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Une brève immersion dans le droit du football

mohamed brahimi Par Le 27/01/2024

Image stade 6

L’inattendue et surprenante  défaite  de l’équipe  nationale de football  face à la modeste et inexpérimentée équipe de la Mauritanie qui a entrainé son élimination prématurée dès le premier tour de la coupe d’Afrique des Nations me donne l’occasion de faire ce billet juridique sur le ballon rond.

Intervenus après une première élimination à la CAN de 2021 puis son échec lors des dernières qualifications pour la coupe du monde de 2022  et enfin sa récente élimination à la CAN 2024 , ces fiascos successifs n’ont pas encore provoqué des réactions officiels alors que les responsables techniques en charge de l’équipe nationale, à commencer par son sélectionneur, persistent à fuir leurs responsabilités réciproques  en incriminant   tantôt les arbitres, tantôt le mauvais état de la pelouse et  tantôt le VAR. Dans la foulée des critiques  de plus en plus virulentes  formulées à l’encontre du sélectionneur de l’équipe nationale , ce dernier devrait quitter  son poste incessamment une fois la résiliation du contrat  , qui devait  expiré  en 2026  ,actée et  les modalités de ce départ arrêtées en accord avec la FAF ,ce qui suivant certaines rumeurs n’est pas évident en raison du désaccord sur le montant de l’indemnité de résiliation du contrat  exigé  par le sélectionneur . Le sélectionneur de l’équipe nationale aurait exigé pour son départ anticipé  le versement de l’intégralité de ses mensualités jusqu’en 2026 date de l’expiration de son contrat. S’agissant d’un contrat   à durée  déterminée  , le sélectionneur de l’équipe nationale est  dans  son droit de revendiquer une indemnité de licenciement et de rupture unilatérale du contrat  mais pas le versement  de tous les salaires restants et ce dans l’hypothèse où l’employeur  co- signataire du contrat en l’occurrence la FAF n’a pas prévu une clause expresse dans ce contrat  prévoyant la résiliation  sans indemnité en cas de mauvaises performances ou en cas de non atteinte  des objectifs  assignés au sélectionneur ( par exemple atteindre les demi- finales d’une compétition ).  

 

En tout état de cause il ne s’agit en fin de compte que de football qui n’est pas une science exacte ,car on a vu  des équipes de premier ordre subir des débâcles. Mais il n’en demeure pas moins que l’élimination d’une équipe nationale de football  d’une compétition mondiale ou continentale   peur être vécue par tout un peuple comme une tragédie, ce qui a été le cas de l’élimination  de l’Algérie dès le premier tour  de cette CAN 2024.

Au tout début était la FIFA :

Né au 19e  siècle, le football  a connu un succès international croissant. La première partie internationale a eu lieu en 1873 (Ecosse - Angleterre, 0-0) et très vite s’est posé le problème d’une interprétation unique des règles, comme est  apparue la nécessité d’une instance internationale chapeautant toutes ces compétitions.

La Fédération Internationale de Football Association (FIFA ) a été créée  le 21 mai 1904 à Paris et a pour vocation  de gérer et de développer le football dans le monde. Le mot «  football » est un terme anglais  qui n’est autre que la contraction  des mots «  foot » ( pieds) et « ball » ( ballon) . Quant à l’expression «  Football Association » en anglais «  Association Football  » c’est l’appellation originelle utilisée pour distinguer ce sport des autres variantes de football qui se développent à la même époque ou même avant  ( la soule , le calcio florentin…). La Fédération Algérienne de Football ( FAF ) a été fondée le 21 octobre 1962 et est affiliée à la FIFA depuis 1963 ,à  la CAF depuis 1964, à l’UAFA depuis  1974 et à l’UNAF depuis  2005.Le premier conseil d’administration de la FAF a été présidé par le docteur Mohand Amokrane Maouche , médecin de son état .  

La FIFA est une association inscrite au registre du commerce de droit suisse soumise aux articles 60 et suivants du code civil suisse dont le siège est à Zurich (FIFA-Strasse 20, P.O. Box CH-8044 Zurich, Suisse) .Elle est régie par des statuts . En vertu de l’article 10 des statuts de la FIFA , toute association responsable de l’organisation et du contrôle du football dans un pays peut devenir membre de la FIFA .Par « pays », il faut entendre un État indépendant reconnu par la communauté internationale. En Algerie , seule la FAF est membre de la FIFA.

L’adhésion à la FIFA suppose l’adhésion à une des six confédérations géographiques en charge des compétitions internationales régionales .Pour L’Afrique , c’est la Confédération  Africaine de Football (CAF ) qui organise et administre  les principales compétitions continentales , qu’elles soient destinées aux sélections nationales comme la Coupe d’Afrique des Nations et le Championnat  d’Afrique des nations organisées  tous les deux ans ,  ou aux  clubs comme la Ligue des Champions , la Coupe de la Confédération  et la Supercoupe de la CAF .Elle est aussi responsable des compétitions continentales de football féminin et de jeunes. La FIFA organise les compétitions mondiales  comme la Coupe du Monde qui est on s’en doute  la compétition la plus prestigieuse  connue aussi sous le nom de FIFA World Cup ( depuis 1930),mais aussi la Coupe du Monde féminine ( depuis 1991) ,la Coupe du Monde de football en salle,la Coupe du Monde des clubs, le Tournoi Olympique de Football masculin et féminin…

Aujourd’hui, tout pays qui veut participer à des compétitions internationales de football doit adhérer à la FIFA, et tout joueur souhaitant participer doit être adhérent d’un club affilié à une association nationale membre de la FIFA. Par  exception à la règle qui veut qu’un pays ne peut posséder qu’une seule association nationale de football affiliée à la FIFA ,  le Royaume Uni n’a pas une association mais quatre : l’Angleterre, l’Écosse, le Pays de Galles et l’Irlande du Nord qui ont toujours eu un  rôle prépondérant dans l’établissement des règles du jeu  sachant  que c’est l’Angleterre qui a défini les règles modernes du football au 19e siècle.

Les statuts de la FIFA énoncent   plusieurs principes auxquels, sont soumises toutes les fédérations nationales.  Un des principes essentiels  est posé à l’article 13, 1, g) des statuts. Toutes les Associations qui  adhèrent  à la FIFA s’engagent à «  diriger leurs affaires en toute indépendance et veiller à ce qu’aucun tiers ne s’immisce dans leurs affaires ». Ce tiers est bien entendu  l’État du pays concerné.

Les membres de la FIFA  doivent respecter les obligations suivantes : a) observer en tout temps les statuts, règlements, directives et décisions des organes de la FIFA ainsi que celles du  tribunal arbitral du sport  ; b) participer aux compétitions organisées par la FIFA ; c) payer les cotisations ; d) faire respecter par leurs propres membres les Statuts, règlements, directives et décisions des organes de la FIFA ; e) créer une commission des arbitres directement subordonnée à l’association membre concernée ; f) respecter les Lois du Jeu ; g) observer toutes les autres obligations découlant des Statuts et autres règlements de la FIFA. La violation de ses obligations par un membre entraîne les sanctions prévues  par les statuts et par le  code disciplinaire .

Ces sanctions peuvent aller jusqu’à la suspension notamment en cas d’ingérence ou d’immixtion d’un Etat dans les affaires des fédérations de football .La FIFA applique rigoureusement  la règle selon laquelle la politique ne doit pas interférer avec le sport.Cette règle  s’applique aussi bien aux fédérations nationales qu’ à la FIFA elle-même sauf quand l’État du pays en question a une attitude contraire aux principes sportifs de respect et d’égalité. Ainsi L’Afrique du Sud a  été longtemps exclue de la FIFA à cause de la politique d’Apartheid, et la Yougoslavie a été exclue de l’Euro 1992 pour cause de nettoyage ethnique. En Algérie, l’article 87 de la loi n° 13-05 du 23 juillet 2013 relative à l’organisation et au développement des activités physiques et sportives  dispose expressément que : « La fédération sportive nationale élabore et gère les systèmes compétitifs et les activités sportives relevant de sa compétence en toute autonomie ».

La procédure disciplinaire applicable devant la FIFA est régie par des règles spéciales. Les mesures disciplinaires qui peuvent être infligées tant aux personnes physiques que  morales sont nombreuses et diverses, en fonction de la nature de  faute commise. La sanction peut prendre la forme d’une mise en garde , d’un  blâme ,d’une amende ,d’un avertissement ,d’une expulsion ,d’une suspension de match ,d’une interdiction de vestiaires et/ou de banc de réserve ,d’une interdiction de stade ,d’une interdiction d’exercer toute activité relative au football .Contre les personnes morales la sanction peut prendre la forme d’une interdiction d’enregistrer de nouveaux joueurs ,d’une obligation de jouer à huis-clos ou de jouer en terrain neutre ,de l’interdiction de jouer dans un stade déterminé ,d’annulation de résultats de matches ,d’exclusion ,de  forfait ,de déduction de points ou enfin de  relégation forcée dans une catégorie.

Les organes juridictionnels de la FIFA chargés de veiller au respect des statuts, des règlements et des codes de la FIFA  et de prononcer les sanctions appropriées en cas de violation sont : la Commission de Discipline, la Commission de Recours  et la Commission d’Éthique. La Commission de Discipline peut prendre les sanctions énumérées dans les   statuts et le Code disciplinaire de la FIFA contre les membres, les clubs, les officiels, les joueurs ainsi que les agents de matches et les agents de joueurs. Quant à la Commission d’Ethique , elle est  régie par le Code d’éthique de la FIFA tel qu’établi par le Comité Exécutif de la FIFA .

La Commission de Recours de la FIFA connaît des recours interjetés contre les décisions de la Commission de Discipline que les règlements de la FIFA ne déclarent pas définitives. Les décisions de la Commission de Recours sont définitives et contraignantes pour toutes les parties intéressées, sous réserve d’un recours auprès du  Tribunal Arbitral du Sport (TAS) qui est un tribunal indépendant dont le siège est à Lausanne en Suisse. En outre,  La FIFA reconnaît le recours au Tribunal Arbitral du Sport  en cas de litige entre la FIFA, les membres, les confédérations, les ligues, les clubs, les joueurs, les officiels, les agents de matches et les agents de joueurs licenciés. La procédure arbitrale est régie par les dispositions du Code de l’arbitrage en matière de sport  ainsi que par les  divers règlements de la FIFA  et en tout état de cause  le droit suisse peut être appliqué  à titre supplétif.

Les confédérations, les membres et les ligues s’engagent à reconnaître Tribunal Arbitral du Sport  (TAS)  comme instance juridictionnelle indépendante. Ils s’engagent à prendre toutes les dispositions nécessaires pour que leurs membres ainsi que leurs joueurs et officiels se soumettent à l’arbitrage du TAS. En vertu de l’article  64-2 des statuts de la FIFA,  tout recours devant un tribunal ordinaire est interdit . Ainsi si jamais une fédération nationale de football  s’amuse à  soumettre un litige  à un tribunal national au lieu et place  su TAS , des sanctions  lui seront infligées qui peuvent aller jusqu’à la suspension ou l’exclusion de cette fédération , ce qui entrainera de facto l’exclusion de ses équipes  de toute compétition internationale .Par exemple la FIFA a suspendu en 2023 la fédération béninoise de football pour ingérence politique  après qu’un  tribunal de ce pays  ait annulé les élections de  la fédération béninoise de football et a nommé un comité provisoire pour gérer le football béninois .

D’aucuns peuvent trouver  bizarre ou choquant que la FIFA , qui n’est en fin de compte  qu’une organisation non gouvernementale , puisse dicter sa volonté à un État souverain et échappe aux juridictions nationales. En vérité , heureusement qu’il en est ainsi car on peut aisément imaginer ce qui adviendra d’une fédération nationale de football dans  les pays non démocratiques qui sont  de par leur nature  enclins à  interférer dans le libre fonctionnement  des instances sportives. En sus d’éviter des interférences politiques ou economiques dans le football qui pourait compromettre l’independance , l’integrité et le developement de la FIFA , l’interdiction faite  aux tribunaux nationaux  de statuer sur les litiges liés au football et le transfert de ce pouvoir aux instances de la FIFA  sont à  même de garantir d’une part  un traitement plus rapide ,plus équitable et plus efficace de ces litiges en tenant compte des spécificités de ce sport , et d’autre part d’assoir une réglementation uniforme et cohérente que ne peuvent garantir les différents systèmes juridiques nationaux.   

Maitre BRAHIMI Mohamed

Avocat à la cour de Bouira

brahimimohamed54@gmail.com