Soumis par le juge d’instruction à l’une des obligations découlant du contrôle judiciaire en l’occurrence l’obligation de l’alinéa 2 – 3e de l’article 125 bis 1 du code de procédure pénale qui astreint l’inculpé à se présenter périodiquement aux services ou autorités désignés par le juge d’instruction, ,maitre Salah Dabouz s’est plaint de cette mesure au motif qu’elle est abusive et non conforme à la loi.Il y avait effectivement de quoi se plaindre puisque maitre Salah Dabouz qui est domicilié à Alger et y exerce sa profession doit , trois fois par semaine, se déplacer au tribunal de Ghardaïa situé à 600 kilomètres d’Alger pour émarger au registre des contrôles judiciaires tenu au cabinet d’instruction !
Il est évident qu’il est préférable a un inculpé d’être mis sous contrôle judiciaire que d’être incarcéré .Le recours au contrôle judicaire au lieu et place de la détention provisoire a été l’une des revendications portées par les avocats. Le problème dans le cas de maitre Salah Dabouz est que la mesure de contrôle judiciaire a été mal appliquée et cause à l’intéressé des dommages et des désagréments qui n’ont pas lieu d’être et qui s’apparentent beaucoup plus à une sanction qu’à une mesure de prévention.
La décision de mise sous contrôle judiciaire de l’inculpé est prise au cours de l’instruction par le juge d’instruction. Elle peut aussi être ordonnée par la juridiction de jugement quand elle ordonne le renvoi de l’affaire à une autre audience ou lorsqu’ell ordonne un complément d’information. Le contrôle judiciaire n’est ordonné que si certaines conditions sont réunies. Il faut d’abord que l’inculpé encourt une peine d’emprisonnement correctionnel ou une peine plus grave.Elle n’est pas applicable en matière de contravention.Bien que la loi est muette à ce sujet,il est incontestable que cette mesure doit être justifiée par les nécessités de l’instruction notamment s’il ya risque de fuite de l’inculpé.
L’inculpé soumis au contrôle judiciaire est astreint à certaines obligations limitativement énumérées à l’article 125 bis 1 du code de procédure pénale .Ces obligations sont fixées par le juge d’instruction au regard de la personnalité de l’inculpé , de la nature de l’infraction et des circonstances de la commission de cette infraction.Ces obligations sont au nombre de dix et la plupart concernent la liberté de déplacement (ne pas sortir de certaines limites territoriales, ne pas se rendre en certains lieux,demeurer dans une résidence protégée, ne pas quitter son domicile, remettre contre récépissé soit au greffe soit aux services de sécurité ses pièces d’identité notamment son passeport ou son permis de conduire).Dans le but d’exercer un contrôle sur la présence de l’inculpé aux actes d’instruction , ce dernier peut être astreint à se présenter périodiquement aux services ou autorités désignés par le juge. Le juge peut aussi imposer à l’inculpé de s’abstenir de rencontrer certaines personnes. Enfin le juge peut interdire à l’inculpé de se livrer à certaines activités professionnelles lorsque l’infraction a été commise dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ces activités et lorsqu’il est à redouter qu’une nouvelle infraction soit commise.
Le contrôle judicaire une fois ordonné par le juge, il va se poursuivre en principe durant toute l’instruction mais le juge qui l’a ordonné peut à tout moment le modifier à l’avantage ou au désavantage de l’inculpé soit d’office soit sur le demande de l’inculpé ou du ministère public .Si l’inculpé se soustrait volontairement aux obligations du contrôle judicaire , le juge d’instruction peut décerner mandat de dépôt ou mandat d’arrêt en vue de placer l’inculpé en détention provisoire.
Pour revenir au cas de maitre Salah Dabouz, le juge d’instruction a rendu une ordonnance de mise sous contrôle judicaire avec obligation de se présenter trois fois par semaine devant le tribunal de Ghardaïa et ce au titre de l’alinéa 2 – 3e de l’article 125 bis 1 du code de procédure pénale .Cette mesure n’est pas en elle-même abusive ou contraire à la loi mais ce sont les modalités de son application telles que fixées par le juge d’instruction qui sont sujettes à la critique juridique.
Maitre Salah Dabouz est un avocat dont le cabinet est situé à Alger.Il est vraisemblable que le juge d’instruction a décidé de soumettre l’inculpé à l’obligation de se présenter devant le tribunal de Ghardaïa pour exécuter la mesure ordonnée au motif que les infractions dont il est accusé ont été commises dans les ressort de ce tribunal .Mais le juge d’instruction est-il obligé de fixer le tribunal de Ghardaïa comme lieu de l’exécution de la mesure de contrôle judicaire alors même que l’inculpé exerce à Alger et y a un domicile ?Rien dans la loi ne l’y oblige bien au contraire.
Aux termes l’alinéa 2 – 3e de l’article 125 bis 1 du code de procédure pénale le juge d’instruction peut astreindre l’inculpé à « se présenter périodiquement aux services ou autorités désignés par le juge d’instruction».Ce texte de loi ne limite pas cette mesure à la seule présentation périodique de l’inculpé devant le juge d’instruction qui a ordonné cette mesure, mais ce juge d’instruction peut aussi bien déléguer n’importe quel service ou autorité relevant du ressort de son tribunal ( commissariat de police,brigade de gendarmerie …) pour faire exécuter cette obligation. Si ce service ou autorité est situé dans le ressort du tribunal dont relève le juge d’instruction qui a ordonné cette mesure , c’est evidemmment ce dernier qui donnera les instructions nécessaires à l’exécution de son ordonnance de mise sous contrôle judiciaire de .Mais dans le cas où l’inculpé laissé libre est domicilié hors du ressort de ce tribunal , rien ne s’oppose à ce que le juge d’instruction rende une commission rogatoire au juge d’instruction du domicile de l’inculpé à l’effet d’exécuter son ordonnance de mise sous contrôle judiciaire.
Maitre Salah Dabouz ayant son domicile à Alger et y exerçant sa profession, le juge d’instruction du tribunal de Ghardaïa aurait pu recourir à une commission rogatoire pour faire exécuter la mesure de contrôle judiciaire et ce conformément à l’article 18 du code de procédure pénale . A cette fin il aurait pu saisir son collègue le juge d’instruction d’Alger.Cette procédure est d’autant plus justifiée et conforme à la loi que l’inculpé est un avocat connu présentant toutes les garanties de présentation même en l’absence d’un contrôle judiciaire.En outre, la loi de procédure pénale , si elle est a été instituée pour éviter que l’auteur de l’infraction n’échappe à une juste sanction, il ne faudrait pas que l’application de cette même loi dépasse outre mesure ce qu’elle édicte. L’inculpé quant bien même il est poursuivi devant un juge d’instruction , il est présumé innocent tant qu’il n’a pas été jugé par une juridiction de jugement. Imposer à un inculpé un déplacement de 1200 kilomètres trois fois par jour pour l’exécution d’une mesure de contrôle judicaire alors même que cette mesure pourrait sans violer la loi être exécutée dans le ressort du domicile de l’inculpé ne peut être que censuré si une telle ordonnance est soumise à la juridiction supérieure et ce au motif de fausse application de la loi.
Par maitre BRAHIMI Mohamed
Avocat