Le Conseil d’Etat a en outre confirmé sa jurisprudence antérieure qui reconnait à l’administration le pouvoir de retirer et d’annuler sa décision mais seulement au cours du délai de recours de quatre mois et à la condition d’exciper de motifs sérieux justifiant ce retrait qui est soumis au contrôle du juge. Dans le cas d’espèce il s’agissait non pas d’un retrait mais d’un gel du permis de construire. Pour le Conseil d’Etat , quant bien même la décision de gel serait considérée comme un retrait , cette décision est intervenue après l’expiration du délai de quatre mois à compter de la délivrance du permis de construire , et que d’autre part elle est motivée par l’existence d’un litige sur le terrain objet du permis de construire alors que ce motif n’est pas sérieux et par conséquent le président de l’APC a commis un excès de pouvoir en s’érigeant comme juge statuant sur des litiges .
3-2- Illégalité de l'annulation du permis de construire par le wali
Dans un arrêt en date du 17 novembre 2016 , dossier n° 112233 , le Conseil d’Etat a jugé qu’il n’est pas dans les attributions du wali d’annuler un permis de construire délivré par le président de l’APC. Dans ce dossier le wali de Mostaganem a pris un arrêté portant annulation du permis de construite délivré par le président de l’APC en 2012 et ce au motif que l’avis des services de la direction de la construction et de l’urbanisme n’a pas été sollicité et que les prescriptions du plan directeur d’aménagement et d’urbanisme qui prévoit l’affectation du terrain à la réalisation de logements sociaux n’ont pas été respectées .Saisi par un recours en annulation de l’arrêté du wali , le tribunal de Mostaganem fit droit à cette demande et prononça l’annulation .Sur appel de la décision du tribunal administratif , le Conseil d’Etat confirma le jugement des premiers juges au motif d’une part que le wali a commis un excès de pouvoir , ce dernier étant incompétent pour annuler des décisions administratives dont il n’est pas l’auteur , et que d’autre part quant bien même la décision du président de l’APC de délivrer un permis de construite serait entaché de violation de la loi , l’annulation de cette décision est du seul ressort du juge.
3-3- Illégalité de l’arrêté du wali portant démolition d’une construction
Par un arrêt en date du 20 juin 2019 dossier n° 133493, le Conseil d’Etat a statué sur un recours dirigé contre un arrêté du wali de la wilaya d’Alger autorisant le démolition d’un immeuble à usage d’habitation . Pour justifier sa décision de démolition , le wali prétend que l’auteur de la bâtisse n’a pas d’acte de propriété du terrain sur lequel a été érigée la construction et qu’en outre la décision d’attribution de ce terrain prise par la commune n’est ni enregistrée ni publiée et ce en violation de la loi n° 90-25 du 18 novembre 1990 portant orientation foncière .Saisi d’un recours en annulation de cet arrêté du wali , le tribunal administratif d’Alger a fait droit à cette demande . Sur appel du wali ,le Conseil d’Etat confirma le jugement du tribunal administratif d’Alger au motif d’une part que l’intimé propriétaire de l’immeuble a bénéficié du terrain par délibération et décision d’attribution de la commune , et que d’autre part le wali prétend que l’attribution du terrain est intervenue en violation de la loi sans que le juge ne soit saisi pour statuer sur cette illégalité.
3-4- Délivrance du permis de construire sans respect des prescriptions légales
La délivrance d’un permis de construire est soumise à des conditions prévues par une législation et une réglementation spéciales notamment le respect des dispositions de la loi relative à l’aménagement et à l’urbanisme. En outre aucun permis de construire ne peut être accordé si la construction envisagée empiète sur le périmètre de protection autour des installations et infrastructures pour lesquelles toute activité pourrait présenter directement ou indirectement des risques ou des inconvénients pour leur fonctionnement et leur sécurité au sens du décret n° 84-105 du 12 mai 1984.
Dans un arrêt en date du 19 septembre 2019 dossier n° 136223 , le Conseil d’Etat a eu à statuer sur un recours en annulation d’un permis de construire délivré par le président de l’APC de Bejaia à une société privée à l’effet de construire une base multi-services attenante à une station de production d’électricité appartenant à la société nationale de gestion du réseau de transport de l’électricité . Saisi en première instance de ce recours , le tribunal administratif de Bejaia et sur la base de l’expertise qu’il a précédemment ordonnée annula l’arrêté du président de l’APC portant délivrance du permis de construire .Saisi en appel , le Conseil d’Etat confirma le jugement du tribunal administratif de Bejaia au motif que l’expert désigné a constaté que la distance de sécurité fixée à 20 mètres pour les installations relevant du secteur de l’électricité n’a pas été respectée , ce qui constitue une violation du décret n° 84-105 et de l’arrêté interministériel du 15 janvier 1986 .
4- Responsabilité de l’administration
4-1- Responsabilité de l’hôpital pour faute de service
Dans un arrêt daté du 20 février 2014 dossier n° 88725 , le Conseil d’Etat a jugé que la responsabilité de l’établissement hospitalier est engagée en cas de commission d’une faute de service notamment si l’établissement ne prend pas les précautions nécessaires pour protéger l’intégrité physique du malade qui était sous sa responsabilité.
Dans ce dossier soumis au contrôle du Conseil d’Etat il s’agit du décès d’un malade survenu dans des conditions singulières dans un hôpital après y être admis en urgence. La famille de ce malade qui s’est présentée le lendemain de l’admission de leur proche à l’hôpital pour s’enquérir de son été de santé l’ont retrouvé mort sur un siège hors de l’enceinte de l’hôpital . L’enquête diligentée par les services de sécurité a révélé qu’effectivement ce malade , admis à l’hôpital suite à une détérioration de son état de santé , a été pris en charge et mis sous surveillance médicale mais que le lendemain matin il a été retrouvé mort sur un siège près de cet hôpital. Saisi par la famille du défunt par une action en indemnisation , le tribunal administratif a fait droit à cette action et condamna l’hôpital à leur verser une indemnité. Suite à l’appel du jugement rendu par le tribunal administratif , le Conseil d’Etat confirma le décision du tribunal administratif au motif que l’hôpital a commis une faute de service du fait que le malade a été retrouvé mort hors de l’enceinte de l’hôpital sans qu’aucune autorisation de sortie ne lui ait été remise alors que l’établissement hospitalier était dans l’obligation de prendre les précautions et les dispositions nécessaires pour protéger l’intégrité physique du malade qui était sous sa responsabilité.
Le Conseil d’Etat a en outre précisé dans son arrêt que dans le cas d’espèce il s’agit non pas d’une faute médicale mais d’une faute de service , sachant que la différence entre faute de service et faute médicale réside dans la nature de l’acte à l’origine du dommage et la personne responsable de ce dommage. La faute de service qui engage la responsabilité de l’établissement de santé qu’il soit public ou privé concerne les erreurs liées à l’organisation ou au fonctionnement de cet établissement à l’instar du cas d’espèce objet de l’arrêt rendu par le Conseil d’Etat. Quant à la faute médicale elle fait référence à une erreur commise par un professionnel de santé dans l’exercice de ses fonctions qui peut voir sa responsabilité civile ou même pénale engagée. La faute de service implique donc une responsabilité collective de l’hôpital ,alors que la faute médicale peut entrainer la responsabilité individuelle du professionnel de santé. Sur le terrain de la nature de la faute , la jurisprudence nationale actuelle fait une distinction. Lorsque la responsabilité de l’hôpital est mise en cause pour des activités distinctes de l’exercice médical à l’instar du cas d’espèce ou autres actes mettant en cause l’organisation et le fonctionnement de l’hôpital , ou encore quand il s’agit d’actes sans difficulté médicale tels que piqures , perfusion ou pansements , l’engagement de la responsabilité de l’hôpital est subordonné à une faute simple .Par contre pour les actes médicaux au sens strict du terme , ils ne sont susceptibles d’être à l’origine de responsabilité de l’hôpital qu’en cas de fauter grave c’est à dite une faute d’une particulière gravité
4-2- Preuve de la faute médicale
En principe la preuve de la faute médicale génératrice de responsabilité est établie suite à une expertise diligentée par un médecin ou un collège de médecins désigné à cet effet par le tribunal. Par contre dans certains cas, le constat fait par le médecin légiste hors de toute action en justice suffit pour engager la responsabilié de l’établissement hospitalier .Ainsi si le médecin légiste qui a consulté une femme ayant accouché par césarienne a fait le constat que des compresses ont été oubliées dans le ventre de cette femme durant l’accouchement ce qui a provoqué la détérioration de son état de santé et l’ablation ultérieur de la partie gangrenée de son gros intestin , la responsabilité civile de l’établissement hospitalier pour faute médicale est engagée sans qu’il soit besoin de recourir à une expertise , le certificat médical du médecin légiste se suffit à lui-même. C’est dans ce sens qu’a statué le Conseil d’Etat dans son arrêt en date du 18 septembre 2014 dossier n° 93536.
BRAHIMI Mohamed
avocat à la cour de Bouira
brahimimohamed54@gmail.com