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Les présents offerts   dans  le  cadre  protocolaire :cas des lingots d’or offerts  à  l’ancien Premier  ministre

mohamed brahimi Par Le 19/01/2021

Lingot 1

Il est d'usage dans les relations  internationales notamment lors des visites d'Etat ou  même de  simples  visites officielles  de délégations étrangères que les responsables du pays hôte offrent  des présents  aux  visiteurs. Il pourrait  s'agir  soit d'un objet ou d'un animal. C’est là une tradition  qui remonte  à l'antiquité.Ainsi et  selon certains historiens  , la dague en fer  météoritique  retrouvée  dans le tombeau de Toutankhamon était un cadeau diplomatique  du  monarque de l'ancienne Syrie. Le fameux éléphant blanc  de  Charlemagne   serait  un  présent   du cinquième calife abbasside Hâroun ar-Rachid.

 

 

 

        

 

Récemment et  à l'occasion du procès après cassation qui s'est ouvert devant la cour d'Alger  dans l'affaire du  montage  automobile  et le financement occulte de la campagne électorale pour le 5e mandat  avorté , l'un des accusés  en l'occurrence l'ancien premier ministre fit une déclaration pour le moins étonnante  qui fit couler  beaucoup d’encre  et  de  commentaires. Pour justifier les sommes faramineuses retrouvées  dans ses comptes bancaires et prouver  qu'elles ne sont pas  le produit  de pots de vin tel qu'il en est soupçonné dans  le  dossier de  poursuites   , il déclara que cet argent est le fruit de la vente d'une soixantaine  de lingots d’or qui lui  ont été  offerts  en sa qualité  de  premier  ministre  par des émirs du golf  en visite  officielle entre  2014  et  2018.Ces  motifs  invoqués par  l’ancien  premier  ministre pour  justifier  ces  lingots  d’or  ( visite officielle et qualité de premier ministre) suggère  qu’il s’agit  de présents protocolaires.

Cette déclaration est d'autant plus étonnante qu'un premier ministre ayant exercé pendant de longues années cette haute  fonction et d'autres notamment celle de ministre de la justice, devrait savoir  que le fait de s'approprier des  présents  en  en  cette   qualité de la part  d'une  délégation officielle  étrangère  est  contraire  à  la loi et  constitue un détournement au préjudice de l'Etat.

Sauf à considérer que  l’ancien premier ministre ne connaît  pas  la  loi  ce qui  serait grave,  il devrait savoir que  les présents reçus et offerts traditionnellement  dans le cadre protocolaire  aux membres des délégations algériennes et membres des délégations en mission en Algérie sont régis par  des textes législatifs et réglementaires. Le principe  est que tout présent offert  dans un  cadre  protocolaire à  un officiel  algérien  en sa  qualité de représentant  de l'Etat algérien doit être versé au trésor public.

C'est l'article  168 de la loi de finances  pour  l'année  1983 qui   , ayant créé   une réserve légale de solidarité  détenue  par  la banque  centrale d'Algérie,  a organisé  les modalités   d'affectation des présents  qui sont ,dans le cadre protocolaire,offerts traditionnellement directement  ou par personnes interposées  aux chefs  et  aux  membres  des délégations  en mission à l'étranger .Ces présents  doivent être versés  à la banque centrale à l'effet d'alimenter  cette   réserve de solidarité. Quant à l’article 169 de la même  loi de  finances, il  dispose que tout présent  qui  revêt un intérêt littéraire, historique , artistique ou scientifique revient  de  plein droit aux  musées nationaux pour l'enrichissement de leurs collections.

La loi de finances de 1983  a renvoyé à un texte réglementaire la fixation des modalités d'affectation des présents diplomatiques .Ce texte a été publié la  même année. Il s'agit du décret n° 83-342 du 21 mai 1983 fixant les modalités d'application  des dispositions de la loi de finances pour 1983  relatif aux présents offerts dans le cadre protocolaire. Ce décret  énonce que tout présent reçu directement ou par personne interposée est déclaré  soit au directeur général des douanes  soit  au ministre des finances quelle que soit la valeur de  ce   présent et ce à l'exclusion des présents dont la valeur est inferieur à 2000 dinars.Le décret précise que si la valeur des présents offerts est comprise entre 2000 et 10000 dinars, ils peuvent être retirés des douanes contre paiement des  droits de douanes .Quant aux présents et cadeaux dont la valeur dépasse dix mille  dinars, ils sont automatiquement  déposés en douane au profit de la réserve légale de solidarité. Il est aussi précisé que l'offre  de présents entre responsables algériens est interdite. Au regard de l'inflation , ce  décret a été actualisé par un récent  décret  présidentiel signé  par  le Président Abdelamadjid  Tebboune portant le  numéro 20-78 en date du 29/03/2020 qui fixe la valeur des présents  à déclarer et à verser à la somme excédant  cinquante mille dinars.

A la lumière de ces textes , il est évident que les lingots d'or reçus par l'ancien premier ministre auraient dû être déclarés en douane et remis à la banque d'Algérie  pour été versés sur le compte de la réserve légale de solidarié.Ne pas l'avoir fait et s'accaparer ces lingots pour alimenter un compte personnel  qui plus est vendus au marché noir  est en soi ahurissant émanant d'un ancien premier ministre et encore plus au regard de ses autres déclarations selon lesquelles  cette pratique n'est pas isolée et est tolérée à grande échelle .Ceci est d'autant plus vrai que certains  medias nous ont habitué à  propager des images où  on voit de hauts responsables de touts bords  recevoir des présents ou des cadeaux par d'autres responsables locaux qui un cheval pur-sang  qui un burnous  alors que la loi interdit les cadeaux entre responsables algériens quel que soit leur rang.

On peut aussi s'interroger sur la vraie nature des présents reçus des mais  des émirs , s’agit-il vraiment de présents reçus dans  le cadre d'activités diplomatiques  ou  au contraire  dans un cadre strictement  personnel. Suivant certaines sources ,il s'agit de présents remis lors de la visites de ces émirs dans le cadre d'un séjour d'agrément et d'une campagne   de chasse au Sahara  comme ils en ont pris l'habitude. Si ces faits se confirment on serait en vérité  non  devant  une entorse à la loin régissant  les  présents  offerts dans un cadre  protocolaire  mais  devant un ca de corruption  aggravé par la complicité dans l'abattage de  d'espèces animales menacées d'extinction   notamment l'outarde et la gazelle du Sahara pourtant protégé par   des conventions internationales et par le décret numéro 83-509 du 20/08/1983.

Ce qui  frappe le plus dans  cette histoire kafkaïenne et absurde ou un ancien premier ministre s'accapare un bien public et le vend au marché noir  au motif que les banques publiques ne voulaient  pas les acheter , est le silence  intrigant du ministère public. S’agissant de faits constitutifs d'une dizaine d'infractions allant de la non déclaration de patrimoine  au la détournement  de biens publics par un fonctionnaire supérieur de l'Etat   tels que prévus  et  punis  par la loi du 20 février 2006 relative  à la prévention  et  à  la lutte  contre  la  corruption , il aurait été dans les prérogatives du parquet ayant tenu l'audience  de s'auto saisir et de requérir une information.

Par Mohamed BRAHIMI

Avocat  à la  c our de  Bouira

brahimimohamed54@gmail.co