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 La prescription de l’action publique quand le jugement est rendu par défaut et assorti d’un mandat d’arrêt

mohamed brahimi Par Le 24/04/2020

Prescription action publique

Dans le sillage de sa jurisprudence antérieure,  la Cour suprême a clarifié les règles applicables à la prescription de l’action publique en matière correctionnelle quand un jugement par défaut assorti d’un mandat d’arrêt a été rendu. Très souvent les juridictions pénales ( tribunaux ou cours ) ,  en l’absence du prévenu ,rendent  des jugements ou des arrêts  prononçant des condamnations  par défaut  à de lourdes peines  de prison  assorties d’un mandat d’arrêt. Très souvent aussi , ces  décisions  rendues par  défaut et assorties  d’un mandat d’arrêt ne sont pas exécutées  et restent  en l’état durant de  longues années. Le mandat d’arrêt émis restant toujours en vigueur,le prévenu  condamné est tôt ou tard  appréhendé et jugé à nouveau suite à son opposition au jugement par défaut .La question qui se pose dans ces situations est de savoir si le prévenu peut au cours du procès en opposition au jugement ou arrêt par défaut  se prévaloir de la prescription  de l’action publique dans l’hypothèse où  plus de trois ans ont expiré depuis la date de prononcé de la décision par défaut.

C’est cette question qu’a tranchée la Cour suprême dans plusieurs arrêts  dont l’arrêt   en date du 25 juillet 2007  dossier n° 425360.Dans ce dossier , la Cour suprême a été saisie  par un prévenu  d’un pourvoi en cassation  contre  un arrêt  rendu par la  cour  de Tlemcen   qui  l’a condamné  à une peine de prison  pour  délit de contrebande et vente de stupéfiants .Le prévenu  a été renvoyé  du chef de ce délit devant le tribunal de Ouled Mimoun  qui a rendu  le 19 mai 1991  un jugement par défaut le condamnant à 20 ans  de prison  assorti d’un  mandat d’arrêt .Ce jugement par défaut  a été notifié au prévenu le 14 aoút 2005 date à laquelle il fit opposition.Le même tribunal saisi de l’opposition  confirme la première  condamnation. Suite à l’appel  formé  par le prévenu devant  la cour de Tlemcen , celle-ci a rendu  un  arrêt en date du 05 novembre 2005 qui modifie  le jugement rendu par le tribunal  en condamnant  le prévenu  à  une peine plus légère de 18 mois d’emprisonnement.

Devant le tribunal de Ouled Mimoun et  à l’occasion de l’instance en opposition au jugement  par défaut , ainsi que devant la cour de Tlemcen , le prévenu a soutenu un moyen tiré de la prescription de l’action publique que le tribunal puis la  cour ont  rejeté au motif  que le jugement par  défaut  du 19 mai 1991 n’a pas été notifié au ministère public.

La Cour suprême  a cassé l’arrêt  de la cour de Tlemcen au  visa de la violation de la loi   en posant le principe qu'un jugement par défaut qui n’a pas fait l’objet  d’une notification à la personne du prévenu quant bien même ce jugement a été assorti d’un mandat d’arrêt  ,  constitue un  simple acte d’exécution se rattachant à l’action publique ,  et dès lors  il est soumis aux  règles visées aux articles 6 à 9  et 409 à 412 du code de procédure pénale,  et par conséquent  l’inexécution d’un tel jugement  et sa non notification par le parquet  en application de l’article 412 du code de procédure pénale ne supprime pas le droit du prévenu  à se prévaloir de la prescription de l’action publique  de l’article 8 du même code qui est d’ordre publique.

La question tranchée par la Cour suprême soulève une autre question  susceptible de créer une confusion. Il s’agit de la distinction entre la prescription de l’action publique et la prescription de la peine dans la situation où  un jugement ou un arrêt a été rendu par défaut  et que les délais de ces deux prescriptions  ( 3 ans et 5 ans) ont expiré. Le critère de différenciation tient dans la  procédure suivie lors de la   notification du jugement ou de l’arrêt par défaut . Si le jugement ou l’arrêt par défaut n’a pas été notifié au prévenu ni  à personne ni à  domicile  ni par affichage au siège de l’APC  ou à parquet conformément à l’article 412 du code de procédure pénale , c’est  la prescription de l’action publique  et non pas la prescription de la peine qui doit être soulevée  lors de l’instance en opposition devant  le tribunal ou la cour,  si  depuis la date de la décision  par défaut aucun autre acte de notification ou d’exécution  n’a été entrepris  .Ce jugement ou arrêt  par défaut constitue donc un simple acte de poursuite ou d’instruction dont le seul effet est la suspension  du délai de prescription de l'action publique.C’est le cas de l’affaire traitée par la Cour suprême. Les faits reprochés au prévenu  dans ce dossier,  en l’occurrence la contrebande et la vente de stupéfiants ,  ayant été jugés et  le jugement par défaut portant condamnation  ayant été rendu  le 19 mai 1991 , et ce jugement n’ayant  été suivi depuis cette date d’aucun autre acte de  poursuite ou d’exécution , l’action publique est prescrite après l’expiration de 3 années  et ce  conformément à l’article 8 du code de procédure pénale .L’arrêt de la cour de Tlemcen qui a refusé le moyen tiré de la prescription de l’action publique  alors que le jugement par défaut a été rendu le 19 mai 1991 et sa notification intervenue  le 14 aout 2005  sans qu’aucun  autre autre acte n’ait été pris dans l’intervalle a donc violé la loi

Par contre si le jugement ou l’arrêt  par défaut a  été notifié au prévenu, à personne ou à domicile, ce dernier  ne peut plus faire opposition  si le délai de 10 jours qui court a compter de cette notification  a expiré. Si l’opposition devient irrecevable et que le jugement ou l’arrêt devient définitif, le prévenu peut seulement se prévaloir de la prescription de la peine à l’expiration du délai de 5 ans prévu par l’article du 614 code de procédure pénale , si aucun autre acte d’exécution n’a été diligenté dans cet intervalle.

Dans une instance en opposition d’un jugement par défaut et où est soulevée la prescription de l’action publique , il  ne faudrait pas perdre  de vue les règles posées par l’article 412 du code de procédure pénale qui traitent  de la procédure de notification des jugements et les effets  de cette notification sur la  nature de la prescription. Si la notification du jugement n’a pas été faite à la personne du prévenu , le délai de l’opposition court à compter de la notification  faite à domicile, au siège de lAPC ou à parquet.Toutefois, si la notification n’a pas été faite à personne  et s’il ne résulte pas d’un acte d’exécution  quelconque que le prévenu ait eu connaissance  de la condamnation, son opposition est recevable jusqu’à l’expiration  des délais de la prescription de la peine. A contrario donc,  si le prévenu bien que non notifié à personne , mais  a eu connaissance du jugement par défaut  en vertu d’un acte d’exécution , son opposition n’est pas  recevable. Dans ce cas , le jugement par défaut étant devenu définitif , le prévenu peut seulement se prévaloir de la prescription de la peine si les conditions d’une telle prescription sont réunies .Dans l’affaire  traitée par la Cour suprême , du moment que le jugement par défaut rendu par le tribunal  n’a pas été notifié au prévenu  ni à personne , ni à domicile , ni par voie d’affichage au siège de l’APC et au parquet  et rien dans son dossier ne présume qu’il a eu connaissance du jugement par défaut  ,l’opposition est donc recevable .Et du moment que le jugement par défaut a été rendu le 19 mai 1991  et  la notification de ce jugement au prévenu  est intervenue le  14 août t 2005  soit plus de 3 ans  à compter de la date du jugement par défaut et que durant cet intervenu aucun acte de notification ou d’exécution n’ait  été diligenté, l’action publique est donc prescrite .

Par maitre Mohamed BRAHIMI

Avocat à la cour