♦Achats de droits litigieux
L’article 402 du code civil dispose que : « Les magistrats, avocats, défenseurs de justice, notaires ,secrétaires-greffiers , ne peuvent acheter, ni par eux-mêmes ni par personne interposée, en tout ou en partie, des droits litigieux qui sont de la compétence des juridictions dans le ressort desquelles ils exercent leurs fonctions, et ce à peine de nullité de la vente ».Quant à l’article 403 du même code il dispose que : « Les avocats et défenseurs de justice ne peuvent, ni par eux-mêmes ni par personne interposée faire avec leurs clients aucun acte relatif aux droits litigieux lorsqu’ils ont assumé la défense de ces droits et ce, à peine de nullité du pacte » .
Interprétant cette disposition, la Cour suprême a jugé dans un arrêt du 14/03/2019 dossier numéro 1252446 que : « Un droit litigieux n’est considéré comme tel pour l’application de l’article 402 du code civil que s’il acquiert ce caractère litigieux au moment où l’acheteur en a eu connaissance ; En conséquence si le litige intervient après l’achat ou le règlement du litige , le droit n’est pas considéré comme litigieux ».
♦Responsabilité contractuelle et responsabilité délictuelle en matière de négociations de contrats
Dans un arrêt du 14/03/2019 dossier numéro 1167075, la Cour suprême a jugé que la rupture unilatérale des négociations préalables à la signataire d’un contrat de vente ou d’échange d’un bien immeuble n’entraine aucune responsabilité contractuelle s’agissant d’actes matériels et non juridiques ,mais que néanmoins cette rupture unilatérale peut être constitutive d’une responsabilité délictuelle en cas de faute émanant de la partie ayant refusé de conclure l’acte définitif.
Dans le cas d’espèce , des négociations entre une agence de gestion et de régulation foncière urbaine de wilaya et une personne privée ont abouti à un accord en vertu duquel sera effectué un échange entre deux terrains appartenant aux parties mais pour des motifs propre à l’agence, cette dernière refuse de se présenter devant notaire pour les formalités de transfert de propriété et de publication .Assignée devant le tribunal à l’effet de se voir condamner à concrétiser l’échange par devant notaire , le tribunal puis la cour d'appel et enfin la Cour suprême ont statué en faveur de l'agence aux motifs mentionnés dans l’arrêt du 14/03/2019 suscité .Il reste à la personne lésée par le comportement de l’agence à assigner cette dernière en dommages et intérêts sur le terrain de la responsabilité délictuelle.
♦la possession et la prescription acquisitive
En application de l’article 827 du code civil : « Celui qui exerce la possession sur une chose mobilière ou immobilière ou sur un droit réel mobilier ou immobilier sans qu’il en soit propriétaire ou le titulaire, en devient propriétaire si sa possession continue sans interruption pendant quinze ans » . Quant aux servitudes ( par exemple le droit de passage sur un terrain appartenant à autrui) elles ne peuvent être acquises par prescription que si elles sont apparentes et ce conformément à l’article 868 du même code ;
En application de ce texte ,tout détenteur d’un bien immeuble peut en revendiquer la possession sous certaines conditions. Cette possession peut être convertie en usucapion ( prescription acquisitive ) si la possession a durée plus de 15 ans .Mais par exception à cette règle ,certains immeubles ou droits immobiliers ne peuvent être appropriés par la possession. Ainsi la Cour suprême a jugé dans un arrêt du 14/02/2019 dossier numéro 1306047 que les espaces verts situés dans les ensembles d'immeubles d’habitation appartiennent au domaine public communal et constituent des parties communes et par conséquent ils ne peuvent être revendiqués par un tiers en excipant de la possession ou de la prescription acquisitive .
En matière de prescription acquisitive il est une question d’importance , c’est celle de la preuve de l’accomplissement de la durée de 15 ans .La règle est que la preuve peut être apportée par tous moyens notamment par les témoignages. Le possesseur d’un bien immeuble ou d’un droit immobilier peut exciper d’un acte même sous seing privé ( un acte signé par les seules parties sans intervention d'un notaire ) mentionnant la possession. Dans un arrêt du 12/09/2019 dossier numéro 1202678 ,la Cour suprême a jugé qu’un acte sous seing privé portant reconnaissance d’un droit de passage sur un terrain peut être pris en compte dans le calcul de la durée de la prescription acquisitive.
Dans le même sens, la Cour suprême a jugé dans un arrêt rendu le même jour dossier numéro 1205921 que : « La possession d’un acte sous seing privé portant cession d’un terrain constitue une présomption légale de possession et la cour d’appel qui a reconnu force probante à cet acte quant à la preuve de la possession a fait une juste application de la loi ».
♦La force probante du procès-verbal de conciliation en cours d’instance
Quand les parties dans une instance pendante devant le juge décident de se concilier avant que ce dernier ne statue sur le litige , cette conciliation sera constatée par le tribunal qui établira un procès-verbal de conciliation. Ce procès-verbal qui est signé par les parties , le juge et le greffier constitue en vertu de l’article 993 du code de procédure civile et administrative un titre exécutoire , c’est à dire qu’il a la même valeur et le même rang qu’un jugement .Mais ce procès-verbal à supposer qu’il concerne un accord portant sur la propriété immobilière transfert-il la propriété dès sa signature ?C’est à cette question qu’a répondue la Cour suprême dans un arrêt en date du 12/09/2019 dossier numéro 1211122.La Haute cour a jugé qu’en l’absence de la publication à la conservation foncière du procès-verbal de conciliation , il ne peut y avoir de transfert de propriété .En outre elle a jugé que le détenteur d’un tel procès-verbal de conciliation ne peut saisir le juge à l’effet de rendre un jugement obligeant la partie adverse partie à ce procès-verbal à procéder à cette publication ,cette formalité incombant à la partie mentionnée au procès-verbal qui y a intérêt.
Maitre Mohamed BRAHIMI
Avocat à la cour de Bouira
brahimimohamed54@gmail.com