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Entrée en vigueur imminente du mécanisme de l’exception d’inconstitutionnalité : Pourquoi et comment déposer une exception d’inconstitutionnalité

mohamed brahimi Par Le 13/11/2018

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C’est désormais chose faite ! La loi organique fixant  les conditions et modalités de mise en œuvre de l’exception d’inconstitutionnalité prévue par l’article 188 de la constitution a été publiée au journal officiel du 05 septembre 2018. Il s’agit de la loi organique n° 18-16 du 2 septembre 2018.L’article 215 de la Constitution publiée au journal officiel n° 14 du 07 mars 2016 ayant fixé l’entrée en vigueur du mécanisme de l’exception d’inconstitutionnalité après l’expiration d’un délai de trois ans à compter de l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions constitutionnelles , ce délai expire le 08 mars 2019  .A partir de cette dernière date , tout justiciable  , partie dans un procès civil , administratif ou pénal  pourra demander à son juge  de saisir le Conseil constitutionnel  pour statuer sur la conformité  à la constitution d’une disposition législative ( un article de loi, d’une ordonnance ou d’un décret législatif) que son adversaire prétend lui opposer.C’est bien là une avancée  considérable pour la protection des libertés et un progrès indéniable de l’Etat de droit.Un billet sur ce même site a été déjà sur le même sujet mais avant la publication de cette loi organique.Dans ce billet nous traiterons de l’exercice effectif de ce droit nouveau ouvert au justiciable.

L’exception d’inconstitutionnalité est présentée devant une juridiction  par une partie au procès ( procès civil , administratif ou pénal) qui soutient que la disposition législative dont dépend l’issue du litige porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution.Cette demande ou exception est jugée par le Conseil constitutionnel qui seul peut abroger la disposition législative mise en cause.L’exception d’inconstitutionnalité doit porter sur une « disposition législative » c'est-à-dire une disposition contenue dans  une loi organique ou ordinaire   ou dans une une ordonnance ratifiée par le parlement.Même si la disposition législative a été abrogée mais qui reste applicable au litige, elle peut faire l’objet dune exception d’inconstitutionnalité. La Jurisprudence française en matière de question prioritaire de constitutionnalité qui est l’équivalent de  L’exception d’inconstitutionnalité considère que si la disposition législative fait l'objet d'une interprétation constante par la Cour de cassation ou le Conseil d'État, la  question prioritaire de constitutionnalité a trait à la portée effective que cette jurisprudence confère à la disposition législative.En vertu de cette jurisprudence , si le Conseil constitutionnel considère  q'une jurisprudence de la Cour de cassation ou du Conseil d'Etat est contraire aux droits et libertés constitutionnellement garantis, il déclare cete jurisprudene contraire  à la constitution.

Procédure de présentation de L’exception d’inconstitutionnalité

L’exception d’inconstitutionnalité est posée à titre incident c'est-à-dire à l’occasion d’une instance déjà pendante devant le juge.Elle peut être posée à tout moment du déroulement de l’instance.Elle peut être soulevée pour la première fois en appel ou en cassation. Elle ne peut être soulevée devant le tribunal criminel de première instance mais toutefois elle  peut être soulevée en cas d’appel d’un jugement rendu par le tribunal criminel de première instance.L’exception d’inconstitutionnalité peut être soulevée par la partie elle-même si la juridiction saisie de l’instance est le tribunal mais si elle est soulevé devant cour , le tribunal administratif , la cour suprême ou le conseil d’Etat,c’est l’avocat constitué qui doit soulever l’exception.

Pour que l’exception d’inconstitutionnalité soit admise, des conditions de forme et de fond doivent être réunies.Tout d’abord l’exception d’inconstitutionnalité doit être  présentée dans un écrit distinct des autres conclusions versées au dossier et cet écrit doit être motivé sous peine d’irrecevabilité.Conformément à l’article 8 de la loi organique du 2 septembre 2018, la recevabilité de l’exception d’inconstitutionnalité est tributaire de trois conditions:

- La disposition législative contestée détermine l’issue du litige ou constitue le fondement des poursuites,

- La disposition législative n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel à la fois dans les motifs et le dispositif d’une de ses décisions . Cette condition s'applique même dans le cas où l'on invoque un nouveau fondement d'atteinte aux droits et libertés constitutionnels. Seul un changement des circonstances peut permettre de soulever l’exception d’inconstitutionnalité sur une disposition qui a déjà été déclarée conforme à la Constitution.Mais comment savoir si une disposition législative a déjà été déclaré conforme à la constitution ?  Il suffit de consulter le site du Conseil constitutionnel dans l’onglet «  jurisprudence constitutionnelle »( http://www.conseil-constitutionnel.dz/index.php/fr/).

- Le moyen soulevé présente un caractère sérieux.La juridiction devant laquelle est soulevée l’exception d’inconstitutionnalité examine si le moyen invoqué à l’appui de cette exception est sérieux .Le mémoire déposé par la partie ou l’avocat doit donc expliquer en quoi la disposition législative méconnait les droits et libertés que la constitution garantit

Comment est réglée l’exception d’inconstitutionnalité

Une fois la juridiction saisie de l’exception  d’inconstitutionnalité , cette juridiction  doit se prononcer sans délai sur la transmission de l’exception d’inconstitutionnalité à la Cour suprême ou au Conseil d’Etat par une décision motivée et ce après avoir provoqué l’avis du ministère public ou du commissaire d’Etat suivant la nature de la juridiction .Il peut arriver que la juridiction saisie comprend des assesseurs , dans ce cas elle statue hors leur présence.     

Si les conditions que nous avons énumérées son réunies, la juridiction  transmet  l’exception  d’inconstitutionnalité  au Conseil d’état ou à la Cour suprême dans les dix jours du prononcé de sa décision accompagnée des mémoires et des conclusions des parties. Cette décision est notifiée aux parties et n’est   susceptible d’aucun recours.

En cas de transmission de l’exception  d’inconstitutionnalité , la juridiction  doit surseoir à statuer, jusqu’à réception de la décision de la Cour suprême ou du Conseil d’Etat ou celle du Conseil Constitutionnel lorsque l’exception lui a été renvoyée exception faite s’il s’agit d’une affaire dans laquelle la personne est privée de liberté ou s’il ya urgence  .Mais en tout état de cause  le cours de l’instruction n’est pas suspendu , et la juridiction peut prendre les mesures provisoires ou conservatoires nécessaires.

Si la juridiction saisie refuse de transmettre l’exception d’inconstitutionnalité, elle rend une décision dans ce sens. Cette décision est notifiée aux parties qui peuvent la contester mais seulement lors du recours en appel ou en cassation visant la décision réglant tout ou partie du litige.Cette contestation  doit sous peine d’irrecevabilité être présentée dans un écrit distincte et motivé.

Procédure applicables devant la Cour suprême et le Conseil d’Etat

la Cour suprême ou le Conseil d’Etat se prononce sur le renvoi de l’exception d’inconstitutionnalité au Conseil constitutionnel dans un délai de deux  mois à compter de la réception de la décision de transmission émanant de la juridiction saisie.Si les conditions d’admission de l’exception sont réunies, il est procédé à ce renvoi.

Lorsque l’exception d’inconstitutionnalité est soulevée directement devant la Cour suprême ou le Conseil d’Etat, la juridiction concernée doit se prononcer par priorité sur son renvoi devant le Conseil constitutionnel, dans le délai  de deux mois.

Le premier président de la Cour suprême ou le président du Conseil d’Etat sont destinataires de la décision de transmettre l’exception d’inconstitutionnalité Ils avisent immédiatement le Procureur général ou le Commissaire d’Etat, afin qu’ils fassent connaitre leur avis. Les parties sont mises à même de présenter leurs observations écrites.

L’arrêt de la Cour suprême ou du Conseil d’Etat est rendu par une formation présidée par le président de chaque juridiction et, en cas d’empêchement, par le vice-président et composée du président de la chambre concernée et de trois conseillers désignés, selon le cas, par le premier président de la Cour suprême ou le président du Conseil d’Etat.La décision motivée de la Cour suprême ou du Conseil d’Etat de renvoyer l’exception devant le Conseil constitutionnel est transmise à ce dernier avec les mémoires et les conclusions des parties.

La décision de la Cour suprême ou du Conseil d’Etat est communiquée à la juridiction qui a transmis l’exception d’inconstitutionnalité et notifiée aux parties dans les dix  jours de son prononcé. Si la Cour suprême ou le Conseil d’Etat ne s’est pas prononcé dans le délai de deux mois à compter de la réception de la transmission, l’exception est renvoyée d’office au Conseil constitutionnel.

 Procédure devant le Conseil Constitutionnel

Le  Conseil constitutionnel  qui se prépare à traiter les affaires en rapport avec l’exception d’inconstitutionnalité  et qui a déjà ajouté à son site internet un onglet intitulé « l’exception d’inconstitutionnalité »adoptera sans aucun doute un règlement intérieur relatif à ce mécanisme  qui est d’ailleurs prévu implicitement par l’article 22 la loi organique du 2 septembre 2018.

Le Conseil constitutionnel saisi d'une exception d'inconstitutionnalité  informe immédiatement le Président de la République. Il informe également, le Président du Conseil de la Nation, le président de l’Assemblée Populaire Nationale et le Premier ministre. Ceux-ci peuvent adresser au Conseil constitutionnel leurs observations sur l’exception d’inconstitutionnalité qui leur est soumise.

En vertu de l’article 189 alinéa 2 de la Constitution ,le Conseil constitutionnel doit rendre sa décision  dans les quatre mois qui suivent la date de sa saisine. Ce délai peut être prorogé une seule fois de quatre mois au maximum, sur décision motivée du Conseil constitutionnel, notifiée à la juridiction.

L’audience est publique. Les parties, qui doivent être représentés  par leurs avocats, ainsi que le représentant du Gouvernement, sont mises à même de présenter contradictoirement leurs observations.

Décision du conseil constitutionnel

Une fois saisi, le Conseil constitutionnel peut soit déclarer la disposition législative conforme à la constitution , soit au contraire déclarer  que cette disposition  est contraire à la constitution.

Dans la première hypothèse , la disposition législative conserve sa place dans l'ordre juridique interne.La juridiction doit l'appliquer en prenant en compte les éventuelles réserves d'interprétation formulées par le Conseil constitutionnel. Cette décision s'impose également à tous les pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles.

Dans la deuxième hypothèse où la disposition législative est déclaré non conforme à la constitution , celle-ci pert tout effet  et disparaît de l’ordre juridique . Pour laisser au parlement le temps de corriger l’inconstitutionnalité de la disposition législative  abrogée , le Conseil constitutionnel peut déterminer une date ultérieure à partir de laquelle l'abrogation produira ses effets ( article 191 constitution ). La décision du Conseil constitutionnel est définitive et ne peut faire l’objet d’aucun recours.