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Les récents arrêts les plus marquants du Conseil d'Etat ( 2e partie)

mohamed brahimi Par Le 22/03/2024

Coseil d etat

3- Litiges en matière d’urbanisme et de construction

3-1- Permis de construire – Gel du permis de construire    

Par un arrêt du 20 octobre 2016  dossier n° 11140,le Conseil d’Etat a  jugé que l’arrêté du président de l’APC portant  gel  d’un permis de construire  antérieurement accordé est entaché d’illégalité  et d’excès de pouvoir. Dans ce dossier , le président de l’APC de Ain Beida a pris un arrêté daté du 17 juin 2014   portant gel d’un permis de construire qu’il a précédemment accordé par un arrêté en date du 09 octobre 2010 . Saisi d’une action en annulation de l’arrêté du 17 juin 2014,le tribunal administratif annula cet arrêté au visa  de l’excès de pouvoir  . Le Conseil d’Etat , sur appel  du président de l’APC , confirma ce jugement en apportant certaines clarifications juridiques. Pour le Conseil d’Etat, si la loi a effectivement reconnu au président de l’APC  un  pouvoir de contrôle en matière d’urbanisme et de construction  , ce pouvoir  doit être exercé dans les termes et les limites fixés par les  dispositions légales relatives aux décisions de délivrance des permis et autres autorisations et aux décisions de sursis à statuer sur les demandes de permis de construire,ces dernières devant intervenir dans un délai d’une année en application de l’article 45 du décret exécutif n° 91-176 du 28 mai 1991,et par conséquent la décision du gel d’un permis de construire déjà accordé est une décision qui n’est pas prévue par la loi.

 

Le Conseil d’Etat a en outre confirmé sa jurisprudence  antérieure  qui reconnait à  l’administration  le pouvoir de  retirer  et d’annuler  sa décision mais seulement  au cours  du  délai  de recours de quatre mois et à la condition d’exciper  de  motifs sérieux justifiant ce retrait qui est soumis au contrôle du juge. Dans le cas d’espèce il s’agissait non pas d’un retrait mais d’un gel du permis de construire. Pour le Conseil d’Etat , quant bien même la décision de gel  serait considérée  comme un retrait  , cette décision  est intervenue après l’expiration  du délai de quatre mois à compter de la délivrance du permis de construire , et que d’autre part elle est motivée par l’existence d’un litige sur le terrain objet du permis de construire  alors que ce motif n’est pas sérieux   et par conséquent le  président de l’APC  a commis un excès de pouvoir  en s’érigeant  comme  juge statuant sur des litiges .

3-2- Illégalité de l'annulation du permis de construire par le wali   

Dans un   arrêt en date du 17 novembre 2016 , dossier n° 112233 , le Conseil d’Etat a  jugé qu’il n’est pas dans les attributions du wali d’annuler un permis de construire délivré par le président de l’APC. Dans  ce dossier le wali de Mostaganem a pris un arrêté portant annulation du permis de construite délivré par  le président de l’APC  en 2012 et ce au motif  que  l’avis des   services   de la direction de la construction et de l’urbanisme  n’a pas été sollicité et que les prescriptions du  plan directeur d’aménagement et d’urbanisme qui prévoit l’affectation  du terrain  à la réalisation de logements sociaux n’ont pas été respectées .Saisi par un recours en annulation de l’arrêté  du wali , le tribunal de Mostaganem fit droit à cette demande et prononça l’annulation  .Sur appel de la décision du tribunal administratif , le  Conseil d’Etat confirma le jugement des premiers juges au motif  d’une part que le wali a commis un excès de pouvoir  , ce dernier  étant  incompétent pour annuler des  décisions administratives  dont il n’est pas l’auteur , et que d’autre part  quant bien même   la décision du président de l’APC  de délivrer un  permis de construite serait entaché de violation de la loi  ,  l’annulation de cette décision est du seul ressort du juge.

3-3-  Illégalité de l’arrêté du wali portant démolition d’une construction 

Par un arrêt en date du 20 juin 2019 dossier n° 133493, le Conseil  d’Etat  a statué sur un recours dirigé contre un  arrêté du wali de la wilaya d’Alger autorisant le démolition d’un immeuble à usage d’habitation . Pour justifier sa décision de démolition , le wali  prétend que l’auteur de la bâtisse  n’a pas d’acte de propriété  du terrain sur lequel a été érigée la construction et qu’en outre  la décision  d’attribution de ce terrain prise par la commune   n’est ni enregistrée ni publiée  et ce en violation de la loi n° 90-25 du 18 novembre 1990 portant orientation foncière .Saisi d’un recours en  annulation de cet arrêté du wali , le tribunal administratif d’Alger a fait droit à cette demande . Sur appel  du wali  ,le Conseil d’Etat  confirma le jugement du tribunal administratif d’Alger  au motif  d’une part  que l’intimé propriétaire de l’immeuble a bénéficié du terrain par délibération  et décision d’attribution de la commune  , et  que d’autre part le wali prétend que  l’attribution du terrain  est intervenue  en violation de la loi  sans  que le juge ne soit saisi pour statuer sur  cette  illégalité.  

3-4- Délivrance du permis de construire sans respect des prescriptions légales

La délivrance d’un  permis de construire  est soumise à des conditions prévues  par une  législation et une réglementation spéciales notamment le respect des dispositions de la loi relative à l’aménagement et à l’urbanisme. En outre  aucun permis de construire  ne peut être accordé si la construction   envisagée empiète sur le périmètre de protection  autour des installations  et infrastructures pour lesquelles toute activité pourrait présenter directement ou indirectement des risques ou des inconvénients  pour leur fonctionnement et leur sécurité au sens du décret n° 84-105 du  12 mai 1984.

Dans un arrêt en date du  19 septembre 2019 dossier n° 136223 , le Conseil d’Etat  a eu à statuer sur un recours en annulation d’un permis de construire   délivré  par le président de l’APC de Bejaia à une société privée à l’effet de construire une base  multi-services attenante  à une station de production d’électricité appartenant à la société nationale de  gestion du réseau de transport de l’électricité . Saisi en première instance de ce recours , le tribunal administratif de Bejaia et sur la base de l’expertise qu’il a précédemment ordonnée annula l’arrêté du président de l’APC portant délivrance du permis de construire .Saisi en  appel  , le  Conseil d’Etat  confirma le  jugement  du tribunal administratif  de Bejaia au motif que l’expert désigné a  constaté que la distance de sécurité fixée à 20 mètres pour les installations relevant du secteur de l’électricité n’a pas été respectée , ce qui constitue une violation  du décret n° 84-105 et de l’arrêté interministériel du 15 janvier 1986 . 

4- Responsabilité de l’administration

4-1- Responsabilité de l’hôpital pour faute de service

Dans un arrêt daté du 20 février 2014 dossier n° 88725  , le Conseil d’Etat  a  jugé que la responsabilité de  l’établissement hospitalier est engagée  en cas  de commission d’une faute de service notamment  si  l’établissement ne prend pas les précautions  nécessaires pour  protéger l’intégrité physique du malade qui était sous sa responsabilité.

Dans ce dossier soumis au contrôle du Conseil d’Etat  il s’agit du décès  d’un  malade  survenu dans des conditions singulières dans un hôpital  après y être admis en urgence. La famille de ce malade qui s’est présentée le lendemain de l’admission de leur proche  à l’hôpital pour s’enquérir  de son été de santé l’ont  retrouvé mort  sur un siège hors de l’enceinte de l’hôpital . L’enquête  diligentée par les  services de sécurité a révélé qu’effectivement ce malade ,  admis à  l’hôpital suite à une détérioration de son état de santé , a été pris en charge et mis sous surveillance médicale  mais que le lendemain  matin il a été retrouvé mort  sur un siège près de cet hôpital. Saisi par la famille du défunt par une action en indemnisation  , le tribunal administratif a fait droit à cette action et condamna l’hôpital à leur verser une indemnité. Suite à l’appel du jugement rendu par le tribunal administratif , le Conseil d’Etat confirma le décision du tribunal administratif au motif que l’hôpital a commis une faute de service  du fait que le malade a été retrouvé mort hors de l’enceinte de l’hôpital  sans qu’aucune autorisation de sortie ne lui ait été remise  alors que  l’établissement hospitalier  était dans l’obligation  de prendre les précautions et les dispositions nécessaires pour protéger l’intégrité physique du malade qui était sous sa responsabilité.

Le Conseil d’Etat  a en outre  précisé  dans son arrêt que dans le cas d’espèce il s’agit  non pas d’une faute médicale mais  d’une faute de service , sachant que la différence entre faute de service et faute médicale réside dans la nature de l’acte à l’origine du dommage et la personne responsable de ce dommage. La faute de service qui engage la responsabilité de l’établissement de santé qu’il soit public ou privé concerne les erreurs  liées à l’organisation ou au fonctionnement de cet établissement à l’instar du cas d’espèce  objet de l’arrêt rendu par le  Conseil d’Etat. Quant à la faute médicale  elle fait référence à une erreur commise par un professionnel de santé  dans l’exercice de ses fonctions  qui peut voir sa responsabilité civile ou même pénale engagée. La faute de service implique donc une responsabilité collective de l’hôpital  ,alors que la faute médicale  peut entrainer  la responsabilité  individuelle du professionnel de santé. Sur le terrain de  la nature de la faute , la jurisprudence  nationale actuelle fait une distinction. Lorsque la responsabilité de l’hôpital est  mise en cause pour des activités distinctes  de l’exercice médical à l’instar du cas d’espèce ou autres actes mettant en cause l’organisation et le fonctionnement  de l’hôpital  , ou encore quand il s’agit  d’actes sans difficulté médicale tels que piqures , perfusion ou pansements , l’engagement de la responsabilité  de l’hôpital est subordonné à une faute simple .Par contre  pour les actes médicaux au sens strict du terme , ils ne sont susceptibles  d’être à l’origine de responsabilité de l’hôpital qu’en cas de fauter grave c’est  à dite une faute d’une particulière gravité

4-2- Preuve de la faute médicale

En principe la preuve de la faute médicale génératrice de responsabilité est  établie suite à une expertise diligentée par un médecin ou un collège de médecins désigné à cet effet par le tribunal. Par contre  dans certains cas,  le constat fait par le médecin légiste hors  de toute action en justice suffit pour engager la responsabilié de l’établissement hospitalier .Ainsi si le médecin légiste qui  a consulté une femme ayant accouché par césarienne  a  fait le constat que des compresses  ont été oubliées dans le ventre de cette femme durant  l’accouchement  ce qui a  provoqué la détérioration de son état de santé et l’ablation ultérieur de la partie gangrenée de son gros intestin , la responsabilité civile de l’établissement hospitalier pour faute médicale est engagée sans qu’il soit besoin de recourir à une expertise , le certificat médical du médecin légiste se suffit à lui-même. C’est dans ce sens qu’a statué le Conseil d’Etat  dans son arrêt en date du 18 septembre 2014 dossier n° 93536.

BRAHIMI Mohamed

avocat à la cour de Bouira

brahimimohamed54@gmail.com