La loi autorisant désormais la communisation des actes de procédure par voie électronique, il reste à définir les outils informatiques permettant sa mise en œuvre. En application de la loi n° 15-03 du 01 février 2015 il est créé un système centralisé pour le traitement automatisé des données informatiques relatives à l’activité du ministère de la justice et des établissements qui en relèvent ainsi que des juridictions de l’ordre judiciaire ordinaire, de l’ordre judiciaire administratif et du tribunal des conflits. En vertu des articles 4 à 7 de la même loi , les actes de procédure, les actes judiciaires délivrés par les services du ministère de la justice, les établissements qui en relèvent et les juridictions peuvent être revêtus d’une signature électronique dont le lien avec l’acte auquel ils s’attachent est garanti par un procédé fiable d’identification. La fiabilité du procédé d’identification est présumée, jusqu’à preuve du contraire, lorsque la signature électronique est créée, l’identité du signataire assurée et l’intégrité de l’acte garantie. Le lien entre les données de vérification de la signature électronique et le signataire est attesté par un certificat électronique qualifié délivré par le ministère de la justice. Le ministère de la justice assure la certification de la signature électronique au moyen d’un dispositif électronique sécurisé qui garantit l’identité de la personne à qui elle est destinée, la date de validité de la signature et les informations qui y sont contenues.
Il est évident que le choix du cadre fonctionnel des échanges par la voie électronique entre les juridictions et les justiciables et leurs avocats doit répondre à des impératifs de sécurité, d’efficacité et de respect des prescriptions légales notamment des règles du code de procédure civile et administrative.
Sur le volet en rapport avec le présent article , en l’occurrence la notification des actes de procédure , par exemple la notification par la juridiction administrative des demandes de régularisaion,des mises en demeure , des ordonnances de clôture ou des dates d’audience , très souvent ces actes sont notifiés aux avocats des parties par certaines juridictions administratives par voie du service de messagerie court ( SMS) transmis sur le numéro du téléphone de l’avocat préalablement communiqué à la juridiction ou apposé dans les écritures de ce dernier . Si la notification par SMS d’un acte de procédure simplifié tel une mise en demeure de déposer un mémoire ou répliquer dans un délai déterminé , ou la notification de la clôture de l’instruction n’est pas en soi illégale puisque cette voie est une voie électronique de communication au sens de la loi n° 15-03 du 01 février 2015 , par contre la fiabilité et la légalité de ce mode de communication au regard des règles strictes du code de procédure civile et administrative pose problème. Il faut signaler que ce mode de communication et de notification par SMS est aussi utilisé mais plus rarement par les juridictions pénales.
En effet , notifier à l’avocat via un simple SMS un acte de procédure ne permet absolument pas de s’assurer que le message a été bien reçu par son destinataire. Notons que certaines notifications d’actes peuvent avoir pour effet de faire courir des délais de déchéance et par conséquent avoir un effet sur le fond du droit revendiqué dans le dossier en cause. Ainsi l’avocat à qui a été notifié un SMS lui enjoignant de régulariser un acte dans un délai déterminé doit procéder à cette régularisation dans le délai fixé sous peine de voir l’acte entaché d’irrégularité rejeté et écarté des débats ce qui peut entrainer dans certains cas la perte du procès et ce alors même que cet avocat ,pour une raison ou une autre, n’aurait pas pris connaissance du SMS qui lui a été transmis .
En vérité cette pratique de certaines juridictions administratives consistant à notifier des actes de procédure aux avocats par SMS est complètement illégale et pourra facilement être censuré par le Conseil d’Etat . Dans la procédure traditionnelle où la notification des actes de procédure se fait par écrit , la juridiction ne sanctionne le défaut de répondre à une injonction ou à une mise en demeure de régulariser que s’il est prouvé que le destinataire a bel et bien reçu cette notification. Cette réception est confirmée soit par le procès-verbal établi par l’huissier de justice , soit par l’avis l’accusé de réception si la notification a été adressée par lettre recommandé. En matière de communication ou de notification par voie électronique, la juridiction doit aussi impérativement vérifier si le destinataire a bien reçu cette notification avant de statuer sur cette question. L’utilisation d’un simple SMS ne garantit pas que le destinataire a bien reçu cette notification, aussi la juridiction ne peut légalement considérer cette notification comme valide et en tirer des conséquences juridiques défavorables à la partie notifiée . Ce serait là une violation flagrante de la loi.
En vérité la loi a prévu un mécanisme qui permet à la juridiction émettrice du message électronique de vérifier si le destinataire de ce message l’a bien reçu. En vertu de l’article 11 de la loi n° 15-03 du 1er février 2015 relative à la modernisation de la justice , la communication des actes et documents par voie électronique donne lieu à un accusé électronique de réception, émanant du destinataire, qui indique la date et l’heure de celle-ci. Le même article dispose que l’accusé de réception tient lieu de visa, cachet et signature ou autre mention de réception qui sont apposés sur l’acte ou sa copie, lorsque ces formalités sont prévues par la loi. Aussi et en vertu de ces dispositions , si la juridiction ne reçoit pas en retour un accusé de réception , l’acte notifié n’est pas censé avoir été reçu par son destinataire.
Les SMS envoyés par les juridictions administratives étant de simples messages envoyés sur le téléphone des destinataires, ces derniers ne peuvent y répondre par l’envoi d’un accusé de réception , et d’ailleurs de tels messages sont accompagnés quand il sont reçu , par la mention « impossible de répondre à ce numéro abrégé ».On se demande alors pourquoi certaines juridictions administratives ont recours à ce mode de communication électronique alors qu’il n’est pas conforme à la loi , et que son utilisation comme mode de notification des actes de procédure fait courir la nullité aux actes de notifications concernés avec ce qui implique comme désagréments aux intérêts des parties au procès .
Il est évident que les juridictions administratives qui ont recours aux SMS pour notifier aux parties certains actes de procédure le font par méconnaissance ou fausse interprétation des dispositions législatives et réglementaires qui régissent la communication et la notification de ces actes par voie électronique .A leurs yeux, le SMS étant un mode de communication électronique il suffit d’y avoir recours sans autre formalité. Il faut aussi reconnaitre que ce positionnement étrange et incompréhensible de certaines juridictions administratives vis à vis de la problématique de la notifications des actes de procédure par voie électronique a été conforté par le vide juridique et opérationnel entourant le diapositif de la communication des actes de procédures par cette voie tel que pensé par la loi du 01 février 2015.Au jour d’aujourd’hui les outils informatiques tels que prévu par la loi du 01 février 2015 et qui auraient permis la mise en œuvre effective de la communication électronique administrative et civile notamment la création des réseaux informatiques respectifs du ministère de la justice et l’Union nationale des ordres des avocats ne sont pas encore opérationnels.
Pour répondre aux impératif de la loi du 01 février 2015 notamment faire en sorte que les procédés techniques utilisés dans la communication par voie électronique des actes et documents garantissent la fiabilité de l’identification des parties à la communication électronique, l’intégrité des documents communiqués, la sécurité et la confidentialité des échanges, la conservation des données permettant de déterminer avec certitude la date d’envoi et celle de la réception par le destinataire , la loi a renvoyé à des textes réglementaires qui à ce jour n’ont pas encore été publiés ce qui on s’en doute retarde l’effectivité du diapositif.
Ces exigences ne peuvent être concrétisées notamment pour les communications entre les juridictions et les avocats que si d’une part le ministère de la justice procède à l’installation des matériels et logiciels utilisés par la communication électronique et pour l’Union nationale des ordres des avocats la création d’un réseau informatique sécurisé destiné à la communication électronique des avocats et réservé plus particulièrement à la dématérialisation des procédures avec les juridictions. C’est à travers l’interconnexion entre ces deux réseaux que pourront être mis en œuvre les mesures législatives prises pour garantir la fiabilité de l’identification des avocats parties à la communication électronique ,l’intégrité des documents et actes adressés , la sécurité et la confidentialité des échanges , l’établissement avec certitude de la date d’envoi lorsque le message est adressé par l’avocat et de celle de la réception lorsque le message est reçu par l’avocat destinataire .
De tels réseaux n’existent pas encore ce qui retarde le lancement effectif du dispositif de communication électronique . Le ministère de la justice a bien lancé une plateforme électronique comprenant une application dédiée aux justiciables relatives entre autres à l’état d’avancement des affaires civiles et administratives , à la délivrance du casier judiciaire et du certificat de nationalité , à la rectification des erreurs contenus dans les registres d’état civil ou le dépôt de plaintes ou requêtes auprès du parquet , mais celle-ci n’a rien à voir avec le dispositif en rapport avec la notification des actes de procédure au sens de la loi du 1 février 2015.
En résumé , en l’absence des outils informatiques permettant la mise en œuvre de la communication électronique telle que pensée par la loi du 01 février 2015 , c’est à dire une communication fiable et sécurisée et conforme aux règles du code de procédure civile et administrative , rien n’autorise les juridictions administratives à innover en recourant au mode de transmission de messages ou d’actes par de simples SMS , un mode qui ne garantit pas un retour de réception par le destinataire . Cette pratique à laquelle ont recours certaines juridictions administratives qui apparemment s’est généralisés n’est pas à notre avis conforme à la loi et doit être proscrite.