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Nouvelles décisions de la Cour constitutionnelle en matière de relations de travail:licenciement d'un travailleur

mohamed brahimi Par Le 23/06/2022

Conseil constitutionnel image

23 nouvelles décisions de la Cour constitutionnelle statuant sur une exception d’inconstitutionnalité de l’article 73-4  de la loi n° 90-11 du 21 avril 1990 modifiée et complétée relative aux relations de travail viennent d’être publiées au journal offociel n° 34 du 19 mai 2022.Il s’agit des décisions portant les n° 01/D.CC/EI/22 du 26 janvier 2022 au n° 23 /D.CC/EI/22 datées 26 janvier 2022.Dans ces 23 décisions ,la Cour constitutionnelle a eu à vérifier la conformité à la Constitution de cette disposition législative qui dispose :

« Si le licenciement d’un travailleur survient en violation des procédures légales et/ou conventionnelles obligatoires, le tribunal saisi, qui statue en premier et dernier ressort, annule la décision de licenciement pour non-respect des procédures, impose à l’employeur d’accomplir la procédure prévue, et accorde au travailleur, à la charge de l’employeur, une compensation pécuniaire qui ne saurait être inférieure au salaire perçu par le travailleur comme s’il avait continué à travailler.Si le licenciement d’un travailleur survient en violation des dispositions de l’article 73 ci-dessus, il est présumé abusif.

Le tribunal saisi, statue en premier et dernier ressort, et se prononce soit sur la réintégration du travailleur dans l’entreprise avec maintien de ses avantages acquis soit, en cas de refus par l’une ou l’autre des parties, sur l’octroi au travailleur d’une compensation pécuniaire qui ne peut être inférieure à six (6) mois de salaire, sans préjudice des dommages et intérêts éventuels.

 Le jugement rendu en la matière est susceptible de pourvoi en cassation ».

 

Cet article 73-4 de la loi n° 90-11 du 21 avril 1990 modifiée et complétée relative aux relations de travail qui ferme la voie de l’appel aux jugements rendus par les tribunaux dans les actions tendant à l’annulation d’une décision de licenciement du travailleur a toujours été critiqué aussi bien par les employeurs que par les travailleurs.Les premiers lorsque le jugement annule la décision de licenciement et les condamnent à réintégrer ou a indemniser le travailleur licencié, les seconds si le jugement les déboute de leurs actions en annulation de la décision de licenciement.

Il est toujours difficile pour un justiciable de se voir interdire d’user de la voie de l’appel contre un jugement rendu en sa défaveur que ce soit pour le travailleur qui  voit son licenciement confirmé par le juge ou par l’emplouer qui se voit condamner à réintégrer le travailleur qu’il a licencié ou à  lui verser  une forte indemnisation financière.

La loi du 21 avril 1990 si elle a interdit l’appel contre ces jugements,elle a par contre ouvert la voie du pourvoi en cassation devant la Cour suprême,mais sachant que cette haute juridiction ne statuera sur ce recours qui n’est pas suspensif que dans un délai qui dépasse souvent une année, la décision de la Cour suprême  quant bien même elle est favorable ne réparera le préjudice subi par l’exécution de la première décision que partiellement.

Les critiques émises aussi bien par les avocats que par les simples justiciables à l’encontre de la règle de l’interdiction de la voie d’appel contre les jugement du tribunal  statuant sur le licenciement du travailler édictée par l’article 73-4 sont d’autant plus justifiées que très souvent,les recours en annulation contre les  décisions de licenciement sont portés devant la section sociale du tribunal qui souvent  sont  jugés par des magistrats fraichement installés ou n’ayant pas une grande expérience ce qui on s’en doute se répercute sur la qualité des jugements rendus.   

Aussi c’est sans surprise que plusieurs exceptions d’inconstitutionnalité de l’article 73-4  ont été soulevées au cours des procédures  mettant en cause des décisions de licenciement ce qui explique le nombre de 23 recours.Au soutien de leurs demandes de déclarer inconstitutionnel l’article 73-4 de la loi relative aux relations de travail, les demandeurs soulignent devant la Cour constitutionnelle que cette disposition législative est d’une part contraire aux dispositions de l’article 37 de la Constitution qui stipule que : « les citoyens sont égaux devant la loi et ont droit à une égale protection de celle-ci, sans que puisse prévaloir aucune discrimination pour cause de naissance, de race, de sexe, d’opinion ou de toute autre condition ou circonstance personnelle ou sociale » et  d’autre part contraire à l’article 165 (alinéa in fine) de la Constitution qui prévoit que : « la loi garantit le double degré de juridiction ».

Bien que la Cour constitutionnel ait souligné que  l’article 165 (alinéa in fine) de la Constitution stipule effectivement que la loi garantit le double degré de juridiction et en  précise les conditions et les modalités de son application , elle a  jugé que cet article confère tacitement au législateur  la prérogative d’imposer les restrictions et les dérogations nécessaires à ce principe et par conséquent la loi peut imposer une exception au double degré de juridiction sans que cela constitue une atteinte à la constitution.

Poursuivant son argumentaire au soutien de la constitutionnalité  de la règle de l’article 73-4 , la Cour constitutionnelle a fait remarquer qu’en instituant la règle de l’article 73-4 , le législateur a voulu  attribuer à la juridiction sociale des règles procédurales particulières qui se distinguent par le principe de célérité et de la préservation des intérêts sociaux et professionnels de la catégorie des travailleurs, et aussi par le souci  de ne pas lier  le règlement de leurs litiges à de longues et complexes règles procédurales générales ,aussi le droit d’appel pourrait donc être limité sans préjudice des garanties judiciaires substantielles des justiciables, et que par conséquent, l’annulation de l’appel en matière de litiges relatifs aux relations de travail ne porte pas atteinte aux droits des citoyens, mais  au contraire veille au bon fonctionnement de la justice. 

En outre la Cour constitutionnelle considère que les affaires sociales et notamment celles relatives au licenciement abusif ont un caractère urgent aussi bien pour les délais de leur enroulement, du prononcé de leurs jugements que pour leur exécution,  et c’est pour cette raison  que la loi a exonéré  totalement ou partiellement l’employé des frais judiciaires compte tenu de sa situation matérielle, professionnelle et sociale, qui souvent ne lui permettent pas de supporter la longueur de l’attente du délai de règlement de son affaire.

Enfin la Cour constitutionnelle a  aussi considéré qu’en tout état de cause,et contrairement aux autres conflits portés devant les tribunaux , les conflits de travail font l’objet  obligatoirement avant la saisine du tribunal d’une procédure préliminaire en vue d’un règlement à l’amiable notamment une procédure de conciliation devant l’inspection du travail ,et ce alors que l’article 34 (alinéa 2) de la Constitution prévoit exceptionnellement la restriction des droits, libertés et garanties pour des raisons liées au maintien de l’ordre public,à la sécurité et à la protection des constantes nationales, ainsi que celles nécessaires à la protection d’autres droits et libertés consacrés par la Constitution ,et que tant qu’il appartient au législateur d’établir les conditions et les modalités du double degré de juridiction, il peut, par ce moyen, garantir ce principe dans tous les conflits de travail lorsqu’il le juge approprié.

De tout ce qui  précède, la Cour constitutionnelle a tiré cette conséquence que l’article 73-4 de la loi n° 90-11 du 21 avril 1990, modifiée et complétée,relative aux relations de travail n’est pas en contradiction avec les articles 37 et 165 (alinéa in fine) de la Constitution,et par conséquent déclare la constitutionnalité de cet article.

Il est à remarquer que les motifs invoqués par la Cour constitutionnelle au soutien de sa déclaration de conformité  à la constitution de l’article 73-4  ont été  exposés dans sa première décision n° n° 01/D.CC/EI/22 26 janvier 2022 , les autres décisions au nombre de 22 portant les n° 2 au n° 23 prononcées  le même jour  n’ont pas été  motivées au fond car s’agissant  d’exceptions d’inconstitutionnalité portant sur le  même article 73-4 ,aussi la Cour  constitutionnelle s’est contentée de renvoyer aux considérants de sa première décision et ce en application de  son règlement qui stipule dans son article 29 bis que : « Lorsque le Conseil constitutionnel enregistre, avant de se prononcer sur l’exception d’inconstitutionnalité de la disposition législative,plus d’une décision de renvoi portant sur la même disposition législative,il se prononce au fond sur la première exception qui lui est soumise pour examen , et se prononce sur les exceptions suivantes soulevées au sujet de la même disposition législative par des décisions portant exceptions précédemment jugées».Pour les autres décisions au nombre de 22, la Cour constitutionnelle  a  donc jugé qu’elle s’est déjà prononcée sur la constitutionnalité de l’article 73-4 par la décision n° 01/D.CC/EI/22  du  26 janvier 2022, et par conséquent il y a lieu de déclarer que l’objet de ces recours a été précédemment jugé.

Maitre BRAHIMI Mohamed

Avocat à la cour de Bouira

brahimimohamed54@gmail.com