statut du journaliste? Il est indéniable que sur certains aspects , les nouvelles lois ont innové et ont élargi la liberté de création des organes de presse écrite, électronique et audiovisuelle , mais en contrepartie demeure cette suspicion exagérée vis-à-vis de l’investissement l’étranger dans ce secteur et cette volonté de vouloir régenter et de surveiller l'activité d'information des médias .
La justice et les collectivités locales : le constat de la Cour des comptes
Dans son rapport pour l’année 2023 qui vient d’être publié , la Cour des comptes a ciblé entre autres la problématique de l’exécution des décisions de justice portant condamnations pécuniaires des collectivités locales. Il est de notoriété publique qu’au regard de plusieurs facteurs dont le moindre est le non suivi rigoureux du contentieux judiciaire où sont impliquées les collectivités locales, ces dernières perdent très souvent leurs procès et sont par conséquent condamnées à verser de fortes indemnisations. Pour illustrer cette problématique , la Cour des comptes a ciblé les wilayas de Blida, Chlef, Médéa, Ain Defla, Djelfa et Tissemsilt et quelques communes en relevant.En introduction, la Cour des comptes a relevé l’ampleur des prélèvements d’office effectués par les services du Trésor sur les budgets de ces collectivités et ce en application des décisions de justice rendues à leur encontre.
Parmi les diverses causes ayant entrainé ces lourdes condamnations pécuniaires , la Cour des comptes cite l’inobservation par les ordonnateurs locaux des procédures régissant l’exécution des dépenses publiques notamment l’engagement de dépenses en l’absence de visas réglementaires ou sans la disponibilité de crédits, l’inobservation des procédures règlementaires régissant les marchés publics, la violation des lois et règlements relatifs à la gestion foncière , l’exécution matérielle de dépenses sur instruction de la tutelle ou encore à la suite de décisions malavisées.En outre elle a relevé que les collectivités locales n’assurent pas un suivi rigoureux des affaires contentieuses dont ils ont la charge, en coordination avec les différents intervenants locaux concernés, tout comme ils ne font pas toujours recours aux procédures de règlement à l’amiable comme mesure préventive pour éviter le contentieux judiciaire.
Les restrictions imposées au droit de grève par le nouveau décret exécutif du 17 octobre 2023 : Un décret exécutif conforme à la loi ?
Les textes d’application des deux lois ,la loi n° 23-02 du 25 avril 2023 relative à l’exercice du droit syndical , et la loi n° 23-08 du 21 juin 2023 relative à la prévention, au règlement des conflits collectifs de travail et à l’exercice du droit de grève viennent d’être publiés au journal officiel n° 67 du 18 octobre 2023 .
Il s’agit de décrets exécutifs pris par le premier ministre :
- Décret exécutif n° 23-359 du 17 octobre 2023 fixant les modalités d’appréciation de la représentativité des organisations syndicales et le contenu des indicateurs statistiques relatifs à leurs adhérents.
- Décret exécutif n° 23-360 du 17 octobre 2023 fixant les modalités de détachement pour l’exercice d’un mandat syndical, du bénéfice d’autorisations d’absence et du congé de formation syndicale dans les institutions et administrations publiques.
- Décret exécutif n° 23-361 du 17 octobre 2023 fixant la liste des secteurs d'activités et des postes de travail nécessitant la mise en œuvre d’un service minimum obligatoire et la liste des secteurs, des personnels et des fonctions, auxquels le recours à la grève est interdit.
- Décret exécutif n° 23-362 du 17 octobre 2023 fixant la périodicité des réunions obligatoires relatives à l'examen de la situation des relations socioprofessionnelles et des conditions générales de travail au sein des institutions et administrations publiques.
- Décret exécutif n° 23-363 du 17 octobre 2023 fixant les missions des médiateurs dans le domaine du règlement des conflits collectifs de travail ainsi que les modalités de leur désignation et de leurs honoraires.
- Décret exécutif n° 23-364 du 17 octobre 2023 fixant la composition, les modalités de désignation des membres de la commission nationale et de la commission de wilaya d’arbitrage en matière des conflits collectifs de travail ainsi que leur organisation et leur fonctionnement.
- Décret exécutif n° 23-365 du 17 octobre 2023 fixant les missions, la composition, les modalités de désignation du président et des membres du conseil paritaire de la fonction publique dans le domaine de la conciliation des conflits collectifs de travail ainsi que son organisation et son fonctionnement.
La procédure de révocation du mandat de député : L’avis rendu par la Cour constitutionnelle
Saisie par le président de l’Assemblée Populaire Nationale en application des dispositions de l’article 192 -2 de la Constitution aux fins d’interprétation de l’article 127 de la Constitution qui prévoit les conditions de révocation du mandat du député, La Cour constitutionnelle a rendu un avis sur la question par une décision daté du au 7 août 2023 n° 01/A.C.C/I.C/23 publié au journal officiel.
En application de l’article 127 de la Constitution « Le député ou le membre du Conseil de la Nation engage sa responsabilité devant ses pairs qui peuvent révoquer son mandat s’il commet un acte indigne de sa mission. Le règlement intérieur de chacune des deux chambres fixe les conditions dans lesquelles un député ou un membre du Conseil de la Nation peut encourir l’exclusion. Celle-ci est prononcée, selon le cas, par l’Assemblée Populaire Nationale ou par le Conseil de la Nation, à la majorité de ses membres sans préjudice de toutes autres poursuites prévues par la loi « .
L’enchevêtrement des compétences en matière pénale
Récemment des personnes poursuivies pour diverses infractions à l’instar des personnes poursuivies du chef de spéculation illicite sur des produits alimentaires de large consommation ont été traduites devant le tribunal d’Alger – centre ( tribunal de Sidi M’hamed), alors que ces personnes sont originaires des l’Est ou de l’Ouest du pays et que les infractions objet de ces poursuites ont été commises dans ces régions. D’autres personnes dont certaines sont domiciliées à l‘extrême sud du pays ont été poursuivies devant le même tribunal pour infraction de rassemblement non autorisé . D’aucuns ont recherché les motifs de la soustraction de ces personnes à la juridiction traditionnellement compétente pour les juger en l’occurrence le tribunal du lieu de leur domicile ou celui du lieu de la commission de l’infraction au lieu de les juger par un tribunal situé à des centaines de kilomètres de leur lieu de résidence. Cette question légitime soulève en fait la problématique du regroupement du contentieux en droit répressif.
L’arbitrage interne ou comment éviter un procès long et coûteux
Il est incontestable que les procès devant les juridictions étatiques coûtent chers et peuvent trainer en longueur pendant des années. Certains procès peuvent même ruiner un justiciable quant bien même il sort victorieux de son procès ce qui est bien illustré par l’adage « il vaut mieux un mauvais arrangement qu’un bon procès». Pour éviter ces inconvénients , la loi a prévu des modes alternatifs de règlement des litiges dont l’arbitrage qui est adapté pour régler à l’amiable les conflits qui naissent ou qui peuvent naitre entre les personnes physique ou morales.
La nouvelle loi relative à l’exercice du droit syndical : Les nouvelles règles.
La nouvelle loi n° 23-02 du 25 avril 2023 relative à l’exercice du droit syndical qui était très attendue aussi bien par les travailleurs que par les employeurs vient d’être promulgué et publié au journal officiel n° 29 du 2 mai 2023. Les premières réactions des organisations syndicales de travailleurs ont été dans leur globalité négatives et ont reproché entres autres aux pouvoirs publics de ne pas les avoir suffisamment consulté lors de l’élaboration de cette loi . Certains syndicats autonomes ont même rejeté cette loi estimant que celle-ci est attentatoire au principe du libre exercice du droit syndical garanti par l’article 69 de la Constitution et qu’elle est en porte à faux avec les conventions internationales de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) ratifiées par l’Algérie. Quant aux opérateurs du secteur économique qui sont aussi concernés par cette loi , leurs organisations patronales ont été plus discrètes. Par contre pour les concepteurs de cette loi , ils s’agissait de donner plus de valeur à l’activité syndicale , de consacrer la liberté d’exercer le droit syndical et de s’aligner sur les dispositions des conventions de l’OIT ratifiées par l’Algérie .Quant est-il exactement ?
Le contentieux douanier à la lumière de la jurisprudence de la Cour suprême
Abréviations utilisées dans l’article
art.= article d’une loi.
C.E. = Conseil d’Etat.
C.D. = code des douanes.
Ch.adm. = chambre administrative de la Cour suprême.
Ch.civ.= chambre civile de la Cour suprême.
Ch.com.= chambre commerciale de la Cour suprême.
Ch.crim. = chambre criminelle de la Cour suprême.
Ch.d.c. = chambre des délits et des contreventions de la Cour suprême.
C.S = Cour suprême.
R.C.S.= revue de la Cour suprême, revue publiée par la Cour suprême.
R .J. = revue judiciaire, revue publiée par la Cour suprême.
Les arrêts mentionnés dans cet article peuvent être consultés en intégralité sur la page « Revue de la Cour supreme » de ce site.
On entend par contentieux en douane l’ensemble des litiges nés de la violation de la législation et de la réglementation douanières, des impôts indirects, de change et des autres législations et réglementations dont l’application est confiée l’administration des douanes. Le contentieux douanier se présente sous 3 volets :
Un volet pénal ayant pour objet la recherche , la poursuite et la sanction des infractions au code des douanes ou aux différentes législations et réglementations dont l’administration des douanes a la charge d’appliquer .
Un volet civil qui englobe le contentieux du recouvrement notamment le recouvrement forcé des créances de l’administration des douanes, le contentieux découlant des contestations se rapportant à l’assiette et au recouvrement desdites créances et Le contentieux relatif aux mesures conservatoires pour les garanties de paiement des pénalités pécuniaires.
Un volet transactionnel qui consiste pour l’administration des douanes , sur demande de la personne poursuivie, à transiger c’est à dire à régler amiablement le contentieux . Mais cette transaction ne peut porter en application de l’article 265 du code des douanes que sur des remises partielles et ne peut en aucun cas concerner des marchandises prohibées à l'importation ou à l'exportation comme elle ne peut intervenir après décision judiciaire définitive. La transaction est interdite si l’infraction est qualifié de contrebande et ce en application de l’art. 21 de l’Ordonnance n° 05- du 23 août 2005 relative à la lutte contre la contrebande.
Le contentieux douanier pose la problématique du tribunal compétent. Si en matière pénale le tribunal compétent ne pose pas de difficulté puisque c’est la juridiction pénale qui est compétente ( la section correctionnelle ou contraventionnelle du tribunal en cas de commission d’une infraction douanière qualifiée de délit ou de contravention ; le tribunal criminel si l’infraction douanière est qualifiée de crime ) . Dans les matières autres que pénales , il y a lieu de distinguer la compétence du tribunal civil et celle du tribunal administratif sachant que l’administration des douanes est une institution publique à caractère administratif et par conséquent les actions judiciaires où elle est partie sont en principe , en vertu de l’article 800 du code de procédure civile et administrative, de la compétence du tribunal administratif . Nous verrons que par dérogation à ce principe , certains contentieux douaniers dépourvus du caractère pénal relèvent de la compétence du tribunal civil et non pas du tribunal administratif .
Nous détaillerons en premier lieu les règles régissant l’infraction douanière par référence au code des douanes puis nous exposerons la jurisprudence très fournie de la Cour suprême sur les différents aspects du contentieux douanier.