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L’arbitrage interne ou comment éviter un procès long et coûteux

mohamed brahimi Par Le 08/07/2023

Arbitrage

Il est incontestable que les procès devant les juridictions étatiques coûtent chers et peuvent trainer en longueur pendant des années. Certains procès peuvent même ruiner un justiciable quant bien même il sort victorieux de son procès ce qui est bien illustré par  l’adage «  il vaut mieux un mauvais arrangement qu’un bon procès». Pour éviter ces inconvénients , la loi a prévu des modes alternatifs  de règlement des litiges  dont l’arbitrage  qui  est adapté pour régler à l’amiable  les conflits qui naissent ou qui peuvent naitre entre les personnes physique ou morales.

 

 

Bien que l’arbitrage a aussi un coût puisque les arbitres perçoivent en principe des honoraires pris en charge par les parties à la convention d'arbitrage  ,  ce  coût n’est pas forcement supérieure à celui induit par un procès devant la juridiction étatique ,sachant  que très souvent un procès classique passe par toutes les voies  de recours y compris le pourvoi en cassation . Autre avantage substantiel de l’arbitrage est l’absence d’opposition ,alors que les parties à la convention d’arbitrage peuvent renoncer à l’appel ,et peuvent dès lors faire exécuter la décision des arbitres dès son prononcé .L’autre avantage est la flexibilité de la procédure d’arbitrage qui permet aux parties  de choisir le  nombre d’arbitres qui peuvent être révoqués ou récusés en cas de nécessité  , ou  de fixer le délai dans lequel les arbitres doivent rendre leur décision , ou encore la faculté  pour les arbitres d’office ou sur la demande des partis d’ordonner une mesure d’instruction telles la désignation d’un expert ou l’audition de témoins. S'y ajoute  comme avantage  ,la confidentialité de la procedure.En résumé , l’arbitrage est beaucoup plus adapté en terme de coûts  et de délais . Malgré ces avantages indéniables , rares sont les personnes ou les entreprises qui y ont recours en grande partie par ignorance de ce  mode alternatif de règlement des litiges.

Toute personne, physique ou morale , peut compromettre sur les droits dont elle a la libre disposition .Par contre elle ne peut compromettre sur les questions concernant l'ordre public, l'état et la capacité des personnes. La personne qui a  recours à l’arbitrage doit aux termes de l’article 1006-1 du code de procédure civile et administrative (C.P.C.A.)  avoir «  la libre disposition des droits objet de la convention d’arbitrage   » .Par conséquent la personne qui veut compromettre sur un droit  ne doit pas être incapable au sens de l’article 81 du code civil.les personnes morales de droit public   peuvent compromettre mais seulement en matière de marchés publics. Les entreprise publiques à caractère industriel commercial  et les sociétés commerciales publiques ou semi publiques peuvent recourir à l’arbitrage à l’instar des sociétés du secteur privé .La Cour suprême a jugé que l’arbitrage conclu entre une société privée et une  société par actions relevant du secteur public est valable et conforme à la loi ( Cour suprême , 17/11/2013 , dossier n° 914221).

En matière d’arbitrage il ya lieu de distinguer entre le compromis et la clause compromissoire .

1- Le compromis et la clause compromissoire

Si le compromis est une convention  par laquelle les parties  à un litige né décident de soumettre  celui-ci à un ou plusieurs arbitres qu’ils choisissent (Art. 1011 du C.P.C.A.) , Il se distingue de la clause compromissoire en ce que cette dernière  est la convention par laquelle les parties à un contrat s'engagent à soumettre à l'arbitrage les litiges qui pourraient naître relativement à ce contrat ( Art. 1007 du  C.P.C.A.) . La clause compromissoire est en quelque sorte « une promesse de compromis » vidée dans un écrit dans  lequel les parties s’engagent à  soumettre leur  litige  éventuel  à l'arbitrage et à signer un compromis si un litige intervient.  

La clause compromissoire doit, à peine de nullité, être stipulée par écrit dans la convention principale ou dans un document auquel celle - ci se réfère .Cette condition a pour but d’éviter toute équivoque sur l’existence de la clause compromissoire. L’article 622-4 du code civil a institué un régime spécial pour la clause compromissoire en matière d’assurance puisqu'il dispose qu’est nulle  «  la clause compromissoire qui est comprise dans les conditions générales imprimées de la police et non sous la forme d’une convention spéciale séparée des conditions générales (Cour suprême , 10/01/2017 , dossier n°395807).

La clause compromissoire doit soit désigner le ou les arbitres, soit prévoir les modalités de leur désignation (Art. 1008 du C.P.C.A.).Il peut arriver que  la désignation des arbitres  ou la mise en œuvre des modalités de cette  désignation se heurte à une difficulté du fait de l'une des parties, .Dans ce cas et  en vertu de l’article 1009 code de procédure civile et administrative , il revient au   président du tribunal du lieu de conclusion du contrat ou de son exécution de désigner le ou les arbitres . Le litige est soumis au tribunal arbitral soit conjointement par les parties, soit par la partie la plus diligente. Une fois la clause compromissoire signée, les parties ne peuvent plus soumettre leur litige à un tribunal étatique. Si malgré la clause compromissoire l’une des parties  décide de saisir un tribunal étatique du litige objet de cette clause compromissoire , l’autre  partie peut soulever l’incompétence de ce tribunal qui doit prononcer son incompétence sous peine de nullité du jugement ( Cour suprême, 03/06/2010, dossier n° 626204).

Une fois la clause compromissoire signée , les parties  doivent recourir à l’arbitrage en cas de conflit et procéder à la formation du tribunal arbitral et conclure un compromis et ce en vertu  de l’article 1011 code de procédure civile et administrative. En cas de refus par l’une des parties de conclure un compromis en application de la clause compromissoire ,c’est le président du tribunal étatique qui tranchera cette difficulté en désignant le ou les arbitres (Art.1009 du C.P.C.A.) ( Cour suprême, 04/07/2012, dossier n° 791649 ).

Le compromis doit à l’instar de la clause compromissoire être  constaté par écrit et doit  designer  à peine de nullité, l'objet du litige et les noms des arbitres, ou les modalités de désignation de ces arbitres (Art. 1012 du C.P.C.A.). Cet écrit peut prendre la forme d’un acte authentique établi devant notaire , ou la forme d’un acte sous seing privé ou encore la forme d’un procès-verbal rédigé par le ou les arbitres et signé  conjointement par les parties. L’écrit  est une formalité nécessaire car c’est lui qui saisit les arbitres du litige  au même titre que la requête introductive d’instance est nécessaire pour saisir le tribunal étatique.

Le compromis doit mentionner le nom de l’arbitre ou des arbitres, mais rien n’interdit  de designer l’arbitre non pas par ses noms et prénoms mais le designer d’une façon qui ne laisse aucune ambigüité quant à  son identité , par exemple désigner un arbitre par sa qualité ou sa fonction  comme par exemple designer le bâtonnier d’un ordre des avocats en tant qu’arbitre. Au lieu de designer le ou les arbitres par leurs noms et prénoms , les parties peuvent simplement  prévoir les modalités de leur désignation comme c’est le cas pour la clause compromissoire (Art. 1012-2 du C.P.C.A.).  

Bien qu’aucun texte ne le prévoit , le compromis doit être daté .Cette formalité est exigé tacitement par l’article 1018 du code de procédure civile et administrative qui fixe la durée de la mission des arbitres à 4 mois à compter soit de la date de la désignation des arbitres soit celle de la saisine du tribunal arbitral. Si le compromis n’est pas daté , il serait impossible de vérifier si cette durée de 4 mois a été respectée ou au contraire dépassée .

2- les règles communes applicables au compromis et à la clause compromissoire

La mission d’arbitre peut être confiée soit à une personne physique qui jouit de ses droits civiques ce qui exclut les mineurs et les étrangers ,soit à une personne morale qui doit designer un  ou plusieurs des membres  en qualité d’arbitre ( Art. 1014 du C.P.C.A.). Il peut être désigné un seul ou plusieurs arbitres. L’arbitre ou les arbitres doivent bien sûr accepter la mission qui leur est confiée. L’arbitre peut être récusé par l’une des parties , et en cas de litige sur la cause de la récusation , il revient au juge du tribunal étatique de statuer par ordonnance sur requête non susceptible de recours(Art.1016 C.P.C.A.).Pour éviter un blocage lors du délibéré sur la décision, le tribunal arbitral qui comprend plusieurs arbitres doit être constitué d’un  nombre impair ( Art. 1017 du C.P.C.A.).Si les parties n’ont pas fixé un délai aux arbitres pour rendre leur décision, le compromis ne sera pas entaché de nullité , mais dans ce cas la durée de la mission des arbitres est limitée à 4 mois à compter, soit de la date de la désignation des arbitres, soit de celle de la saisine du tribunal arbitral (Art. 1018 du C.P.C.A. ).

3-déroulement de l’instance arbitrale

Sauf convention contraire des parties, les délais et formes établis pour les juridictions étatiques sont applicables à l'instance arbitrale (Art. 1019 du C.P.C.A.).Ainsi les actes d’instruction et les procès -verbaux des arbitres sont établis par tous les arbitres, sauf si le compromis ne les autorise à commettre l'un d'eux. Comme c’est le cas devant le tribunal étatique, chacune des parties  produit en personne ou par avocat  ses défenses avant l'expiration du délai de l'arbitrage , et les arbitres seront  tenus de juger que sur ce qui aura été produit (Art. 1022 du C.P.C.A.).Les arbitres décident d'après les règles du droit. Il peut arriver que l’arbitrage prend fin avant que le tribunal arbitral ne rende sa decison.Ce sera le cas par exemple en cas   de décès ou le déport ou l'empêchement d'un des arbitres, ou encore si la chose litigieuse a été perdue, ou la créance contestée éteinte

4- la sentence arbitrale

Le tribunal , qu’il soit composé d’un seul ou de plusieurs arbitres , doit rendre une décision motivée qui exposera succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens (Art. 1027 du C.P.C.A) .Elle doit comprendre les mentions qu’on retrouve dans les jugements des tribunaux étatiques à savoir les noms et prénoms des arbitres qui l'ont rendue , sa date , le lieu elle est rendue , les noms, prénoms des parties ainsi que leur domicile et la dénomination des personnes morales et leur siège social , et le cas échéant les noms et prénoms des avocats ou de toute personne ayant représenté ou assisté les parties.

La sentence arbitrale est signée par tous les arbitres. Elle dessaisit l'arbitre de la contestation qu'elle tranche , mais comme pour les décisions des juridictions étatiques , la décision arbitrale peut faire l’objet d’un recours en interprétation ou de réparation des erreurs et omissions matérielles qui l’affectent (Art.1030 du C.P.C.A).Ce recours est porté devant le tribunal arbitral  qui a rendu la décision à interpréter ou à rectifier.

5- Les voies de recours contre la sentence arbitrale

Les articles 1032 à 1034 du code de procédure civile et administrative organisent les voies de recours contre la sentence arbitrale. Comme tout jugement , la sentence arbitrale est susceptible  de  voies de recours sauf si les parties ont décidé dans la convention d’arbitrage que la sentence arbitrale ne fera l’objet d’aucun recours. Ces recours sont portés devant une juridiction étatique .L’appel est porté  devant la cour dans le ressort de laquelle la sentence arbitrale  a été rendue. Par contre la sentence arbitrale n'est pas susceptible d'opposition , mais peut être frappée de tierce opposition devant le tribunal qui eût été compétent avant de soumettre le litige à l'arbitrage. La loi autorise le pourvoi en cassation  mais seulement contre les arrêts rendus par la cour en appel .

6- L’exécution de la sentence arbitrale

La sentence arbitrale n’est pas susceptible d’exécution directe comme c’est le cas pour un jugement rendu par une juridiction étatique . La sentence arbitrale doit être rendue exécutoire par ordonnance du président du tribunal dans le ressort duquel elle a été rendue (Art. 1035-1 du C.P.C.A. ). Cette formalité s’applique même à une sentence arbitrale partielle ou préparatoire. Au cas ou le juge refuse de rendre une ordonnance d’exécution de la  sentence arbitrale, cette ordonnance peut faire l’objet d’un appel devant la cour (Art. 1035-3 du C.P.C.A.).

BRAHIMI Mohamed

Avocat à la cour de Bouira

brahimimohamed54@gmail.com

Prochain article ( en langue arabe) : Le pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat à la lumière de la nouvelle loi  n° 22-13 du 12 juillet 2022 modifiant et complétant le code de procédure civile et administratve.