Récemment et à l'occasion du procès après cassation qui s'est ouvert devant la cour d'Alger dans l'affaire du montage automobile et le financement occulte de la campagne électorale pour le 5e mandat avorté , l'un des accusés en l'occurrence l'ancien premier ministre fit une déclaration pour le moins étonnante qui fit couler beaucoup d’encre et de commentaires. Pour justifier les sommes faramineuses retrouvées dans ses comptes bancaires et prouver qu'elles ne sont pas le produit de pots de vin tel qu'il en est soupçonné dans le dossier de poursuites , il déclara que cet argent est le fruit de la vente d'une soixantaine de lingots d’or qui lui ont été offerts en sa qualité de premier ministre par des émirs du golf en visite officielle entre 2014 et 2018.Ces motifs invoqués par l’ancien premier ministre pour justifier ces lingots d’or ( visite officielle et qualité de premier ministre) suggère qu’il s’agit de présents protocolaires.
Cette déclaration est d'autant plus étonnante qu'un premier ministre ayant exercé pendant de longues années cette haute fonction et d'autres notamment celle de ministre de la justice, devrait savoir que le fait de s'approprier des présents en en cette qualité de la part d'une délégation officielle étrangère est contraire à la loi et constitue un détournement au préjudice de l'Etat.
Sauf à considérer que l’ancien premier ministre ne connaît pas la loi ce qui serait grave, il devrait savoir que les présents reçus et offerts traditionnellement dans le cadre protocolaire aux membres des délégations algériennes et membres des délégations en mission en Algérie sont régis par des textes législatifs et réglementaires. Le principe est que tout présent offert dans un cadre protocolaire à un officiel algérien en sa qualité de représentant de l'Etat algérien doit être versé au trésor public.
C'est l'article 168 de la loi de finances pour l'année 1983 qui , ayant créé une réserve légale de solidarité détenue par la banque centrale d'Algérie, a organisé les modalités d'affectation des présents qui sont ,dans le cadre protocolaire,offerts traditionnellement directement ou par personnes interposées aux chefs et aux membres des délégations en mission à l'étranger .Ces présents doivent être versés à la banque centrale à l'effet d'alimenter cette réserve de solidarité. Quant à l’article 169 de la même loi de finances, il dispose que tout présent qui revêt un intérêt littéraire, historique , artistique ou scientifique revient de plein droit aux musées nationaux pour l'enrichissement de leurs collections.
La loi de finances de 1983 a renvoyé à un texte réglementaire la fixation des modalités d'affectation des présents diplomatiques .Ce texte a été publié la même année. Il s'agit du décret n° 83-342 du 21 mai 1983 fixant les modalités d'application des dispositions de la loi de finances pour 1983 relatif aux présents offerts dans le cadre protocolaire. Ce décret énonce que tout présent reçu directement ou par personne interposée est déclaré soit au directeur général des douanes soit au ministre des finances quelle que soit la valeur de ce présent et ce à l'exclusion des présents dont la valeur est inferieur à 2000 dinars.Le décret précise que si la valeur des présents offerts est comprise entre 2000 et 10000 dinars, ils peuvent être retirés des douanes contre paiement des droits de douanes .Quant aux présents et cadeaux dont la valeur dépasse dix mille dinars, ils sont automatiquement déposés en douane au profit de la réserve légale de solidarité. Il est aussi précisé que l'offre de présents entre responsables algériens est interdite. Au regard de l'inflation , ce décret a été actualisé par un récent décret présidentiel signé par le Président Abdelamadjid Tebboune portant le numéro 20-78 en date du 29/03/2020 qui fixe la valeur des présents à déclarer et à verser à la somme excédant cinquante mille dinars.
A la lumière de ces textes , il est évident que les lingots d'or reçus par l'ancien premier ministre auraient dû être déclarés en douane et remis à la banque d'Algérie pour été versés sur le compte de la réserve légale de solidarié.Ne pas l'avoir fait et s'accaparer ces lingots pour alimenter un compte personnel qui plus est vendus au marché noir est en soi ahurissant émanant d'un ancien premier ministre et encore plus au regard de ses autres déclarations selon lesquelles cette pratique n'est pas isolée et est tolérée à grande échelle .Ceci est d'autant plus vrai que certains medias nous ont habitué à propager des images où on voit de hauts responsables de touts bords recevoir des présents ou des cadeaux par d'autres responsables locaux qui un cheval pur-sang qui un burnous alors que la loi interdit les cadeaux entre responsables algériens quel que soit leur rang.
On peut aussi s'interroger sur la vraie nature des présents reçus des mais des émirs , s’agit-il vraiment de présents reçus dans le cadre d'activités diplomatiques ou au contraire dans un cadre strictement personnel. Suivant certaines sources ,il s'agit de présents remis lors de la visites de ces émirs dans le cadre d'un séjour d'agrément et d'une campagne de chasse au Sahara comme ils en ont pris l'habitude. Si ces faits se confirment on serait en vérité non devant une entorse à la loin régissant les présents offerts dans un cadre protocolaire mais devant un ca de corruption aggravé par la complicité dans l'abattage de d'espèces animales menacées d'extinction notamment l'outarde et la gazelle du Sahara pourtant protégé par des conventions internationales et par le décret numéro 83-509 du 20/08/1983.
Ce qui frappe le plus dans cette histoire kafkaïenne et absurde ou un ancien premier ministre s'accapare un bien public et le vend au marché noir au motif que les banques publiques ne voulaient pas les acheter , est le silence intrigant du ministère public. S’agissant de faits constitutifs d'une dizaine d'infractions allant de la non déclaration de patrimoine au la détournement de biens publics par un fonctionnaire supérieur de l'Etat tels que prévus et punis par la loi du 20 février 2006 relative à la prévention et à la lutte contre la corruption , il aurait été dans les prérogatives du parquet ayant tenu l'audience de s'auto saisir et de requérir une information.
Par Mohamed BRAHIMI
Avocat à la c our de Bouira
brahimimohamed54@gmail.co