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La procédure de révocation du mandat de  député : L’avis rendu par la Cour constitutionnelle

mohamed brahimi Par Le 02/10/2023

Conseil constitutionnel image

Saisie par le président de l’Assemblée Populaire Nationale en application des  dispositions de l’article 192 -2 de la Constitution   aux fins d’interprétation de l’article 127 de la Constitution qui prévoit les conditions de  révocation du mandat du député,   La Cour constitutionnelle a rendu un avis sur la question par une décision daté du au 7 août 2023   n° 01/A.C.C/I.C/23  publié au journal officiel.

En application de l’article 127 de la  Constitution «  Le député ou le membre du Conseil de la Nation engage sa responsabilité  devant ses pairs qui peuvent révoquer son mandat s’il commet un acte indigne de sa mission. Le règlement intérieur de chacune des deux chambres fixe les conditions dans lesquelles un député ou un membre du Conseil de la Nation peut encourir l’exclusion. Celle-ci est prononcée, selon le cas, par l’Assemblée Populaire Nationale ou par le Conseil de la Nation, à la majorité de ses membres sans préjudice de toutes autres poursuites prévues par la loi « .

 

Le président de l’Assemblée Populaire Nationale sollicitait  plus exactement   l’interprétation  de cet article 127 de la Constitution notamment dans le cas d’une condamnation par jugement définitif à une peine de prison ferme, ainsi que l’illustration de l’application des articles 73 et 74 du règlement intérieur de l’Assemblée Populaire Nationale qui déterminent les procédures à suivre quant à la déchéance du mandat .

 L’article  73 du règlement intérieur de l’Assemblée Populaire Nationale énonce que  le bureau de l’Assemblée Populaire Nationale, sur avis du ministre de la justice, garde des sceaux, déclenche la procédure de la déchéance du mandat d’un député à travers la transmission de la demande de déchéance à la commission chargée des affaires juridiques ; la commission examine la demande de déchéance du mandat et entend le député concerné. Lorsqu’elle conclut à l’acceptation de la demande, elle transmet l’affaire à l’Assemblée Populaire Nationale pour statuer par voie de scrutin secret à la majorité de ses membres à huis clos après audition du rapport de la commission et du député concerné qui peut se faire assister par un de ses collègues.

Quant à  l’article 74 du même règlement intérieur , il évoque la possibilité de révocation du mandat d’un des membres de l’Assemblée Populaire Nationale lorsqu’un jugement définitif est rendu à son encontre le condamnant pour avoir accompli un acte indigne de son mandat, et ce, sur proposition du bureau agissant à la requête de l’instance judiciaire compétente.

En évoquant la  responsabilité du député devant ses collègues lorsque ce dernier    ne respecte pas les règles lors de l’exercice de son mandat en accomplissant un acte indigne de son mandat telle que le prévoit le constituant, la Cour constitutionnelle a eu à discuter incidemment les  cas ou le député  ( ou le  sénateur) commet une infraction pénale et fait l’objet de poursuites judiciaires  et leurs effets  sur son immunité parlementaire.

Ce sont  articles 129 ,130 et 131 de la Constitution qui organisent le procédure de levée de l’immunité du député ( ou du sénateur) en cas de poursuites pénales pour crime ou délit :

Art. 129. — Le membre du Parlement jouit de l’immunité pour les actes rattachés à l’exercice de sa fonction telle que prévue par la Constitution.

Art. 130. — Le membre du Parlement peut faire l’objet de poursuites judiciaires pour les actes ne se rattachant pas à l’exercice de ses fonctions parlementaires après renonciation expresse de l’intéressé à son immunité. En cas de non renonciation, les autorités de saisine peuvent saisir la Cour constitutionnelle aux fins de se prononcer, par décision, sur la possibilité ou pas de la levée de l’immunité.

 Art. 131. — En cas de flagrant délit ou de crime flagrant, il peut être procédé à l’arrestation du député ou du membre du Conseil de la Nation. Le bureau de l’Assemblée Populaire Nationale ou du Conseil de la Nation, selon le cas, en est immédiatement informé. Il peut être demandé par le bureau saisi, la suspension des poursuites et la mise en liberté du député ou du membre du Conseil de la Nation. Il sera alors procédé conformément aux dispositions de l’article 130 ci-dessus.

Pour le Conseil constitutionnel , si la  levée de l’immunité du député qui a commis un crime ou  un délit  et qui fait l’objet de poursuites pénales  va de  soi, il revient en tout état de cause  au  bureau de l’Assemblée Populaire Nationale, au cas où  le député   refuse de renoncer de plein gré à son immunité ,   d’apprécier le caractère sérieux de la demande du ministère de la justice  de la levée cette immunité  , et cette demande ne peut aboutir  que si l’existence de certains principes fondamentaux est établie, à savoir  le respect de la présomption d’innocence en toutes circonstances, le  respect du principe de la séparation des pouvoirs, et enfin la  prudence afin d’éviter la divulgation du secret de l’instruction. Il s’agit ici de la levée de l’immunité du député à l’effet d’autoriser le ministère public  d’engager des poursuites pénales  et éventuellement l’arrestation du député ou  la prise de toute autre  mesure   coercitive .Mai si   le député objet des poursuites pénales est laissé en liberté , il conservera son immunité  jusqu’au prononce du jugement de condamnation .En cas de condamnation définitive , le mandat du député peut être révoqué  et ce conformément  à l’article 127 de la Constitution du moment que les actes pour lesquels est survenu cette condamnation constituent des acte indignes au sens de cet article.

Pour le  Conseil constitutionnel ,  en matière de poursuites pénales , si  l’inviolation de la personne du député a pour objet l’interdiction de l’arrestation ou la prise de toute mesure qui pourrait porter atteinte à sa liberté ou à sa restriction , sauf si le bureau de la chambre à laquelle il appartient l’autorise, il en est autrement en cas de flagrant délit ou crime . Dans cette hypothèse , l’autorisation de   l’Assemblée Populaire Nationale   pour la levée de l’immunité du député impliqué pour le poursuivre  n’est pas requise ,et ce dernier peut faire l’objet d’arrestation et de poursuites dans les mêmes conditions générales que n’importe quel citoyen.Il en est de même si un jugement de condamnation à une peine  d’emprisonnement  ferme a été rendue à l’encontre du député. Il  existe toutefois  une formalité prévue par la Constitution qui peut faire échec  à l’incarcération  d’un député même s‘il a commis un crime ou délit flagrant.  Sur les modalités  de  poursuites d’un député  en cas de flagrance , le  Conseil constitutionnel a émis l’avis  qu’en cas de flagrant délit ou de crime flagrant, le député  peut faire l’objet d’arrestation  mais seulement  après la saisine immédiate du bureau de l’Assemblée Populaire Nationale et que  par ailleurs   le bureau  de cette Assemblée  peut demander la suspension des poursuites et la mise en liberté du député et ce en vertu de  130 et l’article 131 de la Constitution.  

Les dispositions des articles de la Constitution et du règlement intérieur de l’Assemblée Populaire Nationale   susmentionnées ayant défini avec précision les modalités de révocation du mandat du député ou de son exclusion , la  Conseil constitutionnel a émis l’avis en vertu duquel  l’article 127 de la Constitution ne présente  aucune ambiguïté et donc qu’il n’y a pas lieu à son interprétation.

BRAHIMI Mohamed

Avocat à la cour de Bouira

brahimimohamed54@gmail.com