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La nouvelle législation relative à la presse et à l’audiovisuel : ce qui a changé

mohamed brahimi Par Le 05/01/2024

Image tv radio

Une  nouvelle  législation régit désormais l’information et l’audiovisuel en Algérie .Il s’agit de la loi organique n° 23-14  du 27 aout 2023 relative à l’information  , de la loi n° 23-19 du 2 décembre 2023 relative à la presse écrite et à la presse électronique et de la  loi n° 23-20 du 2 décembre 2023 relative à l’activité audiovisuelle. Ces lois ont remplacé successivement la loi n° 12-05 du 12 janvier 2012 relative à l’information et la loi n° 14-04 du  24 février 2014 relative  à l’activité  audiovisuelle. La loi relative à l’information est une loi organique conformément à l’article 14 de la Constitution sachant que les lois organiques  bénéficient  d’un régime spécifique  puisque contrairement aux lois ordinaires qui sont adoptées à la majorité des parlementaires  présents ,  les  lois organiques  doivent être adoptées à la majorité absolue, et  doivent obligatoirement être  soumises à un contrôle  de conformité à la Constitution par la Cour constitutionnelle avant leur promulgation.

Quels sont les changements introduits par cette nouvelle législation ? Est-elle plus ouverte et innovante  ou au contraire comme le soutiennent certains professionnels de la presse , demeure t-elle restrictive  quant  à la liberté d’information, à la recherche de l’information et au statut du journaliste? Il est indéniable que sur certains aspects , les nouvelles lois ont innové et ont élargi la liberté de création des organes de presse écrite, électronique et audiovisuelle , mais en contrepartie demeure cette suspicion exagérée vis-à-vis de l’investissement l’étranger dans ce secteur  et cette volonté de vouloir régenter et de surveiller l'activité d'information des médias .

 

 

La nouvelle loi organique du 27 août 2023 relative à l’information  commence par définir l’activité d’information comme étant toute publication d’informations, d’images ou d’avis ou toute diffusion de faits d’actualité, de messages, d’opinions, d’idées, de connaissances, par tout support écrit, électronique ou audiovisuel à destination du public ou d’une catégorie de public.  Elle pose le principe du libre exercice de l’activité d’information. L’article 4 interdit cette activité aux étrangers et la réserve exclusivement aux personnes physiques ou morales de nationalité algérienne ce qui peut exclure  aussi de facto les bi-nationaux.

L’innovation introduite par la nouvelle législation apparait dans la procédure de création d’un organe de presse écrite ,électronique ou service de communication audiovisuelle ( TV , Radio, Web TV ou Web Radio).Sous l’ancienne loi organique n° 12-05 du  12 janvier 2012 relative à l'information  et la loi  n° 14-04 du 24 février 2014 relative à l’activité audiovisuelle,  l’édition de toute publication périodique est d’abord soumise à une déclaration préalable signée par le directeur responsable de la publication auprès de l’autorité de régulation de la presse écrite ,puis par  l’octroi d’un récépissé remis par cette autorité et enfin par la délivrance d’un agrément remis par cette même autorité. On l’aurait compris , la création d’une publication périodique constituait un vrai parcours du combattant. Quant à la création d’un service de communication audiovisuelle , elle n’était autorisée que pour les personnes morales de droit algérien dont les actionnaires doivent être  tous algériens , et uniquement pour la création d’un  service thématique de diffusion télévisuelle ou de diffusion sonore ce qui excluait la possibilité de créer une chaine de télévision ou de radio généraliste.En outre l’agrément  d’exploitation d’une chaine de télévision ou de radio était pris sous forme d’un décret exécutif du Premier ministre.

Les nouvelles lois n° 23-19 et n° 23-20 du 2 décembre 2023 ont  remarquablement assoupli  les conditions de création  aussi bien des organes de presse que des divers services  de communication audiovisuels. Dorénavant l’édition des publications périodiques  ( Publications périodiques d’information générale ou   publications périodiques spécialisées ) et la production et l’édition   multimédia sont soumises au simple dépôt d’une déclaration auprès du ministre chargé de la communication contre remise d’un récépissé de dépôt délivré immédiatement qui vaut accord de parution. L’obligation d’éditer le même périodique dans deux langues étrangères et nationales a été supprimée . Les publications périodiques sont éditées dans les deux langues nationales officielles c’est  à dire l’arabe et le tamazigh ou dans l’une d’entre elles,  et en tout état de cause   ces publications peuvent être  éditées en langue étrangère, mais seulement après accord du ministre chargé de la communication.

L’article 6 de la loi n° 23-19 relative à la presse écrite et à la presse électronique fait obligation au ministre chargé de la communication de  délivrer immédiatement le récépissé  de dépôt qui vaut  accord de parution .Est- ce à dire que le ministre de la communication doit automatiquement  délivrer le récépissé de dépôt dès lors que la déclaration de création de la publication périodique  accompagnée d’un dossier réglementaire a été déposée ? En d’autres termes le ministre de la communication peut-il refuser la délivrance du récépissé de dépôt donc refuser la parution du périodique ? L’article  7 de la même loi ayant  précisé les mentions que doit  obligatoirement contenir la  déclaration  de création signée par le directeur de la publication accompagnée du dossier réglementaire  , il ne fait aucun doute que le ministre de la communication  a un  pouvoir de contrôle sur la régularité de cette déclaration ainsi que sur la réunion des conditions recquise par la loi .Par conséquent ,  s’il constate  que le directeur de la publication ne remplit pas les conditions prévues cette loi notamment si les documents produits à l’appui de la déclaration ne sont  pas conformes aux documents visés dans l'arrêté  du ministre de la communication pris en application de l'article 7 sus-mentionné , par exemple le casier judiciaire du directeur responsble de la publication comporte une condamnation pénale infamante , ou que le diplôme produit  n’est pas un diplôme universitaire ou un diplôme reconnu équivalent , le récépissé de dépôt peut être refusé et par là même le périodique  n’est pas autorisé à paraitre. Le refus de délivrance du récépissé , qui doit être comme toute décision administrative  obligatoirement  motivé en fait et en droit  sous peine  de nullité, est pris  sous forme d’une décision du ministre de la communication qui est une décision administrative susceptible en tout état de cause de recours en annulation  pour excès  de pouvoir devant  le tribunal administratif d’appel d’Alger.

L’activité de presse électronique est soumise au même régime de déclaration que l’activité de presse écrite su-exposé à la différence que  la délivrance du récépissé  de dépôt n’est pas remis immédiatement comme c’est le cas pour la creation de publications périodiques, ce qui induit que même  si le dossier présenté par le directeur de la publication est complet et remplit toutes les conditions prévues par la loi , le ministre de la communication n’est pas obligé de délivrer immédiatement  le récépissé  de dépôt  mais peut différer  sa décision.

En vertu de l’article 33 de la loi n° 23-19 ,la presse électronique s’exerce à travers un site électronique dont l’hébergement est exclusivement, domicilié physiquement et logiquement en Algérie  avec une extension du nom de domaine  « .dz ».On entend par activité de presse électronique au  sens de la loi n° 23-19 , toute production et édition multimédia d’un contenu original, d’intérêt général, renouvelé régulièrement, composé d’informations ayant un lien avec l’actualité nationale et internationale et ayant fait l’objet d’un traitement à caractère journalistique ,ce qui exclut de cette définition les publications en version papier lorsque la version mise en ligne et la version originale sont identiques. Quant à  la presse électronique , elle est définie par la même loi comme tout service de communication multimédia, d’information générale ou spécialisée, destiné au public ou à une catégorie de public, édité à titre professionnel par une personne physique ou morale qui a la maîtrise de la ligne éditoriale de son contenu.

La loi n° 23-19 relative à la presse écrite et à la presse électronique a créé un organe dénommé « Autorité de régulation de la presse écrite et de la presse électronique » compétent en matière de régulation des activités de la presse écrite et de la presse électronique  comme il lui est assigné un rôle de consultant. En vertu de l’article 13 de la loi organique n°  23-14 relative à l’information , l’autorité de régulation de la presse écrite et de la presse électronique jouit de la personnalité morale et de l’autonomie administrative et financière. Elle est représentée par son  président   dans tous les actes de la vie civile et devant la justice. C’est à cette autorité de régulation qu’est confié le pouvoir de sanctionner les violations à la loi commises par un organe de presse écrite ou électronique.

Au cas  où  les publications périodiques ou la presse électronique ne respectent pas les conditions et les obligations prévues par la loi ,  et si le média  concerné ne se conforme pas à la mise en demeure dans les délais fixés , L’autorité de régulation peut décider soit  la suspension dudit media pour une durée maximale de trente  jours , soit  saisir la juridiction compétente pour la suspension provisoire de son activité par décision exécutoire par provision en fonction de la gravité de l’infraction.

Si l’infraction commise par le média est d’une certaine gravité notamment dans les cas listés par l’article 69 de la loi  n° 23-19 relative à la presse écrite et à la presse électronique (Cession du récépissé de dépôt de la déclaration ; non-respect continu et avéré des conditions et des obligations légales ;détention,   contrôle et   participation dans plus d’une publication périodique d’information générale et d’une presse électronique d’information générale ; faillite ou redressement judiciaire ), l’autorité de régulation peut saisir la juridiction compétente c’est à dire le tribunal administratif  pour ordonner, par décision immédiatement exécutoire  l’arrêt définitif de l’activité de la publication périodique ou de la presse électronique. La saisine de la juridiction dans ces cas ne peut intervenir qu’après mise en demeure. Par contre si le média a commis un acte constitutif  d’atteinte  aux exigences de la défense et de la sécurité nationale , à l’intégrité territoriale, à l’ordre public, à la religion musulmane et à la moralité publique ,  la juridiction  saisie  par l’autorité de régulation   peut ordonner  sans mise en demeure  l’arrêt définitif de l’activité du média concerné.

La saisine de  l’autorité de régulation  en vue d’engager la procédure de mise en demeure  peut intervenir d’office , mais elle peut aussi être saisie par les partis politiques et/ou les organisations professionnelles et/ou syndicales représentatives de la presse écrite et/ou de la presse électronique et/ou toute autre association et toute personne physique ou morale.

Quant à l'activité audiovisuelle  , y compris l’activité en ligne , elle est définie  et exercée  conformément aux modalités et conditions fixées par la loi   n° 23-20 du  2 décembre 2023 relative à l’activité audiovisuelle  ainsi que par le décret exécutif n° 20-332 du 22 novembre 2020 fixant les modalités d’exercice de l’activité d’information en ligne et la diffusion de mise au point ou rectification sur le site électronique. .En vertu de  l’article  8 de la loi organique n° 23-14 relative à l’information ,la création de tout service de communication audiovisuelle et la diffusion d’émissions radiophoniques ou télévisuelles par câble, par voie terrestre ou par satellite, sont soumises à une autorisation préalable délivrée par le ministre chargé de la communication. Est également, soumise à l’autorisation préalable, délivrée par le ministre chargé de la communication , la création de tout service de communication audiovisuelle en ligne.

En application de l’article 4 de la loi n° 23-20 relative à l’activité audiovisuelle ,   l’activité audiovisuelle est exercée aussi bien par les  entreprises et organismes du secteur public  que par les personnes morales de droit algérien .Contrairement à l’ancienne loi  qui ne permettait la création que des chaines de télévision ou de radio thématiques , la nouvelle loi a ouvert le champ de l’audiovisuel au privé sans restrictions  hormis le fait que seules les personnes morales  à l’exclusion des personnes physiques  sont autorises à créer un média audiovisuel. La loi distingue entre  les services de communication audiovisuelle relevant du secteur public et   les  services de communication audiovisuelle et/ou en ligne autorisés relevant du secteur privé  , mais tous  deux   sont organisés en chaines généralistes et en chaînes thématiques  tendant  à la satisfaction des  besoins de la société , notamment en matière d’information, d’éducation, de culture et de divertissement. Concernant le secteur privé désormais partie prenante dans la diffusion des programmes audiovisuels , l’article 11 de la loi n° 23- 20 dispose qu’ « Est considéré comme service de communication audiovisuelle ou audiovisuelle en ligne autorisé, tout service généraliste et/ou thématique de diffusion télévisuelle ou de diffusion sonore ou de web TV ou de web Radio créé par une personne morale de droit algérien disposant d’une autorisation délivrée par le ministre chargé de la communication   ».

Deux conditions préalables doivent donc être réunies pour créer un média audiovisuel : être une personne morale donc une société  et  disposer d’une  autorisation délivrée par le ministre chargé de la communication . L’article 11 de La loi  n° 23-20 parle de «  personne morale »   ce  qui en droit renvoie  aussi  à une société commerciale légalement constituée mais sans autre precision.Quid de l’entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée ( EURL ) qui est en droit une société au même titre qu’une société  à responsabilité limitée ( SARL) ou une société par actions sachant que l’entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée  est constituée d’un seul et unique associé  contrairement aux autres sociétés qui sont constituées de plusieurs associés ou actionnaires ? Peut-elle revendiquer le droit de créer un média audiovisuel  au même tire que n’importe quelle autre société ? Juridiquement rien ne l’interdit. Mais apparemment au regard de l’article 12 de la même loi , il parait clairement que le législateur a voulu restreindre  ce droit aux seuls sociétés ayant plusieurs associée ou plusieurs  actionnaires puisque cet article  impose entre autres la présence de journalistes ou de professionnels du secteur de l’information parmi les actionnaires et les associés du média audiovisuel ce qui logiquement exclut les EURL du moment qu’elles ne sont constituées que d’un seul et unique associé . Il n’empêche qu’il y a là un vide  juridique qu’il ya lieu de combler pour éviter des interprétations contradictoires.  

L’autorisation de créer un média audiovisuel  accordée par le ministre chargé de la communication rendue sous forme d’un arrêté ministériel  constitue l’acte de création d’un service de diffusion télévisuelle ou de diffusion sonore ou d’un service web TV ou web Radio et ce en application de l’article 13  de la loi n° 23-20.La procédure d’octroi de  cette autorisation par le ministre chargé de la communication  doit d’abord  être mise en œuvre  dans le respect des principes d’objectivité, de transparence et de non discrimination. L’arrêté  accordant la création d’un média audiovisuel ,qui  est publié  au journal officiel , doit intervenir  dans un délai maximum de quatre   mois à compter de la date de dépôt de la demande d’autorisation et reste valable pour une durée de dix ans renouvelable  pour un service de diffusion télévisuelle et d’un service de Web TV , et de cinq   ans renouvelable  pour un  service de diffusion sonore et d’un service de Web Radio. L’autorisation est exclusive à son bénéficiaire  c’est à dire qu’elle ne peut en aucun cas être cédée à un tiers sous quelque forme que ce soit.

En vertu des articles 39 et suivants de la loi n° 23-20 , il est créé un organe  appelé " Autorité nationale indépendante de régulation de l’audiovisuel "  à qui est confiée de très larges attributions en matière de régulation ,de contrôle, d’études et de consultations et en matière   de règlement des différends. Elle est composée de neuf   membres, dont le président, nommés par le Président de la République pour un mandat d’une durée de cinq   ans, renouvelable une fois. Elle délibère et prend ses décisions qui sont  publiés dans le bulletin officiel de l’autorité de régulation . Cette autorité de régulation peut  en application de l’article 74 et suivants de la même loi infliger des sanctions à l'ncontre du service de communication audiovisuelle relevant du secteur public ou le bénéficiaire privé  de l’autorisation qui peut aller d’une mise en demeure à la suspension  totale ou partielle du programme objet de l’infraction pour une durée maximum de 30 jours en sus d’une  sanction pécuniaire d’un montant de un million de dinars   à dix millions de dinars  , le tout par décision motivée. En cas d’infraction grave  par exemple d’atteinte à l’ordre public et à la moralité publique ,  de cession de l’autorisation de création du service de communication audiovisuelle sans l’accord préalable du ministre de la communication,   ou encore en cas de chantage sous quelque forme que ce soit   , l’autorité  de régulation peut saisir  la juridiction compétente pour le retrait de l’autorisation.

La nouvelle législation laisse certaines questions cruciales  sans réponses  claires. Il s’agit par exemple de la nature juridique  de l’autorité de régulation de la presse écrite et de la presse électronique et  de  l’autorité nationale indépendante de régulation de l’audiovisuel. A quel régime obéissent-elles ? Au droit public ou au droit privé ? De quelle juridiction relève le contrôle de leurs actes et décisions ? du juge administratif  ou du juge civil ? Et si on considère que ces autorités de régulation sont des autorités administratives donc soumises au droit administratif, le contrôle de leurs actes et décisions relève t-il s de la compétence du tribunal administratif  , du tribunal administratif d’appel ou du Conseil d’Etat  ?

En vertu de l’article 13  la loi n° 23-14 relative à l’information  : «  Il est institué   une autorité de régulation de la presse écrite et de la presse électronique, qui est une autorité indépendante, jouissant de la personnalité morale et de l’autonomie administrative et financière ».Quant à l’article 14 de la même loi il dispose : «   Il est institué une autorité nationale indépendante de régulation de l’audiovisuel, à caractère spécifique, jouissant de la personnalité morale et de l’autonomie administrative et financière ».Quand les deux lois n° 23-19  et  n° 23-20   relatives à la presse écrite, à la presse électronique et à l’activité audiovisuelle mentionnent la juridiction compétente pour statuer sur les recours introduits  par le responsable du média contre les decidons prononcés à son encontre par l’autorité de régulation  , ou quant elles mentionnent  la juridiction qui doit statuer sur les demandes de cette autorité de régulation tendant à infliger des sanctions  à l'encontre du media défaillant , ces lois ne précisent  pas la nature de cette juridiction mais parle de «  juridiction compétente » sans autre précision ce qui peut  prêter à confusion. 

Il est d’abord incontestable qu’aussi bien l’autorité de régulation de la presse écrite et de la presse électronique, que l’autorité nationale indépendante de régulation de l’audiovisuel , sont des  autorités administratives indépendantes et par conséquent elles obéissaient à un régime de droit public. Le premier élément qui fait ressortir le caractère administratif de ces autorités tient à  leur activité  de contrôle de l’application de la loi par les services des différents organes de communications , ainsi que dans leur pouvoir d’édiction d’actes normatifs , ces actes tant  individuels que réglementaires étant par essence des actes administratifs qui relèvent de l'exercice de prérogatives de puissance publique traditionnellement reconnus aux autorités administratives. L’autre élément réside dans le régime applicable à la comptabilité de ces autorités  qui en application de l’article 61 de la loi n° 23-19 et de l’article 61 de la loi n° 23-20 est une comptabilité publique  sachant que  la comptabilité publique n’est applicable qu’à des organes à caractère administratif.

Les autorités de régulation étant des autorités administratives , elles relèvent donc du contrôle du juge administratif. Mais quid de la nature de ce juge administratif ? S’agit-il du tribunal administratif du premier degré , du tribunal administratif d’appel ou du  Conseil d’Etat ? En matière  de recours  contre les décisions rendues par les autorités administratives , la compétence relève du tribunal administratif de premier degré  quand la décision est rendue par  la wilaya ainsi que les services déconcentrés de l’Etat exerçant au sein de cette dernière  ,  la commune ,  les organisations professionnelles régionales  et  les établissements publics locaux à caractère administratif et ce en vertu de l’article 801 du code de procédure civile et administrative .Par contre c’est le tribunal administratif  d‘appel  qui est compétent pour statuer en premier ressort à charge d’appel devant le Conseil d’Etat  sur les recours contre les décisions rendues  par  les autorités administratives centrales, les institutions publiques nationales et les organisations professionnelles nationales et ce en application de l’article 900 du même code. S’il s’agit de décisions rendues par  une  juridiction administrative spécialisée ( par exemple la Cour des comptes, le Conseil de la concurrence , le Conseil supérieur de la magistrature  dans sa formation disciplinaire …) , c’est le  Conseil d’Etat qui est compétent pour statuer  par voie de cassation sur les recours  dirigés contre ces décisions   et ce en application de l’article 901 du code de procédure civile et administrative et de l’article  9 de la loi organique  n° 22-11 relative à l’organisation et au fonctionnement du Conseil d’Etat.

L’autorité de régulation de la presse écrite et de la presse électronique ainsi  que  l’autorité nationale indépendante de régulation de l’audiovisuel n’étant pas des juridictions administratives spécialisées, leurs décisions ne relèvent pas du contrôle du Conseil d’Etat par la voie du recours en cassation. Par contre ces deux organes étant en vertu de l’article 14 de la loi n° 23-14 relative à l’information des autorités administratives nationales indépendantes ,elles sont donc des institutions publiques nationales dont le  contentieux de la légalité des décisions  relève de la compétence du tribunal administratif d’appel d’Alger  et ce conformément à l’article   900 bis du code  qui dispose  que : « Le tribunal administratif d’appel d’Alger connaît, également, en premier ressort des recours en annulation,en interprétation ou en appréciation de la légalité formés contre les actes administratifs émanant des autorités administratives centrales, des institutions publiques nationales et des organisations professionnelles nationales ».

S’agissant du contentieux de la responsabilité, et en l’absence de dispositions expresses régissant cette matière, on doit  se référer aux règles de droit commun applicables à la responsabilité des personnes publiques et des autorités administratives.Les deux autorités de régulations  étant des autorités administratives indépendantes, le contentieux mettant en cause leur  responsabilité  relève de la compétence des tribunaux administratifs de premier degré et ce par référence  à une lecture croisée des articles  800 et 801 du code de procédure civile et administrative et de l’article 1 de la loi n° 98-02 du 30 mai 1998 relative aux tribunaux administratifs .En outre ces autorités étant dotées de la personnalité morale conformément aux articles 13  et 14 de la loi organique n°  23-14 , l’action en responsabilité est dirigée non pas contre l’Etat mais contre l’autorité de régulation elle-même représentée  par son président.

En conclusion, s’il est évident que le nouveau cadre législatif relatif à l’information peut être qualifié d’innovant  par rapport à l’ancienne législation qui était très restrictive notamment au niveau de la liberté de création des différents médias , il n’en demeure pas moins que persiste une certaine suspicion vis-à-vis de la profession de journaliste  ainsi qu’une propension exagérée à contrôler l’exercice plein et entier du métier d’informer.

Ainsi la disposition qui limite le droit de créer un média audiovisuel aux seules personnes morales à l’exclusion des personnes physique,  et celle  qui interdit de céder un média à un tiers ou de réserver la création d’un organe de presse  aux seules personnes ayant un diplôme universitaire et une  expérience de huit   années au minimum  dans le domaine de l’information  attestée par une affiliation à la caisse de sécurité sociale , portent atteinte au principe de la liberté d’entreprise pourtant garantie par la Constitution. Si la loi garantit le droit d’accès aux sources et oblige les instances et les institutions publiques à faciliter le droit d’accès à l’information au journaliste , elle en limite l’exercice par exemple en interdisant la collecte d’information par le recours «  à tout moyen déloyal et vénal  »  sans autre précision ce qui risque d’englober dans cette définition ambigüe la collecte d’information par le recours à des investigations ou enquêtes journalistique qui par nature font partie de l’activité légale du journalistique mais qui peuvent être  faussement et insidieusement  qualifiées de déloyales ou vénales.

En outre , la nouvelle loi sur l’information a évacué la règle de l’exception  de vérité qui est un principe universel dont peut se prévaloir le journaliste poursuivi pour diffamation pour échapper à une condamnation , et ce alors même que cette règle existait dans l’ancien loi abrogée du 09 février 1982 portant code de l’information dont l’article 126 disposait expressément que:  «  la preuve du fait diffamatoire est libre ». L’exception de vérité étant l’un des principes essentiels  par laquelle  sont garantis la liberté d’expression  et le droit à l’information  du journaliste qui sont des valeurs fondamentales de la démocratie , son absence dans la nouvelle loi sur l’information est regrettable.

Maitre Mohamed BRAHIMI

Avocat à la cour de Bouira

brahimimohamed54@gmail.com