Alors qu’auparavant , la rétention du permis de conduire puis son transfert à la commission de suspension des permis de conduire installée auprès de chaque wilaya était la règle , cette circulaire pose comme règle principale la rétention du permis de conduire par le service verbalisateur et sa restitution dès règlement de l’amende forfaitaire prévue pour l’infraction commise. Le seule exception où le permis de conduire ne peut être restitué que sur décision du tribunal est le cas où l’infraction commise constitue non pas une contravention mais un délit.
Avant la mise en application de cette circulaire qui est exécutoire à compter du 1 février 2022 , la rétention ou la suspension du permis de conduire pour cause de commission d ’une infraction au code de la route était régie par la loi n°01-14 du 19 août 2001 relative à l’organisation , la sécurité et la police de la circulation routière complétée et modifiée en 2004 par la loi n° 04-16 du 10 novembre 2004 ,et en 2009 par l'ordonnance n° 09-03 du 12 juillet 2009 et par la loi n° 17-05 du 16 février 2017 ainsi que par le décret exécutif n° 04-381 du 28 novembre 2004.
En vertu de cette législation, il existe 2 catégories d’infractions au code de la route : Les contraventions et les délits. C’est l’article 5 du code pénal qui définit ces deux catégories. Est qualifiée de contravention l’infraction qui est punie d’une amende de 2.000 dinars à 20.000 dinas ou d’un emprisonnement d’un jour au moins à deux mois au plus. Au dessus de cette fourchette l’infraction est qualifiée de délit. Si l’infraction au code de la route est un délit, seul le tribunal est compétent pour se prononcer sur la restitution , la suspension ou l’annulation du permis de conduire. S’il s’agit d’une contravention, il fallait distinguer entre les 4 degrés prévus par la loi . Mais Quel que soit la contravention commise, la rétention du permis de conduire par l’agent verbalisateur est opérée sur le champ.
S’il s’agit d’une contravention légère listée par l’article 93 de l’ordonnance n° 09-03 du 12 juillet 2009 ( exemples : Utilisation d’un dispositif de véhicule non conforme ; emploi d’un dispositif sonore non conforme ; réduction anormale de la vitesse ; stationnement dangereux ; dépassement de la ligne continue ; non respect de la distance légale entre les véhicules en mouvement ; transport des enfants ayant moins de 10 ans aux places avant ; défaut de plaque d’immatriculation ;émission de fumées, de gaz toxiques ou de bruits au delà des seuils fixés ; essuie-glace défaillant ; dépose de film plastique ou tout autre procédé opaque sur les vitres du véhicule ) , l’agent verbalisateur opère la rétention du permis de conduire pour une durée n’excédant pas 10 jours contre remise d’un document attestant de la rétention. Le permis de conduire est restitué si l’amende est payé dans ce délai En de non-paiement de l’amende , le permis de conduire est transmis à la commission de suspension du permis de conduire qui décidera de la suspension pour une durée de 2 mois. Passé ce délai et en cas de non-paiement de l’amende forfaitaire majorée, le procès-verbal est transmis au tribunal.
Quant aux contraventions de gravité particulière visées à l’article 94 de la même ordonnance ( exemples : Vitesse de moins de 30% de la vitesse autorisée constatée par un radar ; non port de la ceinture de sécurité ; stationnement sur la bande d’arrêt d’urgence ; dispositifs d’éclairage et de signalisation défectueux ; utilisation manuel du téléphone ; non respect de priorité de passage des piétons au niveau des passages protégés ; conduite dans le sens interdit ; croisements ,dépassements ou manœuvres dangereux ; manœuvres interdites sur autoroutes et routes express ; contravention aux dispositions relatives l’accélération de l’allure par le conducteur d’un véhicule sur le point d’être dépassé ; conduite de nuit ou par temps de brouillard, sans éclairage ni signalisation ; conduite sur la voie immédiatement située gauche par les véhicules de transport de personnes ou de marchandises ; surcharge ; état défectueux des pneumatiques ;changement intempestif direction ; dépassement d’une ligne continue ; mise en marche à l’avant du véhicule d’appareils audiovisuels durant la conduite ) , il est procédé à la rétention du permis de conduire par l’agent verbalisateur avec remise au conducteur d’un document l’habilitant à conduire pour une durée de 48 heurs et le permis de conduire est transmis à la commission de suspension du permis de conduire qui statuera sur la durée de la suspension. Par contre si l’infraction commise est un délit , le permis de conduire est directement transmis au tribunal.
La circulaire interministérielle du 20 janvier 2022 a maintenu cette classification des infractions mais elle a supprimé pour toutes les contraventions la procédure de saisine de la commission de suspension du permis de conduire.Désormais quelle que soit la contravention commise , l’agent verbalisateur opère sur le champ la rétention du permis de conduire pour une durée n’excédant pas 10 jours et ce contre remise d’un document attestant de la rétention qui permet au conducteur de conduire durant cette période qui court à compter de la constatation de l’infraction. Le contrevant a un délai de 45 jours pour payer le minimum de l’amende prévue pour la contravention constatée et pourra récupérer son permis auprès du service verbalisateur sur présentation du justificatif du paiement de l’amende . Passé la période de 10 jours , le conducteur perdra la capacité de conduire et ne pourra recouvrir cette capacité et récupérer son permis de conduire auprès du service verbalisateur que s’il paie l’amende avant l’expiration du délai de 45 jours .En cas de non paiement de l’amende après l’expiration de délai de 45 jours, le permis de conduire est transmis accompagné du procès-verbal constatant l’infraction au tribunal.
La circulaire du 20 janvier 2022 a pris soin de mentionner que la nouvelle procédure ne s’applique pas aux délits car dans ce cas le permis de conduire retenu par l’agent verbalisateur est transmis directement à la juridiction compétente accompagné du procès-verbal constatant l’infraction. Il reviendra alors au tribunal de prononcer la peine qui sera infligé à l’auteur du délit et de statuer sur sa capacité de conduire .Le tribunal peut alors prononcer une suspension du permis e conduire d’une durée d’une année à quatre années suivant la nature du délit et peut même prononcer de l’annulation pure et simple du permis de conduire . l’infraction au code de la route qualifiée de délit et sa sanction ainsi que la durée de suspension du permis y afférente sont énumérées à l’article 98 de la loi n° 17-05 du 16 février 2017 .
Les infractions que le code de la route qualifie de délits et qui par conséquent entrainent la rétention du permis de conduire du contrevenant et son envoi directement devant tribunal sont nombreuse et variées.Certaines de ces infractions peuvent induire les conducteurs en erreur en les considérant comme de simples contraventions passibles de l’amende forfaitaire alors qu’elles constituent des délits . Il s’agit des délits de non soumission du véhicule au contrôle technique périodique, de détention ou d’usage d’un appareil ou dispositif destiné déceler la présence de radars,du chargement non conforme d’un véhicule susceptible de de présenter un danger pour autrui , du transport de conteneurs non équipés d'un système d'ancrage adéquat , de l’organisation de courses sur la voie publique sans autorisation et de dépassement de la vitesse limite autorisée de 30% et plus constaté par un radar.
Malgré le souci de clarté et de précision des rédacteurs de la circulaire du 20 janvier 2022,il n’en demeure pas moins que des difficultés d’application et d’interprétation de cette circulaire ont été constatées lors des premiers contrôles opérés sue la base de ce nouveau texte réglementaire.
Tout d’abord ,les puristes en droit auront remarqué que par respect au principe de la hiérarchie des normes , il aurait été plus conforme à la loi de recourir à une loi ou à une ordonnance au lieu et place d’une circulaire interministérielle qui demeure un texte réglementaire .La procédure de retrait du permis de conduire ayant été organisée par une loi , seule une loi peut modifier cette procédure.Ce n’est pas bien sûr les automobilistes qui vont se plaindre de cette entorse au principe de la hiérarchie des normes puisque cette circulaire leur est favorable . Mais toujours est-il qu’en tant qu’acte administratif , la circulaire du 20 janvier 2022 dont le rôle est d’expliquer l’application d’une loi et non de la modifier peut faire l’objet d’un recours auprès de la juridiction administrative compétente en l’occurrence le Conseil d’Etat. On peut imagier une association contre les violences routières qui introduira un tel recours au motif que cette circulaire allège les sanctions contre la délinquance routière et qu’elle n’a pas vocation à modifie une loi. Un tel recours pourrait aisément aboutir . En tout état de cause les rédacteurs de la circulaire étaient conscient de cette entorse et ont précisé que cette circulaire est provisoire dans l’attente d’une réforme en profondeur de la législation régissant la circulation routière.
Le problème soulevé par certains automobilistes a trait à la rétention du permis de conduire par l’agent verbalisateur en cas de délit d’excès de vitesse et à la capacité du conducteur à conduire après à cette rétention.la loi n° 17-05 du 16 février 2017 a prévu 3 paliers concernant l’infraction d’excès de vitesse:L’excès de vitesse qualifié de contravention de 2e degré passible d’une amende de 2500 dinars en cas de dépassement de la vitesse limite autorisée de 10% constaté par un radar ; l’excès de vitesse qualifié de contravention de 3e degré passible d’une amende de 3000 dinars en cas dépassement de la vitesse limite autorisée de plus de 10% et moins de 20%, constatée par un radar ; l’excès de vitesse qualifié de contravention de 4e degré passible d’une amende de 5000 dinars en cas de dépassement de la vitesse limite autorisée de plus de 20% et moins de 30% constatée par un radar . Par contre l’excès de vitesse est qualifié de délit passible d’une amende de 10 000 à 50 000 dinars en cas de dépassement de la vitesse limite autorisée de 30% constaté par un radar.
En cas de dépassement de la vitesse limite dans une fourchette de 30% ( par exemple l’ automobiliste flashé à une vitesse de 130 km/h sur une autoroute où la vitesse est limité à 100 km/h), il s’agira toujours d’une contravention et c’est la procédure de l’amende forfaitaire qui sera appliquée et par conséquent le permis de conduire sera restitué à l’automobiliste si l’amende est payée dans le délai de 45 jours. Par contre si le véhicule est flashé à une vitesse dépassant la vitesse limite autorisée de 30% ( par exemple l’automobiliste flashé à une vitesse de 131 km/h sur une autoroute où la vitesse est limitée à 100 km/h ) il s’agira alors d’un délit et par conséquent le permis de conduire sera directement transmis accompagné du procès-verbal de l’infraction au tribunal sans possibilité de le récupérer auprès du service verbalisateur.
Le problème que pose la procédure de rétention du permis de conduire par l’agent verbalisateur en cas de commission d’un excès de vitesse qualifié de délit et non pas de simple contravention est le suivant : L’automobiliste qui a dépassé la vitesse limite autorisé de 30 % donc ayant commis un délit conservera t-il la capacité de conduire après la rétention de son permis de conduire?Certains automobilistes ont rapporté qu’après avoir été verbalisé pour ce délit et leur permis de conduire retenu par l’agent verbalisateur,une copie du procès-verbal constatant cette infraction leur a été remis , et quant ils se sont enquis sur la capacité de conduire après cette rétention ils ont reçu des réponses hésitantes.
En raison d’une une fausse interprétation de la circulaire du 20 janvier 2022 certains automobilistes ont même été induit en erreur par l’agent verbalisateur puisqu’ils ont été informés que le procès-verbal de constatation du délit dont une copie leur a été remis sur le champ est un document qui leur permet de conserver la capacité de conduire jusqu’au prononcé de la décision par le tribunal saisi. Ce qui est bien sûr non conforme à la loi puisque dans ce cas il faudrait appliquer l’ancienne procédure c’est à dire remettre à l’automobiliste un document attestant la rétention avec la mention de la capacité de conduire pour une période de 48 heures .
La nouvelle procédure prévue par la circulaire du 20 janvier 2022 devait aux yeux de sas concepteurs soulager les automobilistes et éviter des abus mais paradoxalement elle peut avoir un effet contraire quand l’infraction au code de la route est un délit.Il n’est pas exagérer d’imaginer un parcours des plus ardus avant que l’automobiliste ne récupère son permis de conduire.Le permis de conduire étant transmis avec le procès-verbal de constatation de l’infraction au procureur de la république, il faudrait attendre l’enrôlement du dossier devant le tribunal ce qui peut prendre du temps.Ensuite s’agissant d’un délit ,des voies de recours peuvent être exercées soit par l’intéressé lui-même soit par le parquet ce qui fera retarder encore plus la décision de juge.
Un autre problème en rapport avec le délit d’excès de vitesse concerne le calcul la vitesse constatée par le radar. Certains automobilistes ont rapporté qu’ils ont été verbalisés comme ayant commis un délit d’excès de vitesse avec renvoi devant tribunal alors que le dépassement n’a été que de 2 % ou 3é % par rapport à la vitesse limité autorisée .Comme tout instrument de mesure, le radar a une marge d’erreur aussi il est de pratique courante dans tous les pays qu’une marge de tolérance qui est généralement de 5 % est appliquée .Ainsi si le véhicule est flashé à 134 km/h sur une autoroute où la vitesse est limité à 100 km/h, la vitesse qui sera retenu est 129 km/h, cette vitesse étant inferieur à 30 % de la vitesse limité autorisé , l’infraction sera une contravention et non un délit et par conséquent seule une amende forfaitaire est appliquée. Ni la circulaire du 20 janvier 2022 ni aucun autre texte réglementaire n’ayant instauré la règle de la marge de tolérance, rien n’oblige l’agent verbalisateur à appliquer cette marge de tolérance.
Maitre BRAHIMI Mohamed
Avocat à la cour de Bouira
brahimimohamed54@gmail.com