Bien que le code de procédure civile et administrative prévoit cette voie alternative de règlement des litiges qu’est l’arbitrage, peu de justiciables y ont recours alors que ses avantages sont indéniables.Si on prend comme exemple les litiges en rapport avec le commerce, la liquidation d’une succession,de partage d’un bien indivis ou de conflit de voisinage, une action en justice peut perdurer des années entre expertises et contre expertises, l’exercice des différentes voies de recours et le règlement des nombreux incidents pouvant entaché ce genre d’actions judiciaires, alors que si les parties ont recours à l’arbitrage , ces litige peuvent être réglés en quelques mois voire quelques semaines. L’arbitrage a toujours existé dans le système judiciaire national. Il est encadré par le code de procédure civile et administrative dans ses articles 1006 à 1038.Il s’agit ici de l’arbitrage interne et non pas de l’arbitrage commercial international qui est régi par d’autres dispositions. L’arbitrage est le jugement d’un litige par de simples particuliers que les paries désignent comme juges.Les arbitres sont des juges privés.Quand les parties s’accordent à faire juger leur litige par des arbitres , on parle de compromis et ce compromis doit être vidé dans une convention écrite.
On peut compromettre ,c’est à dire confier le règlement d’un litige survenu entre deux ou plusieurs parties à des particuliers ( des arbitres) , sur toute matière à l’exception des matières concernant l’ordre public, l’état et la capacité des personnes ( art.1006). La convention ou l’écrit signé entre les parties au litige constatant le compromis doit être constaté par écrit et doit designer l’objet du litige , les noms des arbitres ou les modalités de désignation de ces arbitres et contenir d’autres clauses notamment les formes à suivre,les délais dans lesquels les arbitres doivent statuer ou le pouvoir de statuer sans appel.Cet écrit peut être un écrit authentique établi devant un notaire ou être un écrit sous seing privé.
Bien que l’article 1012 du code de procédure civile et administrative dispose que l’écrit constatant le compromis doit designer les noms des arbitres, cette formalité n’est pas nécessaire quand l’identité de l’arbitre désigné ne fait aucun doute ,par exemple quand l’arbitre est désigné par sa fonction tel le bâtonnier de l’ordre des avocats d’un ordre d’avocat déterminé.
A côté de la convention par laquelle les parties entendent soumettre leur litige à un ou plusieurs arbitre c’est à dire le compromis, il est aussi possible aux parties à un contrat déterminé ( vente,bail,société,assurance…etc ) de s’obliger d’avance à soumettre à des arbitres les difficultés ou litiges pouvant naître de l’exécution de ce contrat : c’est la clause compromissoire prévue par les articles 1007 et 1008 du code de procédure civile et administrative.Suivant la définition de l’article 1007 : « La clause compromissoire est la convention par laquelle les parties à un contrat ayant trait à des droits disponibles et dont elles ont la libre disposition s'engagent à soumettre à l'arbitrage les litiges qui pourraient naître relativement à ce contrat».cette clause compromissoire doit à peine de nullité être stipulée par écrit dans la convention principale ou dans un document auquel celle-ci se réfère.Contrairement au compromis,la clause compromissoire ne doit pas nécessairement contenir la désignation des arbitres mais peut prévoir les modalités de leur désignation , par exemple décider que les litiges seront soumis à une catégorie de personnes appartenant à une certaine profession ou un certain groupement, ou que les arbitres seront désignés d’un commun accord ou au contraire conviendront que chacune d’elles nommera un arbitre.
La clause compromissoire produit plusieurs effets.En premier lieu les parties à la clause compromissoire ne peuvent plus saisir le tribunal ordinaire pour statuer sur les litiges nés de la convention qui contient la clause compromissoire car le tribunal d’Etat devient incompétent.Suivant une jurisprudence de la Cour suprême, cette incompétence n’est pas d’ordre public c’est dire que le tribunal saisi d’un tel litige ne peut se déclarer d’office incompétent mais il revient au défendeur de la soulever .En outre les parties peuvent toujours renoncer à leur convention d’arbitrage .Du fait que l’article 1007 du code de procédure civile et administrative admet la clause compromissoire sans distinction pour toutes les contestations qui ont leur origine dans un contrat,les arbitres désignés peuvent statuer sur les litiges qui porteraient sur l’existence ou la validité de ce contrat,par exemple si l’une des parties soutient que le contrat est nul par erreur,dol ou incapacité.
La clause compromissoire crée à la charge des parties une obligation de compromettre notamment elle les obligent à constituer la juridiction arbitrale et en assurer le fonctionnement.En vertu de l’article 1009 du code de procédure civile et administrative,si la constitution du tribunal arbitral se heurte à une difficulté du fait de l'une des parties ou dans la mise en œuvre des modalités de désignation,cette difficulté est soumise au président du tribunal du lieu de conclusion du contrat ou de son exécution qui procédera à la désignation du ou des arbitres.Mais si le juge constate que la clause compromissoire est,soit manifestement nulle,soit insuffisante pour permettre de constituer le tribunal arbitral,il déclarera n'y avoir lieu à désignation. La clause compromissoire produit aussi ses effets à l’égard des héritiers des parties.Si l’un des parties à la clause compromissoire décède,ses héritiers seront tenus se compromettre comme l’était cette dernière et sous les mêmes sanctions.
Les parties sont libres de designer dans l’acte qui constate le compromis le nombre d’arbitres qui leur convient .En pratique il est désigné un nombre d’arbitres au prorata du nombre de parties ayant des intérêts distincts et de préférence en nombre impair. L’arbitre peut être une personne physique à condition qu’elle jouit de ses droits civiques ou une personne morale ( article 1014). La constitution du tribunal arbitral n'est parfaite que si le ou les arbitres acceptent la mission qui leur est confiée.Les parties peuvent bien sûr d’un commun accord révoquer l’arbitre qu’elles ont choisi.L’arbitre entré en fonction peut être récusé par l’une des parties mais seulement pour une cause dont elle a eu connaissance après la désignation de l’arbitre et seulement dans les cas limitativement spécifiés par l’article1016 du code de procédure civile et administrative,c’est-à-dire lorsque l’arbitre ne répond pas aux qualifications convenues entre les parties, lorsqu'il existe une cause de récusation prévue par le règlement d'arbitrage adopté par les parties ,ou encore lorsque les circonstances permettent de douter légitimement de son indépendance, notamment en raison de l'existence, directe ou par personne interposée, d'intérêts, de liens économiques ou familiaux avec une partie.
Les arbitres ont en principe tous les pouvoirs qui appartiennent aux juges des tribunaux d’Etat mais seulement dans la limite qui leur a été assignée par le contrat de compromis(article 1019).Les arbitres décident d’après les règles de droit (article 1023).Ils peuvent ordonner telle mesure d’instruction qu’ils estiment nécessaire au règlement du litige. Les actes d'instruction et les procès-verbaux des arbitres doivent être établis par tous les arbitres sauf si le compromis les autorise à commettre l'un d'eux. Par conséquent, les arbitres peuvent ordonner une enquête ,une expertise, un transport sur les lieux,la comparution des parties et leur interrogatoire ou une prestation de serment.Si une partie forme une inscription de faux, même purement civile, ou s'il s'élève quelque incident criminel, les arbitres doivent renvoyer les parties à se pourvoir devant le tribunal compétent,et dans ce cas les délais de l'arbitrage reprennent leur cours à dater du jugement de l'incident ( article 1021).
Les arbitres doivent rendre leur sentence dans le délai fixé dans le compromis mais au cas où les parties n’ont pas fixé de délai,le compromis n’est pas frappé de nullité mais la durée de mission des arbitres sera limitée à 4 mois à compter,soit de la date de la désignation des arbitres,soit de celle de la saisine du tribunal arbitral,le tout sous peine de l’expiration du compromis(art.1018).A l’instar du jugement rendu par le tribunal d’Etat, la décision du ou des arbitres appelée «sentence arbitrale» doit exposer succinctement les prétentions des parties et leurs moyens , être motivée et rendue à la majorité des voix.La sentence arbitrale doit comporter certaines mentions notamment les noms et prénoms des arbitres qui l'ont rendue,sa date, le lieu où elle est rendue,les noms, prénoms des parties ainsi que leur domicile et la dénomination des personnes morales et leur siège social, le cas échéant,les noms et prénoms des avocats ou de toute personne ayant représenté ou assisté les parties.La sentence arbitrale est signée par tous les arbitres mais si une minorité d'entre eux refuse de la signer,les autres en font mention et la sentence a le même effet que si elle avait été signée par tous les arbitres.
La sentence arbitrale est un véritable jugement dont elle produit tous les effets à l’exception de la force exécutoire et de l’hypothèque judiciaire.Une fois la contestation tranchée et la sentence arbitrale rendue,l’arbitre est dessaisi.Il ne peut plus modifier sa décision mais cependant il peut l'interpréter ou réparer les erreurs et omissions matérielles qui l'affectent (art.1030). La sentence arbitrale a par elle-même autorité de la chose jugée (art.1031) en ce sens que si l’une des parties voulait recommencer le procès devant une juridiction étatique l’autre partie pourrait lui opposer la chose jugée et le faire débouter.
Si la sentence rendu par l’arbitre a par elle-même l’autorité de la chose jugée, elle n’a pas par contre force executoire.Seule l’ordonnance d’exequatur peut conférer au jugement de l’arbitre cette force exécutoire.Cette ordonnance est redue par le président du tribunal dans le ressort duquel elle a été rendue.Cette ordonnance est nécessaire même pour les sentences partielles ou préparatoires telles les ordonnances ordonnant une expertise ou une enquête (art.1035).Pour obtenir cette ordonnance d’exequatur,l’original de la sentence arbitrale est déposée par la partie la plus diligente au greffe du tribunal.Le président du tribunal ne peut pas modifier la sentence ni rechercher si les arbitres ont bien ou mal jugé ,mais par contre il peut refuser de rendre l’ordonnance d’exequatur si la sentence arbitrale ne remplit pas les condition prévue par la loi ou si elle contient une nullité d’ordre public,par exemple si elle n’est pas signée,si elle émane de personnes incapables d’être arbitre,ou qu’elle a statué sur des matières pour lesquelles il est interdit de compromettre par exemple ayant statué sur des questions relatives à l’état des personnes.Mais en tout état de cause les parties peuvent exécuter volontairement la sentence rendue par l’arbitre et ne pas la déposer au greffe pour obtenir l’ordonnance d’exequatur.
Les sentences arbitrales étant de véritables jugements,la loi les soumet aux voies de recours ouvertes contre ces derniers.La loi a prévu aussi l’appel contre l’ordonnance d’exequatur.La sentence arbitrale est susceptible d'appel devant la cour dans le ressort de laquele elle a été rendue dans un délai d'un mois à compter de son prononcé (art.1033).La sentence arbitrale peut être frappée de tierce opposition devant le tribunal qui eût été compétent avant de soumettre le litige à l'arbitrage,mais par contre elle n'est pas susceptible d'opposition(art.1032).Du fait que les sentences arbitrales sont toujours susceptibles d’appel,le pourvoi en cassation n’est permis que contre les arrêts rendus par la cour.Quant à l’ordonnance d’exequatur rendu par le président du tribunal, seule celle ayant refusé l’exécution peut faire l’objet d’un appel devant la cour dans le délai de 15 jours à compter du refus.
Maitre BRAHIMI Mohamed
Avocat à la cour de Bouira
brahimimohamed54@gmail.com
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