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Une brève lecture de certaines dispositions inédites du nouveau code de procédure pénale

mohamed brahimi Par Le 24/09/2025

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Désormais l’Algérie a un nouveau code de procédure pénale qui remplace l’ancien code de procédure pénale de 1966 après 60 ans d’application. Il était temps puisque au regard des  innombrables  amendements  apportés  à cet ancien code ( environ 40 amendements )  , il en est devenu illisible .La nouvelle loi  n° 25-14 du 3 août 2025 portant code de procédure pénale publiée  au  journal officiel n° 54 du 13 août 2025  est composée de 890 articles. Pour ses concepteurs   en l’occurrence le ministère de la justice, le projet  du nouveau code  de procédure pénale qui a été présenté en avril 2024  devant le Parlement pour adoption s’articule  autour de plusieus  axes notamment   le renforcement  des droits et des libertés des individus, le renforcement des droits de la défense durant toutes les phases de l’action publique , la numérisation et la simplification  des procédures

Bien que  le nouveau texte ait introduit des innovations  majeures , il n’en demeure pas moins que certaines mesures qui  étaient en vigueur dans l’ancien code n’ont pas été profondément réaménagées pour plus de protection  des  droits et libertés des individus. Ainsi en est-il du pouvoir reconnu au procureur de la République d’ordonner une  interdiction de sortie du territoire national ( ISTN ) .La question est d’importance puisqu’elle touche directement à un principe consacré par la constitution à savoir le droit de circuler librement.

En comparaison avec l’ancienne disposition  du code de procédure pénale qui régissait l’ISTN ( l’article 36 bis1  de la loi du 23 juillet 2015 modifiant et complétant le code de procédure pénale ) , le nouvel article du nouveau code de procédure pénale ( article 49 )  est plus respectueux du principe  de légalité, puisque   l’ISTN  doit désormais  prendre la forme  d’une ordonnance émise par le  procureur de la République dûment  motivée et notifiée à l’intéressé qui peut demander sa levée ,  ce qui n’était pas le cas auparavant. En outre  l’ISTN ne doit pas dépasser 3 mois sauf pour les infractions graves  d’atteinte à la sûreté de l’Etat  ou de corruption. Le même article dispose que la décision d’ISTN  est prise  le procureur de la République  sur rapport motivée de l’officier de police judiciaire ce qui sous-entend que désormais seul le procureur de la République  est autorisé à prendre une telle décision.Toute  ISTN  émise  par une   autorité autre que le procureur de la République sera non seulement frappée de nullité absolue , mais exposera son auteur à de lourdes  sanctions pénales.

Il est à remarquer que cet article 49  de  loi n° 25-14 du 3  août 2025  portant code de procédure pénale qui régit l’ISTN a fait l’objet d’une  saisine de la Cour constitutionnelle  par un groupe de 45 députés  du parti politique MSP en  arguant de sa non-conformité à la Constitution.  Les auteurs de cette saisine ont considéré  que cet article est de nature à restreindre la liberté de circulation et à porter atteinte à son essence  et ont  demandé qu’il soit déclaré non conforme à la Constitution  car il contreviendrait à l’article 49 de la Constitution qui garantit à tout citoyen  le droit d’entrer et de sortir du territoire national , et que ce droit ne peut être   restreint que pour une durée déterminée par une décision motivée de l’autorité judiciaire . Ils ont aussi estimé    que cet article est   contraire  aux articles 41 et 34 de la Constitution  relatifs à la présomption d’innocence et  au droit à la justice  ainsi qu’à  l’article  34 relatif à   l’exigence que toute restriction législative ne porte pas atteinte à l’essence des droits et libertés, et à la proportionnalité des mesures restrictives des libertés.

La Cour constitutionnelle  a  jugé  non fondée la demande du groupe parlementaire auteur de sa saisine  de déclarer l’article 49   de  loi n° 25-14 du 3  août 2025  portant  code de procédure pénale comme non conforme à la Constitution par un long considérant ,  et par conséquent l’a rejeté et l’a par contre  déclaré conforme a la Constitution au motif  que  le contenu de cet article , en prévoyant la possibilité de recourir à la mesure d’interdiction de sortie du territoire national par ordonnance judiciaire motivée et pour une durée déterminée de trois mois renouvelable une seule fois, dans les cas de délits non graves, et pouvant être prolongée jusqu’à la fin des investigations dans les crimes graves ,  admet que le législateur dispose d’un large pouvoir discrétionnaire, conformément à l’article 139 de la Constitution  pour évaluer la gravité des infractions nécessitant la prolongation de la mesure d’interdiction de sortie du territoire national pour les exigences de l’enquête et que cette mesure est intrinsèquement liée, dans sa durée, à celle de l’instruction judiciaire et  dès lors  il n’y a aucun soupçon d’inconstitutionnalité dans le texte de l’article 49  , compte tenu de la marge d’appréciation que la Constitution confère au Parlement quant aux types d’infractions justifiant la prolongation de l’interdiction de sortie du territoire national pour les nécessités d’enquête et de poursuite,  et qu’au surplus cet  article ne contrevient pas à l’alinéa 3 de l’article 12 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Cette décision de la Cour constitutionnelle  peut laisser perplexe tout juriste imbu de formalisme  car ce qui a été toujours reproché  à l’institution de l’ISTN dans la législation algérienne ce n’est  pas tant  son opportunité ou sa légalité puisque dans tous les pays du monde  il est fait  recours à cette mesure  qui constitue une garantie d’ordre public  et de prévention de fuite des personnes  ayant commis des infractions ,  mais ce sont  les modalités de sa délivrance qui peuvent poser problème. En principe,  la décision d’interdiction de sortie du territoire national  est prise  par un juge du siège  ( juge d’instruction ou chambre d’accusation  )  mais en application  de l’article 49 de  loi n° 25-14 du 3  août 2025  portant  nouveau code de procédure pénale , le procureur  de la République peut prendre une telle décision dans les conditions sus- mentionnées. Confier à cette autorité judiciaire le pouvoir de prendre une décision d’interdiction de sortie du territoire national  n’est pas en soi contraire à la Constitution comme l’a souligné la Cour constitutionnelle sachant  que certaines  législations  étrangères autorisent  même le pouvoir exécutif à prendre une telle décision dans les affaires sensibles .Ainsi en France , une décision d’ISTN peut être prise par le ministre de l’intérieure ou son représentant contre une personne soupçonnée  de participer  à des activités terroristes , mais  ce pouvoir  est strictement encadré par la loi  car d’une part,  la décision  d’ISTN prise par le ministre de l’intérieur   doit  être écrite , argumentée  et notifiée à l’intéressé , et  d’autre part l’intéressé   doit être mise en mesure de   présenter ses observations et qu’en outre  cette décision   peut être contestée  devant le tribunal administratif par voie du recours  en annulation pour excès de pouvoir ou  violation de la loi.      

L’article 49 de  loi n° 25-14 du 3  août 2025  dispose  bien que l’ISTN prise par le procureur de la République  intervient en vertu d’une ordonnance et que cette ordonnance peut être contestée par l’intéressé  devant  la même autorité c’est à dire  devant le même procureur de la République qui peut soit  revenir sur sa décision et l’annuler soit la maintenir .Mais dans l’hypothèse où le procureur de la République refuse de donner une suite favorable  à la demande de levée de l’ISTN et la maintienne ,  ou  encore s’il ne répond pas à cette demande , la loi ne prévoit aucun recours effectif. S’il s’agissait d’une ordonnance d’ISTN délivrée  par un juge d’instruction ,  l’intéressé peut  faire appel contre cette ordonnance   devant la chambre d’accusation qui peut décider de sa levée. Le procureur de la République  étant  un magistrat, et à défaut d’une disposition expresse , son ordonnance portant ISTN ne peut faite l’objet d’un recours  ni devant une  juridiction de l’ordre judiciaire ni devant une juridiction de l’ordre administratif. Le seul recours est celui d’un recours hiérarchique  devant le procureur général  de la cour.

La Cour constitutionnelle a incidemment , à l’occasion de l’examen  de   la constitutionnalité des articles 12, 49, 83, 114, 205, 294, 323 et 768 de la loi du  du 3 août 2025 relatifs à l’absence de définition légale de l’expression « infractions commises au préjudice de la sécurité de l’Etat » ,  a donné une définition claire et précise à l’expression «  atteinte à la  sureté de l’Etat » mentionnée à  l’article 49 alinéa 4   de  loi n° 25-14 du 3  août 2025  ce qui aura pour effet d’éviter  à l’avenir les interprétations approximatives ou douteuses. Ainsi dorénavant et en application de la décision de la Cour constitutionnell , les infractions définies  comme  étant une « atteinte à la  sureté de l’Etat » et qui autoriseànt  le procureur de la République a  prolonger l’ISTN  au-delà des 3 mois   jusqu’à la clôture de l‘enquête  en application dudit article 49 alinéa 4 sont celles définies sous le titre  « crimes et délits contre la sûreté de l’Etat » relevant du titre I du livre troisième de la deuxième partie intitulée « incrimination  » ( articles 61 et suivants du code pénal ).

L’autre innovation majeure  du nouveau code de procédure pénale  est l’élargissement du champ de compétence du procureur de la République  à qui ont été dévolues  des attributions inédites .Ainsi  il peut entre autres,  proposer au mis en cause dans une affaire pénale  un accord de reconnaissance de culpabilité  en échange d’une réduction de peine ,  conclure avec une personne morale de droit public une convention portant sur le report des  poursuites pénales à son encontre  en contrepartie de la restitution des biens objets des poursuites  ou encore  délivrer un mandat de dépôt en cas de flagrant délit qui s’accumule à la comparution directe  pour certaines affaires delictuelles.Le nouveau code de procédure pénale a maintenu l’ancien  dispositif  de l’amende de composition qui permet  au procureur de la République  en cas de commission de certaines contraventions de transmettre au contrevenant  un avertissement à l’effet de verser l’amende de composition  égale au minimum de l’amende  prévue pour la contravention entre les mains du percepteur ,ou encore la médiation qui peut être décidée par le procureur de la République  en matière de contravention ou  certains de délits.

Le nouveau code de procédure pénale tout en maintenant le dispositif de la saisine immédiate du tribunal sur  comparution immédiate( article 477 et suivants )  , il  a par  contre réintroduit la procédure du flagrant délit  qui a été abrogée par l’ordonnance n° 15-02 du  23 juillet 2015  modifiant et complétant le code de procédure pénale  .Les nouvelles dispositions qui par ailleurs n’ont pas été soumises au contrôle de constititionnailté peuvent susciter des difficultés de compréhension .En effet  la section 2 du chapitre 1 titre 3 du nouveau code intitulé «  De la saisine immédiate du tribunal » prévoit deux modes de saisine immédiate : La comparution immédiate et le flagrant délit.

Dans l’ancien code de procédure pénale ,  les article 59 et 338 disposaient  qu’en cas de flagrant délit  et si l‘auteur ne présente pas de garanties suffisantes de représentation  ,et lorsque le fait  est punissable d’une peine d’emprisonnement  , le procureur de la République  met l’inculpé sous mandat de dépôt  et saisit immédiatement  le tribunal ,  l’affaire est  portée à l’audience au plus tard 8  jours à compter du mandat de dépôt. Le nouveau code de procédure pénale  s’il a rétabli la procédure  de renvoi du prévenu  devant le tribunal  sur flagrant délit , il en a  limité l’exercice .En effet l’article 486 dispose : « Si l'auteur du délit flagrant ne présente pas de garanties suffisantes de représentation devant la justice et si le délit est punissable d'une peine d'emprisonnement minimale égale ou supérieure à six (6) mois et si le juge d’instruction n’est pas saisi, le procureur de la République peut, à titre exceptionnel, mettre le prévenu sous mandat de dépôt, après l'avoir interrogé sur son identité et sur les faits et les inculpations qui lui sont reprochés, et le renvoie immédiatement devant le tribunal. L'affaire est portée à l'audience, au plus tard (5) cinq jours, à compter du jour de délivrance du mandat de dépôt.

Plusieurs  conditions sont donc nécessaires  pour que la saisine immédiate  du tribunal  par la voie du flagrant délit  avec mandat de dépôt  émis par  le procureur de la République soit ordonnée :   D’abord il doit s’agir un délit flagrant  sachant qu’en application de l’article 72 ,est qualifié  de  délit flagrant,     le délit qui se commet actuellement ou qui vient de se commettre , ou   lorsque dans un temps proche de l’action génératrice de délit , la personne soupçonnée est poursuivie par la clameur publique ou est trouvée en possession d'objets, ou s'il existe des traces ou indices laissant présumer qu'elle a participé au crime ou au délit  , ou encore le délit  a été commis dans une maison dont le chef vient de le découvrir et requiert immédiatement un officier de police judiciaire de le constater. Ensuite  le délit commis par le prévenu doit être punissable d’une peine d’emprisonnement minimale égale ou supérieure à 6 mois d’emprisonnement sinon la procédure de flagrance n’est pas applicable  .Enfin  seule la personne  qui ne présente pas de garanties suffisantes de représentation devant la justice peut être déférée devant le tribunal en vertu de  la procédure de flagrant délit, En outre et en application de  l’article  la procédure de flagrant délit n’est pas applicables aux délits de presse, aux délits commis par des enfants et aux délits dont la poursuite est régie par une procédure spéciale ( article 488) .

L’article 486 du nouveau code de procédure pénale a bien spécifié que la procédure de flagrant délit  doit être appliquée  à titre exceptionnel , la règle étant que l’incarcération d’un prévenu  même encas de flagrance doit  être ordonnée par un juge du siège. En pratique et en général , la règle est que le dossier  de la personne soupçonnée  d’avoir commis une infraction établi sur  enquête  préliminaire par la police judiciaire  est transmis  au  procureur de la République , et il appartient à ce dernier soit de classer ce dossier sans suite , soit de renvoyer le prévenu devant le tribunal par citation qui  lui  sera notifiée par la  voie  légale et comparaitre libre devant le tribunal  qui décidera alors de sa relaxe ou de sa condamnation  avec ou sans mandat de dépôt à l’audience .Pour certaines affaires d’une certaines gravité , le  procureur de la République ,une fois en possession du dossier transmis par la police judiciaire peut décider , hors des cas de  flagrant délit , de faire  comparaitre le prévenu devant lui  puis   décidera ici aussi , soit de le laisser lire s’il  présente des garanties suffisantes de représentation  avec renvoi de son dossier devant le tribunal à une audience qui lui sera ultérieurement notifiée  , soit d’appliquer la  deuxième  procédure de saisie immédiate du tribunal à savoir  la comparution immédiate  telle que prévue aux artives 477 et suivants du nouveau code de procédure civile.

La saisine immédiate du tribunal par comparution immédiate du prévenu existait déjà dans l’ancien code  de procédure pénale , et a été instituée par l’ordonnance    n° 15-02 du  23 juillet 2015  modifiant et complétant le code de procédure pénale   (article  339 bis et suivants ).Elle était appliquée en cas de flagrant délit  et dans le cas ou  l’individu arrêté   ne présente pas de garanties suffisantes de représentation devant la justice. La procédure de comparution immédiate consiste à déférer  le prévenu devant le  procureur de la République  accompagné ou non de son avocat, et après son audition sur son identité et les faits qui lui sont reprochés  et leur qualification légale , l’informera qu’il va immédiatement  comparaitre devant  le tribunal.  La nouveauté  introduite par le nouveau code de procédure pénale en cette matière est que le défèrement d’un prévenu en comparution immédiate n’est pas conditionné par  la commission  d’un délit  flagrant mais le procureur de la République    peut y recourir même s’agissant d’une procédure d’enquête préliminaire. Le nouveau code  de procédure pénale élargit ainsi le spectre  de défèrement des prévenus devant le tribunal   par saisine immédiate.

 L’autre innovation introduite par le nouveau  code de procédure pénale  et qui était très attendue par les gestionnaires des entreprises publiques économiques publiques  est  la dépénalisation de l’acte de  gestion, ce qui on s’en doute  lèvera ce qui était qualifiée de «  paralysie de la décision »  qui freinait l’initiative et l’efficacité des entreprises publiques économiques   du fait que  les dirigeants d’entreprises vivaient sous la menace  constante de poursuites pénales  souvent sur la base de simples plaintes anonymes    pour des actes ou décisions prises de bonne foi  mais ayant occasionnés des pertes financière à l’entreprise .    .Dorénavant  et en application de l’article 8 du nouveau  code de procédure pénale :« L’action publique ne peut être mise en mouvement à l’encontre des gestionnaires des entreprises publiques économiques de l’Etat qui détient la totalité des capitaux ou à capitaux mixtes, pour des actes de gestion ayant entraîné le vol, la dilapidation, le détournement, la détérioration ou la perte des deniers publics ou privés, que sur plainte préalable des organes sociaux de l’entreprise prévus par le code de commerce et la législation en vigueur « .En l’absence donc d’une plainte des organes sociaux  c’est à dire  les instances ayant le pouvoir  d’administrer ou  de gérer l’entreprise ( assemblée générale , conseil d’administration , directoire ,  PDG, Gérants…), le gestionnaire d’un  entreprise économique publique ne peut être poursuivi.

L’article 8 du nouveau code de procédure pénale parle d’«  d’entreprises publiques économiques » ,   c’est à dire  les société commerciales détenues  majoritairement par l’Etat ou une personne morande de droit public et qui exercent  une activité  lucrative ou économique  qui  vise la rentabilité  financière  et  qui est régie par le code du commerce .Il s’agit principalement des  sociétés par actions ( SPA) , des sociétés d’économie mixte ( SEM)   et  des établissement  publics à caractère industriel et commercial  nationaux ou locaux ( EPIC) , ce qui exclut du champ de son application les établissements publics à caractère administratif   qui assure une mission d’intérêt général  de nature administrative sans but lucratif.  

Il est à signaler qu’à contre -courant de la légitime revendication  de la dépénalisation de l’acte de gestion  soutenue  aussi bien par les acteurs économiques  et les  gestionnaires  publics  que par les experts  des questions économiques favorables à la libéralisation des  initiatives , le même groupe de 45 députés   auteurs de la saisine de la Cour constitutionnelle  a  étrangement   demandé  à ce que cet article 8 soit déclaré non confirme à la Constitution au motif que  la plainte préalable  exigée pour la poursuite des infractions de gestion pourrait instaurer une discrimination injustifiée dans la dénonciation de certaines infractions par rapport à d’autres, et restreindre la liberté du ministère public d’exercer des poursuites judiciaires au nom de la société, ce que la  Cour constitutionnel a évidemment  rejeté   en déclarant cet article conforme à la Constitution. Pour la Cour constitutionnelle  ,  l’article 8 objet de sa saisine  qui  exige une plainte préalable  avant toute poursuite pénale du gestionnaire d’une entreprises publiques économique ne contient rien qui puisse suggérer une dissimulation de la poursuite ou une entrave à la mise en mouvement de l’action publique au nom de la société par le ministère public, dès lors que la poursuite est subordonnée à une plainte préalable émanant des organes sociaux de l’entreprise  lesquels, en leur qualité de membres dans l’entreprise et de participants à la gestion, sont en mesure de juger si les erreurs de gestion atteignent le seuil de la criminalité et ce alors que  la non dénonciation des faits à caractère pénal portés à la connaissance des organes sociaux de l’entreprise ou découverts par eux dans le cadre ou à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions  est passibles  en vertu de l’alinéa 2 du même article  de poursuites pénales  ce qui écarte ainsi tout soupçon d’inconstitutionnalité de la procédure .

L’autre reforme majeure  est l’introduction et la généralisation de la numérisation des procédures pénales  qui visent  à adapter le système judiciaire algérien aux standards internationaux, renforcer la protection des droits et libertés, et améliorer l'efficacité et la transparence de la justice. Aujourd’hui l’emploi des technologies numériques  dans l’administration de la justice algérienne est de plus en plus répandu. Ainsi ont été initiées  la conception de sites WEB à travers  toutes les cours d'appels , l'implantation de réseaux locaux sur les sites des juridictions et leur interconnexion avec les juridictions et institutions du ministère de la justice,  l'implantation d'un guichet électronique au niveau de chaque juridiction  relié aux différents services à l'administration centrale   qui permet d'obtenir une information en temps réel sur le cours des affaires , la possibilité de formaliser une plainte destinée aux parquets par internet, la visioconférence dans les juridictions pénales, la délivrance des casiers judicaires et des certificats de nationalité en ligne , la consultation libre en ligne de la jurisprudences  de la Cour suprême, du Conseil d’Etat   et de l’ensemble des journaux officiels publiés depuis  l’indépendance.

Toutefois  il subsiste des insuffisances au niveau des infrastructures nécessaires au déploiement des techniques de l’information et de la communication  qui freinent la bonne application des procédures dématérialisées prévus par le nouveau code de procédure pénales et les autres textes de lois y dédiés. Le nouveau code  de procédure pénale prévoit la possibilité de recourir  à la voie électronique  pour  les   convocations ,  avis , notifications  et citations à comparaitre devant les juridictions  d’instruction et de jugements   si l’intéressé y  consent   ( articles 308 ,  609  et 619 ) . L’article 619  du même code  dispose  que cette voie électronique  appliquée en matière de citation à comparaitre et de notification effectué  par le ministre public    doit  garantir entre autres l’accusé électronique de réception  émanant du destinataire qui indique la date et l’heure de celle-ci  et la conservation  des données permettant de déterminer avec certitude la date d’envoi et celle de la réception par le destinataire . Mais à défaut d’une plateforme dédiée à cette voie de communication électronique , sa mise en application n’est pas encore effective et ce alors que la  certaines juridictions notamment d’instruction avaient  l’habitude  même sous l’ancien code de procédure pénale  de notifier certains actes via le service des messages courts (SMS)  alors que cette voir de communication   n’offre aucune garantie quant à la réception effective de l’acte  par son destinataire. Le nouveau  code de procédure pénale  autorise en son article 175 alinéa 5  le juge d’instruction à adresser à l’inculpé  des convocations et  des notifications à son adresse électronique ou à son numéro de téléphone portable à condition qu’il y consente expressément  , mais là  encore  l’envoi doit être sécurisé et garantir l’accusé de réception  par  l’inculpé sinon  en cas de contestation  sur la  réception  effective de l’acte en cause  par le prévenu  ,cet acte   peur encourir  la nullité.

Ces dispositions qui prévoient la  possibilité de recourir, d’une manière facultative, aux convocations, notifications et avis par voie électronique ont été eux aussi  l’objet  de la saisine de la Cour constitutionnelle par le même groupe parlementaire  qui a demandé à ce qu’ils soient déclarées non conformes à la Constitution  au motif d’atteinte aux garanties prévues aux articles 40, 41 et 51 de la Constitution, à savoir le droit à la défense, le principe de non-discrimination et le droit à l’information . La Cour constitutionnelle  a rejeté cette demande et   a déclaré ces articles conforme à la Constitution   car ne portant  pas   atteinte principe du procès équitable  du moment qu’il  s’agit  simplement de  substituer une procédure traditionnelle par une procédure électronique  en droite ligne avec  le rôle positif  du  pouvoir judiciaire dans l’amélioration de ses services  , et qu’en outre  le recours aux convocations, notifications et avis électroniques en matière pénale s’inscrit dans le cadre de la transformation numérique initiée par l’Etat dans le cadre du programme de modernisation de la justice et d’amélioration des services judiciaires  qui vise à renforcer la protection des droits et libertés en accélérant les procédures judiciaires, en réduisant les délais de règlement des litiges, et en économisant temps, efforts et argent .

  

Malgré les importants progrès réalisés en  matière d’utilisation des technologies de l’information et de la communication dans le secteur de la justice ,il n’en demeure pas moins que des insuffisances subsistent  notamment  en ce qui concerne la digitalisation de certaines  procédures  aussi bien en  matière pénale qu’en matière civile sachant qu’une  digitalisation  fiable des procédures  doit reposer sur des plateformes sécurisées et de  réseaux privés virtuels qui permettent aux avocats d’échanger électroniquement des documents, d’adresser ou de recevoir des actes de procédure, et d’interagir avec les greffes des juridictions. Seul  un tel dispositif  qui repose sur des plateformes d’échanges   sécurisés qui n’est pas encore opérationnel  en Algérie et qui est toujours en projet  permet la transmission des actes de procédure (actes , requêtes, conclusions, mémoires, pièces)  avec une signature électronique assurant l’authenticité et la sécurité juridique. C’est ce dispositif   qui permet  d’envoyer électroniquement les    notifications, convocations et informations  tout en garantissant  que les destinataires  ont accusé  réception par un retour électronique ce qui est pas  pour les transmissions  via les SMS.

Maitre BRAHIMI Mohammed

Avocat à la cour de Bouira

brahimimohamed54@gmail.com

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