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Les dégâts causés aux usagers par les ralentisseurs hors normes: La responsabilité de l’administration engagée ?

mohamed brahimi Par Le 24/06/2020

Image dos ane

Si vous questionnez  un automobiliste algérien sur ce qu’il redoute le plus en prenant le volant, beaucoup  vous répondront: le nombre impressionnant de  ralentisseurs implantés  le long des voies  de circulation .Effectivement Il n’est pas rare  que des  automobilistes se retrouvent  subitement  nez à nez avec un ralentisseur  anarchiquement implanté  et sans aucune signalisation. D’aucuns n’hésitent pas à parler du «  dictat des ralentisseurs ».Un automobiliste habitué au trajet Bouira-Bejaia  par la route nationale  a compté près d’une centaine de ralentisseurs  hors-normes implantés au gré  des humeurs des autorités locales ou  même  à l’initiative de simples citoyens.

 

L’implantation de  ralentisseurs  ne peut intervenir  que si  des conditions draconiennes sont réunies et des mesures de sécurité respectées. La législation nationale  qui régit l’implantation des ralentisseurs  est d’une extrême  sévérité .Le principe de l’implantation  des ralentisseurs sur les voies de circulation a été institué par l’article  27 de la loi n° 01-14 du 19  aout 2001 relative à la circulation ,la sécurité et la police de la circulation routière qui dispose que : «  l’usage des ralentisseurs et les conditions relatives à leur mise en place ainsi que les lieux de leu implantation  sont fixés par voie réglementaire ». Les textes réglementaires visés par cet article 27 sont le décret exécutif  n° 05-499 du 29 décembre 2005 définissant l’usage des ralentisseurs  et les conditions de leur mise en place ainsi que les lieux de leur implantation , l’arrêté  ministériel du 9 avril 2006 définissant la nature,la forme, les dimensions  et les prescriptions  techniques des ralentisseurs , et  l’arrêté ministériel du   10 juin 2007 définissant les modalités d’initiation, d’élaboration et d’adoption  des études de localisation et d’implantation des ralentisseurs

Constitue un ralentisseur au sens de la loi , tout aménagement placé en travers de la chaussée et perpendiculairement à son axe, obligeant les conducteurs de véhicules à réduire leur vitesse. Il existe deux sortes de ralentisseurs : Les ralentisseurs de type dos d’âne et les ralentisseurs de type trapézoïdaux. Il est interdit d’implanter un passage piéton sur un ralentisseur de type dos d’âne, et à l’inverse, le ralentisseur trapézoïdal comporte obligatoirement un passage piéton. Les ralentisseurs doivent être exécutés en béton bitumineux ou en béton hydraulique. La mise en place des ralentisseurs est soumise à l’autorisation préalable du wali territorialement compétent, et par conséquent toute implantation d’un ralentisseur doit préalablement être autorisé par arrêté du wali .La demande d’implantation d’un ralentisseur peut émaner  indifféremment des services des travaux publics, des administrations et services publics,  des communes, des services de sécurité  ou même des citoyens.

L’implantation de ralentisseurs n’est pas laissée à la seule appréciation du wali ,  mais celui-ci doit par le bias d’une commission technique instituée à cet effet  vérifier  si le ralentisseur revendiqué est conforme aux  dispositions des textes sus-mentionnés. Le dossier transmis au wali aux fins de délivrance de l’arrêté d’implantation  d’un ralentisseur doit obligatoirement comporte  en plus de la demande elle-même, la désignation de la voie concernée ,le nombre d’accidents enregistrés,  la proximité éventuelle d’un établissement public,l’estimation du trafic journalier moyen, . la configuration de l’endroit de l’implantation,  le plan de circulation , et une carte routière schématique retraçant les informations nécessaires à l’appréciation de la situation.En outre la mise en place des ralentisseurs est soumise a certaines  conditions générales.Ils doivent être insérés  dans un schéma d’aménagement global , leur choix doit être de dernier  recours, ils doivent être signalés et ils doivent améliorer la sécurité routière.

La loi n’autorise la réalisation des ralentisseurs que  dans les  agglomérations .La loi définit l’agglomération comme étant l’espace terrestre sur lequel  sont groupés  des immeubles bâtis rapprochés  et dont l’entrée et la sortie  sont signalés par des panneaux placés à cet effet  le long de la roure qui le traverse ou le borde. Même en agglomération , la réalisation des ralentisseurs  est interdite dans les cas suivants  :

- sur les voies à grande circulation ;

- sur une route dont la pente additionnée à celle du ralentisseur est supérieure à 15 % ;

- dans les virages et à la sortie de ces derniers ;

- à une distance de moins de 40 mètres des virages ;

- sur ou dans un ouvrage d’art et à moins de 25 mètres de part et d’autre.

 l’arrêté  ministériel du  28 mars 2006 a fixé les dimensions   des  ralentisseurs  .Ainsi pour le ralentisseur  type dos d’âne  les dimensions  doivent  être les suivantes :

-Hauteur = 0,10 m ± 0,02 m

-Longueur = 4,00 m ± 0,20 m

-Saillie d’attaque < 5 mm

La loi a particulièrement détaillé  les caractéristiques  des panneaux de signalisation des ralentisseurs et un schéma a été même inséré  dans l’arrêté ministériel  du 10 juin 2007 .Ainsi pour le ralentisseur de type dos d’âne   deux panneaux de  signalisation  verticale  ( signalisation avancée)  , l’un schématisant  un dos d’âne,  l’autre limitant la vitesse à 30km/h doivent être implantés  à une distance de 40 à 50 mètres  du premier ralentisseur  et ce pour inciter les usagers à la vigilance .Un autre panneau de  signalisation  verticale  schématisant un dos d’âne.( signalisation de position) doit être placé au droit du ralentisseur .Il en est de même pour le ralentisseur trapézoïdal. La loi impose aussi une signalisation horizontale pour les deux types de ralentisseurs afin que l’usager ne soit pas dangereusement surpris. l’arrêté  ministériel du 9 avril 2006 recommande aussi une signalisation nocturne qui consiste à éclairer les zones d’implantation des ralentisseurs.

En vertu des dispositions de ces textes réglementaires , il est évident que la majeure partie des ralentisseurs implantés sur le territoire nationale  ont été érigés en violation de la loi. Tous les ralentisseurs  implanté hors agglomérations notamment ceux réalisés en pleine campagnes sont illégaux .Ceux érigés en agglomérations sur des voies à grande circulation  ne devraient pas exister. Les ralentisseurs  qui n’améliorent pas la  sécurité routière mais qui la gêne sont hors la loi.Ce souci du détail  du législateur et du pouvoir réglementaire  dans l’implantation  de ralentisseurs sur les voies de circulation  routière  est justifié par les graves dangers qu’encourent les automobilistes au cas où des ralentisseurs sont implantés   en infraction des mesures de sécurité. Aussi la loi a aussi édicté de sévères sanctions  pour les contrevenants .

Tour d’abord  il est évident que toute personne qui implante un ralentisseur  de son propre chef  est passible de poursuites pénales en vertu de l’article 408 du code pénal auquel renvoit l'article 11 du décret du 29 décembre 2005   qui punit ce fait d'un empoisonnement de 1 à 5 ans  mais aussi d’une peine de  réclusion criminelle de 5 à 10 ans ou même de la peine de mort  si  le ralentisseur implanté illégalement a causé un accident mortel de la circulation ou a occasionné  une infirmité  permanente .

Si c’est l’administration qui a implanté le ralentisseur  en infraction des règles légales, l’autorité qui a procédé à cette implantation   peut être poursuivi pénalement  en vertu du meme article si l’acte  peut être détaché du service. Mais en tout état de cause la responsabilité de cette autorité est complètement engagée sur le terrain de la responsabilité civile. Ainsi si un accident matériel ou corporel  a été provoqué  par le fait d’un ralentisseur  implanté  par la commune ( ou par les services de la direction des travaux publics)  en violation  des règles sus-mentionnées ( ralentisseur non doublement signalé , implanté sans respect de la forme et des dimensions prescrites par la loi  , érigé hors agglomération…), la victime peut intenter un procès contre la commune ( ou la wilaya dont relèvent les services des travaux publics) devant le tribunal administratif   et  aura droit  à des  indemnisations financières qui doivent couvrir le préjudice matériel et moral subis. L’arrêté du wali autorisant l’implantation d’un ralentisseur  peut aussi faire l’objet d’un recours en annulation devant le tribunal  administratif  s’il est prouvé qu’il a été pris  sans respect des conditions  et des modalités d’implantation des ralentisseurs telles que fixées par le  décret et les deux arrêtés ministériels sus- mentionnés.

Le grave danger que constitue pour les automobilistes les ralentisseurs implantés sans respect  des prescriptions légales  étant évident ,  et devant le laxisme des autorités locales  et du centre national de prévention et de sécurité routiere à mettre un  terme  à l’implantation anarchique de ces  ralentisseurs et à  la suppression de  ceux   érigés en violation de la loi   , les associations  des usagers de la route doivent impérativement s’impliquer en sensibilisant qui de droit au respect de la loi et , en dernier recours lancer une campagne   judiciaire  à cet effet devant les  tribunaux.

Maitre BRAHIMI Mohamed

Avocat