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L’indemnisation des  victimes  d’erreurs médicales

mohamed brahimi Par Le 22/09/2020

Hopital

Il  est  de notoriété  publique  que  les  erreurs  médicales sont  devenues un fléau au point où la  Ligue de  droits de  l’homme s’est  crue obligée  de  communiquer sur cette  question  en  exprimant  son inquiétude  et sa  préoccupation  quant  au nombre  élevé  des  cas  d'erreurs médicales  portées à  sa connaissance. Pratiquement  chaque  famille  peut  rapporter  un cas  d’erreur  médicale  dont  a  été  victime  un proche.  Il est incontestable  que  les  effets d’une erreur  médicale peuvent être   dramatiques et  leurs causes  multiples :  décès du malade  pour  cause de prise  en  charge  défectueuse notamment  lors  d’accouchements ,  ,amputations  injustifiées,  faux  diagnostics entrainant des  handicaps et même  le décès,oubli de compresses  ou  d’objets  dans le  corps  du  patient...A  coté  de ces erreurs  médicales qui  peuvent en outre constituer  des  délits d’homicide  ou de blessures  involontaires, il faut ajouter un autre phénomène récurrent  qui peut  être qualifié  de non  assistance à personne  en danger :  il  s’agit  du  renvoi de  malades  pour faute  de  place  dans  la structure  de santé   ou   pour  absence   de  médecins .

 

 

Quels sont  les  droits des  malades ayant  été  victimes  d’une erreur médicale ? Que  signifie la  notion  de «   faute ou  erreur  médicale génératrice  de  responsabilité ?Où  en  est  la jurisprudence   algérienne  en  cette  matière,  accepte-elle facilement les  actions en  responsabilité du médecin défaillant  et  sous  quelles  conditions ?

On  entend  par  faute  médicale  en droit  tout  acte  émanant  du  soignant ayant entrainé  un dommage  anormal  au  regard  de  l’évolution  prévisible  de  l’état de  santé  du  patient. On  distingue  habituellement deux  types  de  fautes  médicales  qui  peuvent  engager  la  responsabilité  médicale et  ouvrir ainsi la  voie  à  une indemnisation financière de  la  victime :  la  faute  technique  qui  consiste  en  l’erreur  commise  par  le  professionnel  de  santé    par  méconnaissance  des  règles et  usages  de  la profession  comme  une erreur dans le  diagnostic  ,  dans   l’acte  médical  ou  dans le choix  du  traitement  prescrit au  patient , et  la  faute contre  l’humanisme  qui est  constitutive  dès  lors que le professionnel de  la santé viole  les  règles  de  la  déontologie  de  la profession.

Les obligations  et   les  règles  déontologiques  auxquelles sont  soumis  les professionnels de  santé  sont régies  par   la  loi  n° 85-05 du  16 février  1985  relative  à  la protection  et  à  la  promotion  de  la  santé et  par  le décret  exécutif n°  92-276  du 06  juillet  1992 portant  code  de  déontologie  médicale.Ces  deux  textes  s’ils ont  évacué  la question  de  la responsabilité des  professionnels de  santé,  ils  ont  par  contre  fixé  certaines  obligations  dont la  violation peut  entrainer  cette responsabilité.

L’article 195 de la loi  n°  85-05 dispose  que les  médecins  sont tenus  de  veiller   à  la protection de  la  santé  de  la population  par la fourniture  de  soins médicaux appropriés .Quant au  décret exécutif  n°  92-276  , il impose aux  professionnels de la  santé  certaines  obligations .Ainsi   et en  application  de  l’article 45 , le médecin  et  dès lors qu’il a  accepté de  répondre à une  demande ,il s’engage à assurer  à ses malades   des soins  consciencieux, dévoués, conformes aux  données récentes de la science. En outre le médecin  est  tenu en vertu  des  articles 43 et  44   du même  décret exécutif ,d’une part   d’éclairer  son malade  par  une information intelligible  et  loyale  sur  les raisons de tout acte médical,  et  d’autre part  de  demander  le  consentement du  malade   lorsque  l’acte  médical auquel  il  est soumis  présente un  risque sérieux.

Sur la base   de ces dispositions ,  et  bien  avant la promulgation  des textes  sus-mentionnées,les   juridictions  statuaient  sur les  actions en  responsabilité médicale  en référence  au  régime  de  la  responsabilité médicale établie par  la  jurisprudence notamment  par  le  célèbre  arrêt  Mercier  de  la  Cour de  cassation française du 20 mai  1936   qui a  pour  la première fois  tranché  la question de  la  nature contractuelle ou délictuelle de  la responsabilité  médicale  . En vertu de  cet  arrêt  ,il  se  forme  entre le  médecin et son  client un véritable  contrat   comportant pour  le praticien l’engagement   sinon,evidemment,de  guérir le  malade, du  moins de lui donner  les soins ,non pas quelconques ,mais  consciencieux ,attentifs, réserve  faite de circonstances exceptionnelles, conformes aux données acquises de  le science. Cette formulation de  l’arrêt  de  la  Cour de cassation a  pratiquement   été   reprise  telle quelle par  l’article 45 du décret exécutif n°  92-276  du 06  juillet  1992.      

C’est aussi dans  ce sens  qu’a   statué la  Cour  suprême algérienne .Dans son  arrêt  du 23 janvier 2008  ( dossier n° 399828  ,  revue  de  la Cour  suprême,  année  2008,n° 2, P. 175) ,  elle  a  jugé que le médecin  est  tenu   par  une  obligation  d’assurer  à ses patients des  soins consciencieux et  attentifs en  conformité avec les données  actuelles  de  la science,  sauf  dans les  cas où il est  tenu par  une  obligation de résultat , et  ce  dans  le  but   de  guérir  le malade  et  améliorer  son état  de  santé   , et  que  la violation de cette  obligation est  une faute  qui  engage  la responsabilité  du  médecin  et  en  conséquence  de  cette  règle  ,  le chirurgien  qui  au  lieu  d’éliminer  des  calculs  rénaux  tels  que  convenus  avec  son  patient  , a  procédé  à  l’ablation  du rein alors  que l’état  du malade  n’exigeait  pas  cet acte   a  commis  une faute  qui  ouvre  droit  à  une indemnisation  .

La  jurisprudence   étant constante sur le fait que la responsabilité du médecin   est une responsabilité contractuelle,  les  conséquences  de cette solution sont importantes.Ainsi  , la prescription     de l’action   en justice  contre  un  professionnel  de   santé  pour  faute  médicale   se  prescrit  dans  le  délai  de  droit  commun  c’est à dire  15  ans  (  article 308  du code  civil) et  non  pas  dans  le délai de  3 ans applicable  en    matière  d’ infractions d’homicide  ou  blessures  involontaires  pour  lesquels peut être poursuivi un  médecin  en  cas de  faute   pénale  ( article  8 code  de procédure pénale). Les  règles   relatives à la compétence territoriale  du tribunal  ou  à l’étendue  de la  réparation  diffèrent  suivant la  nature  de l’action engagée  (  action  pénale  ou  en responsabilité contractuelle).Par  contre  alors que la jurisprunce  considère  l’action  en  responsabilisé  médicale  comme  découlant  d’un  contrat  ce  qui  logiquement devra  mettre à  la charge  du débiteur ( le  médecin  fautif)  la charge  de s’exonérer  de  sa  responsabilité en  démontrant  que le  dommage provient d’une cause  étrangère  qui ne  peut lui  être  imputée(  article  127 du  code  civil ), elle met  par  contre la  charge  de  la preuve sur le  malade  qui doit rapporter la faute  du médecin. En pratique, il  suffit à  la victime de l’erreur  médicale  qui saisit  la   justice pour revendiquer une indemnisation de  produire les  certificats  ou rapports  médicaux  en rapports  aves les  faits  et  c’est  la   juridiction qui  désignera par jugement  avant  dire  droit  un expert  dans  la spécialité  médicale  concernée  à  l’effet de dire  s’il  ya  erreur  médicale .

Comme indiqué,  la responsabilisé d’un  professionnel de  santé n’est pas engagée  sur le  seul fondement  d’une  erreur médicale  ,mais  celle-ci peut  être  aussi engagée  en  cas  de  non  information du  malade   sur  les  risque  graves  liés à un acte  médical ,  ou en cas de  non  respect de l’obligation d’informer le malade sur  l’acte  médical qu’il  envisage et  obtenir son consentement. La  Cour de  cassation  française  par  exemple   a  jugé que le défaut d’information cause nécessairement un préjudice au patient que le juge doit obligatoirement indemniser  ( 1er  Chambre  civile, 3 juin 2010, n° 09-13.591) .De  son coté le Conseil  d’Etat  français a  retenu  la respossabloté d’un médecin  qui a procédé  à la  ligature des  trompes  de  la  patiente sans avoir  obtenu son  consentement préalable  ( Conseil d’Etat  , 10 octobre 2012 ,requête  n° 350426,publié  au  recueil).

Ainsi  toute  personne  victime d’une erreur  médicale  peut  saisir  la  juridiction  compétente aux fins d’indemnisation .Hormis le cas où cette erreur  constitue  l’infraction   pénale d’homicide  ou de  blessures  involontaires  et  donc  passible de la juridiction  correctionnelle ou contraventionnelle  , l’action  en  indemnisation pour erreur   médicale  est portée  soit  devant  le tribunal  de  droit  commun  (  la section civile du tribunal)  , soit devant  le tribunal  administratif. Cette  compétence  étant d’ordre public  il ya  lieu  de  bien  fixer la juridiction compétence  sous peine de  rejet de  l’action pour  incompétence  d’attribution. Le  critère de  distinction  tribunal civil-tribunal administratif réside  dans  la  personne  ou  la  structure  qui  a  commis   l’erreur médicale.  L’action sera  portée  devant  la section civile du tribunal   si  l’erreur médicale relève  de cliniques ,d’établissements de soins privés ou de  médecins  libéraux.  Elle   devra être portée  devant  un  tribunal administratif  si  l’erreur  médical  a  été  commise  dans  un  hôpital   public  ou  un médecin  relevant du secteur public.

La chambre administrative  de  la  Cour  suprême  puis  le    Conseil d’Etat  algériens  ont  eu  à  se  prononcer  sur  plusieurs  affaires  engageant la responsabilité  d’une structure publique de santé. Dans une  affaire  où  un  accidenté  de  la circulation  a  été  hospitalisé  pour des fractures  de  la  jambe,  et  qui  a  dû  subir par  la suite une  amputation suite  à  une  gangrène ,  il a  été  retenu  la responsabilité  de  l’hôpital   au  motif  que l’amputation de la jambe  est  dû   à  une  négligence    lors  de la prise en  charge   du  patient  notamment  au  niveau  du  suivi   médical  (  arrêt du  30/06/1990,dossier  N° 65648, Revue  judicaire  ,année 1992,n°1,p.132).Le  Conseil d’Etat a  aussi  jugé  que le   médecin  hospitalier  qui a  procédé  à  l’ablation de  deux  orteils  d’une  patiente  atteinte de  varices   a commis une faute   au  motif  que  les opérations pour cause de  varices sont  des  opérations simples et  banales   (  arrêt du  03/06/2003,dossier  N° 4166, Revue  du Conseil  d’Etat   ,année 2003,n°4,p.99).Sont  aussi  constitutives d’une  erreur médicale   suivant  le  Conseil d’Etat   les complications  subies par un  malade  à qui a été   implanté  des  broches   au  niveau  de  la  jambe   (  arrêt du  11/03/2003,dossier  N° 7733,  Revue  du Conseil  d’Etat ,année 2004,n°5,p.208).

Maitre  Mohamed  BRAHIMI

Avocat  à  la  cour  de  Bouira

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