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Arrêts de principe rendus par la Cour suprême au cours de l'année 2021

mohamed brahimi Par Le 31/12/2022

Image cour supreme

La Cour suprême vient de publier le numéro 02 de l’année 2021  de sa revue «  La revue de la Cour suprême ». Celle-ci contient de très intéressants arrêts   prononcés durant l’année 2021 dont certains ont mis un terme à la confusion qui régnait à propos de certaines matières. Nous passerons en revue les arrêts les plus pertinents.

1 -ARRETS DE LA CHAMBRE FONCIERE

> Litiges portant sur l’immatriculation des immeubles au livre foncier

En matière de litiges consécutifs à  l’immatriculation d’un   immeuble ou d’un droit immobilier au livre foncier, la loi distingue entre l’immatriculation (ou l’inscription) définitive et l’immatriculation provisoire. Si l’immatriculation de  l’immeuble est définitive ce qui implique la remise au propriétaire du livret foncier portant cette mention, l’annulation ou la modification de cette immatriculation définitive (ou du livret foncier) sera de la compétence du tribunal  administratif. Par contre si cette immatriculation n’est que provisoire, La juridiction compétente pour annuler ou  modifier cette immatriculation est  le tribunal de droit commun en l’occurrence la section foncière du tribunal du lieu de situation de l’immeuble. En outre le tribunal ne peut être saisi de cette dernière action que si la contestation sur la propriété de l’immeuble objet de la demande d’immatriculation  ait été portée préalablement devant le conservateur foncier par voie d’opposition à cette immatriculation.

 

 

Cette procédure d’opposition à l’immatriculation ou à l’inscription d’un immeuble devant le conservateur foncier est prévue par l’article 15 du décret n° 76-63 du 25 mars 1976 relatif à l’institution du livre foncier. Elle consiste pour celui qui conteste la propriété de l’immeuble objet de la demande d’immatriculation à faire opposition à cette immatriculation devant le conservateur foncier. Une fois saisi de cette opposition, le conservateur procède à une tentative de conciliation entre les  parties .Si cette tentative de conciliation échoue, le conservateur dresse un procès-verbal de non conciliation. Une fois en possession du procès-verbal de non conciliation, la partie qui a contesté l’immatriculation peut alors saisir de son opposition la section foncière du tribunal et demander au tribunal de lui reconnaitre la propriété de l’immeuble objet de l’immatriculation contestée et par conséquent annuler cette immatriculation. De son coté, l’autre partie destinataire elle aussi d’une copie du procès-verbal de non conciliation peut saisir le tribunal à l’effet de lever l’opposition. 

En application des dispositions de  l’article 15 du décret n° 76-63 du 25 mars 1976, certaines juridictions considéraient  que la procédure de conciliation préalable devant le conservateur est d’ordre public et par conséquent  si l’action devant le tribunal est introduite sans que le  procès-verbal de non conciliation n’ait été versé au dossier, cette action est déclarée irrecevable d’office. Le problème est que très souvent les oppositions présentées devant les conservateurs fonciers ne sont pas examinées ou restent en suspend ce qui pousse les intéressés à porter le litige directement devant le tribunal  sans présenter le  procès-verbal de non conciliation établi par le conservateur foncier.Bien que ces justiciables excipent devant le tribunal de la preuve qu’ils ont saisi le conservateur foncier d’une opposition mais en vain, les tribunaux et même les cours d’appel déclarent  leurs actions irrecevables.

Il est évident que cette jurisprudence unanime des juridictions inferieures est préjudiciable aux justiciables qui pour certains se voient spoliés de leurs   immeubles  par des personnes de mauvaise foi qui profitent des erreurs commises par les agents du cadastre lors des opérations cadastrales pour s’approprier les biens d’autrui. Cette jurisprudence est d’autant plus critiquable que la faute originelle incombe non pas au justiciable mais au conservateur qui néglige de statuer sur les oppositions qui lui sont présentées. Aussi la Cour suprême dans un arrêt en date du 16 septembre 2021 dossier n° 1324283 a mis un  terme à cette fâcheuse jurisprudence  en jugeant que la non  présentation du  procès-verbal de non conciliation établi par le conservateur foncier ne constitue  pas un obstacle à la recevabilité de l’action en justice du moment que le demandeur a présenté au juge la preuve qu’il avait préalablement à cette action présenté son opposition à l’inscription provisoire de l’immeuble litigieux devant le conservateur foncier qui ne l’a pas examiné. Elle a jugé que du moment que le demandeur n’est pas responsable de la non remise du procès-verbal de non conciliation et que c‘est le conservateur foncier  qui est fautif en ne répondant pas dans un délai raisonnable à l’opposition dont il a été saisi.

Cet arrêt de la Cour suprême  on l’aura compris est d’une importance cruciale et met un terme à la jurisprudence des juridictions inferieures qui a causé d’énormes préjudices  aux justiciables. Cette jurisprudence erronée des juges du fond  a eu aussi pour conséquence la transformation de l’inscription provisoire en inscription définitive du moment que d’une part la partie adverse qui s’est peut-être indument accaparée  l’immeuble litigieux peut se prévaloir du jugement rendu en sa faveur et d’autre part le délai de deux ans fixé par la loi pour que cette transformation  soit acquise de droit a dû expirer.

En pratique, la personne qui désire faire opposition devant le conservateur foncier pour contester l’inscription provisoire au fichier foncier de l’immeuble litigieux doit procéder comme suit : Au préalable il faudrait s’assurer que l’immeuble n’a fait l’objet que d’une inscription provisoire et non pas d’une inscription définitive. La nature de l’inscription (provisoire ou définitive) est mentionnée sur la fiche immobilière qui est délivrée par la conservation foncière à toute personne qui le demande .Si l’inscription est définitive, il n’ya pas lieu à saisine du conservateur foncier pour le dépôt de l’opposition car dans cette hypothèse  il y a lieu à saisine directe du tribunal administratif qui est seul compétent pour annuler ou modifier cette inscription. Par contre s’il s’agit d’une inscription provisoire, une requête contenant opposition à cette inscription accompagnée des pièces justificatives doit être adressée au conservateur foncier du lieu de situation de l’immeuble. Pour conserver la preuve de cette opposition, la requête  doit être adressée par lettre recommandé avec accusé de réception ou mieux encore par voie d’huissier de justice.

Le conservateur foncier doit en  application de l’article 15 du décret n° 76-63 du 25 mars 1976 relatif à l’institution du livre foncière répondre à cette requête en procédant à une tentative de conciliation. Si le conservateur ne répond pas à cette requête ni par un refus ni par une acceptation, il est évident que la personne ayant formé opposition ne doit pas rester indéfiniment dans l’attente d’une réponse. Dans cette situation et  suivant la nouvelle jurisprudence de  l’arrêt du 16 septembre 2021 , la personne concernée peut directement saisir la section foncière du tribunal sans qu’on puisse lui opposer l’irrecevabilité de son action. La question qui reste en suspend est le délai  que doit attendre la partie qui a formé opposition ou celle contre laquelle cette opposition a été formée pour saisir le tribunal sachant qu’en tout état de cause , l’opposition ne peut  pas être  immédiatement examinée par le conservateur foncier et qu’il faudrait un peu de temps à ce dernier  pour effectuer cet examen. La loi est muette sur cette question. Il faudrait dans ce cas mettre en œuvre les dispositions  de l’article 830 du code de procédure civile et administrative. Si après l’expiration d’un délai de 2 mois à compter de la date de notification de l’opposition au conservateur foncier , ce dernier  n’a pas notifié  sa décision  au réclamant, ce silence sera considéré comme un refus tacite de statuer sur l’opposition et par conséquent l’intéressé pourra saisir le tribunal une fois ce délai expiré.

> Conditions d’exercice du droit de chefâa (préemption)

 La chefâa (préemption) est la faculté de se substituer dans une vente immobilière à l’acheteur si certaines conditions prévues par l’article 795 du code civil sont réunies. En vertu de cet article  le droit de cheffa appartient :

- au nu-propriétaire dans le cas de vente de tout ou partie de l’usufruit correspondant à la nue-propriété.

- au copropriétaire à l’indivis en cas de vente d’une partie de l’immeuble indivis à un tiers.

- à l’usufruitier en cas de vente de tout ou partie de la nue-propriété correspondant à son usufruit.

Dans son arrêt en date du 16 septembre 2021 dossier n° 1335252 , la Cour suprême s’est prononcée sur un point que la loi n’a pas spécifiquement prévu. L’article 795 alinéa 2 du code civil reconnait le droit de chefâa  au copropriétaire à l’indivis en cas de vente  d’une partie de l’immeuble indivis à un tiers. La loi  n’a pas précisé le moment où la personne acquiert la qualité de copropriétaire à l’indivis pour l’exercice du droit de préemption  .Dans l’affaire soumise à la censure de la Cour suprême, il s’agissait d’un copropriétaire à l’indivis  qui a voulu exercer son droit de chefâa  à l’encontre d’une personne qui est devenue ultérieurement à l’acte de vente  elle-même copropriétaire à l’indivis sur le même immeuble par voie d’acquisition d’une part de cet  immeuble par voie d’adjudication. La question soulevée était de savoir si cette personne est devenu copropriétaire à l’indivis ou demeure-t-elle un tiers vis à vis des autres  copropriétaires à l’indivis  et par conséquent le droit de  chefâa prévu à l’article 795 alinéa 2 lui est opposable. Les juges du fond devaient se prononcer sur  cette question et dire si  la personne qui a acquis  ultérieurement à l’acte de vente une portion de l’immeuble indivis par voie d’adjudication est-il devenu copropriétaire et par conséquent les autres copropriétaires ne pouvaient pas exercer à son encontre le droit de chefaa ou en contraire demeure t-il un tiers et par conséquent les  autres copropriétaires à l’indivis peuvent exercer leur droit de chefaa.   

Si le tribunal a opté pour la deuxième solution en statuer en faveur du droit de chefâa  au motif que la personne qui a  acquis ultérieurement à l’acte de vente  un partie de  l’immeuble indivis par adjudication est un tiers et n’a pas acquis la qualité de copropriétaire indivis  , la cour d’appel de Saida a annulé ce jugement et débouté le demandeur initial au motif que la personne qui a acquis une partie de l’immeuble indivis est devenu copropriétaire et par conséquent le droit de chefâa ne peut être exercé à son encontre.

La Cour suprême dans l’arrêt visé a censuré la décision de la cour de Saida en jugeant qu’au vu des faits et des pièces du dossier , l’acquéreur de la part de l’immeuble indivis par voie d’adjudication n’était  pas à la date  de la vente contestée  par voie de chefâa copropriétaire à l’indivis mais était un tiers au sens de l’article 795 alinéa 2  du code civil .Pour la Cour suprême , il fallait donc avant de fixer la qualité de la personne qui a acquis une portion de l’immeuble indivis , est-il devenu copropriétaire indivis ou  reste t-il un tiers vis à vis des  autres copropriétaires indivis   , fixer la date de la vente objet de la chefâa .C’est à la date où a été passé l’acte de vente ou d’acquisition de la portion  de l’immeuble indivis que le juge doit se placer pour statuer sur la recevabilité du droit de chefâa . Si ce droit a été exercé avant cette date , l’action est recevable et fondée sinon le demandeur est débouté. Dans le ca d’espèce, La vente d’une partie de l’immeuble indivis est intervenue le 11 octobre 2016 alors que l’acquisition de la même portion par voie d’adjudication est intervenue beaucoup plus tard le 28 mai 2017,  le nouvel acquéreur était donc un tiers à l’acte de vente et peut donc se voir opposer le droit de chefâa  .Le principe posé par la Cour suprême en matière d’exercice du droit de chefâa dans le cas prévu par l’article 795 alinéa 2 du code civil est donc le suivant : la qualité de copropriétaire indivis doit exister à la date de la conclusion de l’acte de vente .   

> Partage judiciaire de la chose commune : La distribution des lots est de la seule compétence du juge et non de l’expert

Soit par paresse soit par méconnaissance de la loi , certaines juridictions persistent à confier aux experts la mission de procéder à la distribution des lots entre les co-indivisaires sans en courir au juge. Dans son arrêt en date du  16 septembre 2021 dossier n° 1314951 la Cour suprême a réitéré sa jurisprudence antérieure selon laquelle, si dans l’action en partage de la chose commune , il revient à l’expert désigné par le juge de procéder au partage par lots de la chose commune  en prenant comme base la quote-part la plus petite, c’est par contre au juge qu’il appartient de distribuer les lots par voie de tirage au sort et en dressera procès-verbal  avant de rendre son jugement attribuant à chaque co-indivisaire sa part divise , le tout en application des articles 724,726 et 727 du code civil.

Dans le cas d’espèce , la Cour de Ain Defla a par un arrêt en date du 12 novembre 2017 statué sur une demande de partage d’un immeuble indivis en homologuant et le projet de partage proposé par l’expert désigné et la distribution  des lots  effectuée par ce dernier .La Cour suprême  a censuré et cassé cet arrêt au motif que la distribution des lots entre les co-indivisaires est de la seule compétence du juge qui procède à cette distribution par voie de tirage au sort.

Dans le même arrêt la Cour suprême  a eu à se proncer sur la règle de l’article 352 du code de procédure civile et administrative selon lequel  les jugements et arrêts frappés de pourvoi en cassation ne peuvent faire concomitamment l’objet d’un recours en rétractation prévu par l’article 390 et suivants du code de procédure civile et administrative. Dans le cas d’espèce le défendeur au pourvoi soutient que le pourvoi en cassation introduit devant la Cour suprême est irrecevable au motif que le demandeur au pourvoi a déjà formé un recours en rétractation  contre le même arrêt de la cour. La Cour suprême a rejeté ce moyen au motif que si un même arrêt fait l’objet  en même temps d’un recours en rétractation et d’un pourvoi en cassation , le recours qui sera déclaré irrecevable en vertu de  l’article 352 du code de procédure civile et administrative est le recours en rétractation et non pas le pourvoi en cassation.

L’article 352 du code de procédure civile et administrative dans sa version actuelle et son interprétation  par la Cour suprême dans son arrêt posent  problème , car dire que le pourvoi en cassation entraine  d’office l’irrecevabilité du recours en rétractation peut avoir pour conséquence de priver le justiciable d’une voie de recours que lui garanti la loi. Les 18 moyens sur lesquels doit être fondé le pourvoi en cassation n’ayant  pas mentionné  le moyen  tiré du faux , la partie qui découvre  concomitamment  à son pourvoi en cassation que le jugement ou l’arrêt a été rendu  sur un faux  verra son recours en rétractation introduit en vertu de l’article  390 et suivants du code de procédure civile et administrative rejeté au seul motif qu’il a formé un pourvoi en casssation.cette règle est en fin de compte une prime  au faux et à la mauvaise foi du justiciable qui a eu recours aux moyens frauduleux pour gagner son procès.

 

                                                                2- ARRETS DE LA CHAMBRECOMMERCIALE                                                                                                                                                                                                                                                                                                                               

> Litige en cas de non remboursement dans les délais de l’emprunt obligataire émis par l’Etat

Pour financer la croissance économique, l’Etat a souvent recours à l’emprunt obligataire. Ainsi et en vertu de l’article 4 de loi de finances pour 1983 le ministre  des finances a été autorisé à procéder entre autres à des opérations d’emprunts de l’Etat sous forme  de découverts, prêts et avances, d’émissions de titres à courts,moyens et longs termes, pour couvrir l’ensemble des charges de trésorerie et notamment des charges découlant de l’amortissement de la dette publique. En application de cette disposition législative, le ministre des finances a pris un arrêté daté du 28 mars 2016 fixant les conditions et modalités d’émission par le trésor public d’un emprunt obligataire. Ces obligations  émises sous forme nominative ou au porteur  pour une durée 3 ou 5 ans et portant un taux annuel de 5% ou 5,75% sont remboursables à l’échéance comme elles peuvent être remboursables par anticipation.

Dans un arrêt rendu le 11 novembre 2021 dossier n° 1487701  ,la  Cour suprême a été saisi d’un contentieux relatif aux modalités  de remboursement des obligations souscrites  par une personne physique. Dans le cas d’espèce , le souscripteur qui s’est vu refuser le remboursement des obligations a assigné  devant le tribunal de Constantine  la Banque nationale d’Algérie en sa qualité d’organisme de placement à l’effet de se faire rembourser le montant de la souscription ainsi que la réparation du prejudice.Si le tribunal  a rendu une décision en faveur du souscripteur , la cour de Constantine sur appel a annulé ce jugement et débouté le  souscripteur  au motif que la BNA n’a pas qualité dans le procès engagé. Sur pourvoi en cassation contre cet arrêt de la cour de Constantine introduit par le souscripteur, la Cour suprême a rendu l’arrêt susmentionné qui a rejeté ce pourvoi et confirma l’arrêt de la cour de Constantine.

Pour justifier sa décision de rejet du pourvoi en cassation contre l’arrêt de la cour de Constantine qui a débouté le souscripteur de ses demandes de remboursement du montant de la souscription et de  la réparation du préjudice au motif que la BNA , la Cour suprême a jugé que si les obligations sont  émises par le trésor public et les souscriptions peuvent être reçues par les organismes financiers dont la  BNA et ce en applicayon de l’article 4 de l’arrêté du 28 mars 2016 , c’est le trésor public qui est seul responsable en cas de retard dans le remboursement alors que les organismes financiers ne sont que des intermédiaires entre les souscripteurs et le trésor public.

En vertu de cette jurisprudence , toute action en justice consécutive au retard ou au refus de remboursement des obligations souscrites doit être dirigée contre le trésor public et non pas contre l’organisme financier qui a reçu les souscriptions. Cette jurisprudence de la Cour suprême aura des répercutions sur la juridiction compétente. L’action doit être portée  non pas devant le tribunal commercial ou civil , mais devant le tribunal administratif du moment que le trésor public est un organisme de droit public dont le contentieux  relève de la juridiction administrative en vertu de l’article 800 du code de procédure civile et administrative.

> Agent immobilier : Obligation d’établir un mandat qui lie l'agent immobilier au client

Dan un arrêt en date du 14 octobre 2021 dossier n° 1468205  , la Cour suprême a eu à traiter un litige en rapport avec les droits et obligations de l’agent immobilier , notamment en matière de rémunération de la prestation fournie par ce dernier à ses clients. La Cour suprême a jugé que si l’agent immobilier a droit à une rémunération en contrepartie de la prestation qu’il a fournie à son client c’est à la condition  que cette rémunération ait été préalablement fixée dans un mandat établi par écrit et ce en application de l’article 35 du décret exécutif n° 09-18 du 20 janvier 2009 la réglementation relative à l’exercice de la profession d’agent immobilier.

Dans le cas d’espèce , l’agent immobilier a réalisé  au profit de son  client une    location d’un immeuble  sans qu’un  mandat  écrit n’ait été préalablement établi entre cet agent et son client. Suite au refus du client de verser à son agent la rémunération prévue par l’article 34 du décret exécutif du 20 janvier 2009 c’est à dire l’équivalent  d’un mois de location par année de location , l’agent  immobilier l’assigna devant le tribunal de Cheraga à l’effet de le voir condamner au règlement de cette  rémunération. Le tribunal fait droit à cette demande et sur appel la cour de Tipaza confirma ce jugement au motif que du moment  que l’agent immobilier a fourni sa prestation, le client était tenu de lui verser sa rémunération.

Le client saisit la Cour suprême qui statua sur ce recours par l’arrêt du 14 octobre 2021 objet de ce commentaire. La Cour suprême  casse et annule l’arrêt de la cour de Tipaza au visa des articles 34-2 et 35 du décret  exécutif n° 09-18 du 20 janvier 2009  et  ce au motif qu’en l’absence d’un mandat écrit qui définit clairement les droits et obligations de l’agent immobilier et de son client , l’agent immobilier n’est pas en droit de revendiquer le paiement de sa prestation. 

       

3- ARRETS DE LA CHAMBRE SOCIALE

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                               

> Licenciement pour absence injustifiée

En matière de relations de travail, l’absence injustifiée du travailleur peut entrainer son licenciement, l’absence sans motif légitime étant assimilée  en droit à un abandon de poste. Mais l’absence n’est considérée comme faute grave justifiant le licenciement du travailleur que sous certaines conditions. La loi, notamment la loi n° 91-29 du 21 décembre 1991 modifiant et complétant la loi n° 90-11 du du 21 avril 1990  relative  aux relations de travail, si elle a listé  certains actes considérés comme constituant des  fautes graves entraînant le licenciement disciplinaire ( refus d’exécuter les instructions de l’employeur ,divulgation de secret professionnels , participation à une grève illégale, commission d’actes de violence ou de destruction au sein de l’organisme employeur, consommation d’alcool ou de drogue) , elle n’a pas par contre nommément mentionné l’absence injustifiée. C’est la jurisprudence qui a précisé les contours de cette notion d’ « absence injustifiée »constitutive d’une faute grave entrainant le licenciement.

Le récent arrêt de la Cour suprême daté du 2 décembre 2021, dossier n° 1516214 vient consolider la jurisprudence antérieure  de cette haute juridiction sur la question. Déjà dans un ancien arrêt en date du 2 février 2012 dossier n° 635652 (  Revue de la Cour suprême, année 2012, n° 2 ,p.420) la Cour suprême a posé un principe général  selon lequel l’organisme employeur qui emploie 20 travailleurs ou plus doit d’abord en application de l’article 75 de la loi 90-11 du 21 avril 1990 élaborer un règlement intérieur dans lequel doivent être  fixées les règles de l’organisation du travail , l’hygiène , le sécurité et la discipline , et ensuite  fixer la qualification des fautes professionnelles , les degrés de sanctions y efferentes  et les procédures de mise en œuvres. En l’absence du règlement intérieur, l’employeur n’est pas en droit suivant l’arrêt mentionné de licencier le travailleur au motif d’absence injustifié et ce quant bien même  il est prouvé que des mises en demeure pour rejoindre le poste lui ont  été envoyées en vain.  

Le récent arrêt de la Cour suprême du 2 décembre 2021 vient renforcer cette jurisprudence en jugeant que le tribunal de Relizane a en violation de la loi considéré l’absence du travailleur non constitutive de faute grave entrainant le licenciement au motif que l’employeur ne lui a pas envoyé deux misse en demeure au moins et ce sans en référer au règlement intérieur  de l’organisme employeur. En application de cette jurisprudence, pour connaitre  le nombre de mises en demeure que l’employeur doit envoyer au travailleur à l’effet de reprendre son poste de travail avant de décider de son licenciement pour absence injustifiée et abandon de poste , il ya lieu de se référer aux dispositions du règlement intérieur relatif à cette question. Mais si l’organisme employeur emploie moins de 20 travailleurs et qui par conséquent n’est pas obligé  d’élaborer un règlement intérieur, il suffit d’une seule mise en demeure   restée infructueuse pour ouvrir droit  au licenciement disciplinaire pour abandon de poste.

L’arrêt de la Cour suprême du 2 décembre 2021 a posé un deuxième principe selon lequel l’employeur ( l'employeur ayant éléboré un règlement interieur ou étant dispensé de cette formalité ) est seulement tenu de prouver l’envoi de la mise en demeure au travailleur absent sans être tenu de prouver que ce dernier a effectivement reçu cette mise en demeure. Le jugement du tribunal de Relizane a été cassé et annulé au motif qu’il a annulé la décision de licenciement et ordonné la réintégration du travailleur licencié au motif que l’employeur n’a pas versé au dossier la preuve que le travailleur a bien reçu  les mises en demeure qui lui ont été envoyées.

Dans le mémé  arrêt , la Cour suprême et sur un moyen tiré d’office a jugé que dans le cas où la juridiction annule la décision de licenciement du travailleur et ordonne sa réintégration dans son poste de travail , elle doit de mentionner avec précision dans le dispositif de son jugement les privilèges ou avantages  auxquels le travailleur réintégré a droit et dont il était bénéficiaire durant la relation de travail ( droit au logement de fonction , droit à un véhicule de service ,droit à un téléphone …) .Dans le jugement censuré , le juge a ordonné la réintégration du travailleur avec la conservation de  tous ses droits acquis sans préciser la nature de ces droits ce qui pour la Cour suprême constitue une mauvaise application de la loi.

Maitre BRAHIMI Mohamed

Avocat à la cour de Bouira

brahimimohamed54@gmail.com