Nous passerons en revue les arrêts les plus pertinents chambre par chambre ( chambre civile - chambre foncière - chambre sociale - chambre des affaires familiales et des succssions- chambre pénale).
1 - ARRETS DE LA CHAMBRE CIVILE
> Effets de l’infraction douanière sur la poursuite de l’activité du commerçant
Dans l’arrêt en date du 17/09/2015 dossier n° 1041892 , la Cour suprême a considéré que constitue un abus la décision des services douaniers d’interdire l’activité d’une société commerciale qui a commis une infraction douanière, et qu’en conséquence le juge des référés est compétent pour ordonner la levée de cette interdiction.
> Conditions pour bénéficier de délais de paiement
Dans l’arrêt en date 23/07/2015 dossier n° 1029318 , la Cour suprême a précisé les modalités d’application de l’article 281 du code civil qui autorise le juge à prendre en considération la position du débiteur compte tenu de sa situation économique pour accorder des délais pour le paiement. S’agissant d’une décision de justice ordonnant au défendeur de restituer un immeuble , la Cour suprême a jugé que la demande de surseoir à la procédure d’exécution forcée du jugement d’exécution en application de l’article 281 du code civil est infondé au motif que cette disposition s’applique aux obligations pécuniaires et non pas aux obligations de faire ou de ne pas faire.
> Garantie des vices de construction mise à la charge du promoteur immobilier
En matière de promotion immobilière , la Cour suprême a jugé dans un arrêt rendu le 19/11/2015 dossier n° 1007602 qu’à défaut d’un procès- verbal contradictoire établi par le promoteur immobilier et signé par les deux parties attestant de l’absence de défauts dans le logement attribué, le promoteur reste tenu par l’obligation de garantie et qu’en tout état de cause le promoteur reste tenu de la garantie de parfait achèvement de l’ouvrage pendant une duré d’une année a compter de la prise de possession de son logement par l’acquéreur et ce conformément à l’article 14 du décret législatif n° 93-03 du 01 mars 1993 relatif à l’activité immobilière .
Dans ce cas d’espèce , la Cour suprême a fait œuvre de jurisprudence audacieuse dans le sens où elle a élargie la notion de garantie à laquelle est tenu le promoteur immobilier. Dans cette affaire intentée par l’acquéreur d’un logement contre le promoteur immobilier , le demandeur a reproché à ce dernier de lui avoir remis un logement qui comporte des vices de construction et a demandé des dommages et intérêts équivalents à la valeur des travaux de mise en conformité. Sur appel , la cour a débouté le demandeur au motif que les vices invoqués sont apparents et non pas cachés et que l’acte de vente mentionne que le logement remis ne présente aucun défaut et que l’acquéreur s’engage à prendre le logement tel quel sans aucun recours contre le vendeur .Sur cassation, la Cour suprême a censuré l’arrêt de la cour d’appel aux motifs susmentionnés.
> Indemnisation des dommages dus aux accidents de la circulation
En matière d’indemnisation des dommages dus aux accidents de circulation, la Cour suprême a jugé dans son arrêt du 17/09/2015 dossier n° 998518 que si la victime d’un accident de circulation a été indemnisée des dommages qu’il a subis en vertu d’ un premier jugement , il ne peut en principe prétendre à une nouvelle indemnisation pour les mêmes dommages mais que néanmoins elle a droit à la révision du taux d’incapacité qui lui a été initialement octroyé et ce en application de l’article 2 du décret n° 80-36 du 16 février 1980 et qu’en tout état de cause l’indemnisation sera calculée sur la base de la différence entre le taux d’incapacité permanent fixé par la première expertise déjà indemnisé et le taux d’incapacité permanent fixé par l’expertise ordonnée dans l’instance en révision.
Dans le même registre la Cour suprême dans l’arrêt du 19/11/2015 dossier n° 1012127 a fixé la juste application de la règle de l’exclusion de la garantie des dommages causés par un véhicule assuré mais dont le conducteur ne possédait pas le permis de conduire au moment du sinistre. Pour cette Haute Cour , pour que l’assureur puisse soulever l’exclusion de la garantie au motif que le conducteur ne possédait pas de permis de conduire , il faudrait d’abord que l’assureur excipe expressément de ce moyen tiré de la non possession du permis de conduire devant la juridiction saisie , et ensuite en faire la déclaration contre avis de réception au fonds spécial d’indemnisation et aviser en même temps la victime ou ses ayants droits , et ce conformément à l’article 9 du décret n° 80-37 du 16 février 1980 .A défaut l’exception de l’exclusion de la garantie est irrecevable.
Toujours en matière d’indemnisation des dommages causés par les véhicules , la Cour suprême a dans son arrêt du 23/12/2015 dossier n° 1021334 confirmé une jurisprudence constante tirée des dispositions des articles 13 et 14 de l’ordonnance n° 74-15 du 30 janvier 1974 relative à l’obligation d’assurance des véhicules automobiles et au régime d’indemnisation des dommages selon lesquelles s’il est retenu une part de responsabilité à la charge du conducteur du véhicule , l’indemnité qui lui est allouée est réduite proportionnellement à la part équivalente de la responsabilité mise à sa charge , mais si l’incapacité permanente du conducteur fautif est égale ou supérieur à 50 % il a droit à une indemnisation intégrale sauf si la responsabilité de l’accident est déterminée par la conduite en état d’ivresse ou sous l’effet d’un état alcoolique ou de stupéfiants ou de narcotiques prohibés, dans ce cas le conducteur condamné ne peut prétendre à aucune réparation. Un autre arrêt rendu ultérieurement le 23/06/2016 dossier n° 1046209 a censuré un arrêt de la cour d’appel qui a refusé l’octroi d’une réparation à la veuve d’un conducteur de véhicule décédé dans l’accident au motif que la responsabilité de l'accident incombait à ce conducteur . L'arrêt de la Cour suprême du 23/06/2016 a cassé l'arrêt de cette cour au motif que les ayants droits de la personne décédée dans un accident de circulation ont droit à l’indemnisation prévue par la loi quant bien même la responsabilité de l’accident incombait à ce conducteur.
> Séquestre judiciaire
En matière de séquestre judiciaire prévu par l’article 604 du code civil , la Cour suprême a clarifié dans son arrêt du 23/12/2015 dossier n° 1076830 les conditions requises pour que la demande de désignation d’un séquestre soit recevable et fondée .L’article 604 du code civil dispose que : « le séquestre judiciaire peut être ordonné sur les biens indivis , en cas de vacance de l’administration ou de litige entre les co-indivisaires ,s’il est etabli que le séquetre est une mesure indispensable pour la sauvegarde des droits eventuels des interessés ».Pour la Cour suprême il ne suffit pas d’invoquer devant le juge du séquestre l’existence d’une action en justice pour que la demande de mise sous séquestre de l’immeuble litigieux soit recevable , mais il faudrait d’une part prouver que cet immeuble est dans l’indivision , et d’autre part prouver que le demandeur a de justes motifs à craindre un danger imminent du fait que cet immeuble reste entre les mains du possesseur.
> L’astreinte
Malgré une jurisprdence constante , certaines juridictions inferieures persistent à appliquer d’une façon erronnée l’article 625 du code de procédure civile et adminstrative qui dispose : « Si le poursuivi refuse d’accomplir une obligation de faire ou contrevient à une obligation de ne pas faire, l’huissier dresse procès-verbal de refus d’exécution et renvoie celui qui a intérêt à se pourvoir aux fins de réparation civile ou d’astreinte. ».Aussi la Cour suprême dans son arrêt du 23/07/2015 dossier n° 1019118 a rappelé qu’il n’est pas dans les attributions du juge d’ordonner une astreinte en matière d’obligations contractuelles et que seul le refus d’accomplir une obligation de faire ou contrevenir à une obligation de ne pas faire est susceptible d’astreinte.
> Compétence d’attribution en matière de dommages dus aux travaux effectués sur décision préalable d’une autorité administrative
L’arrêt de la Cour suprême du 23/6/2016 dossier 1054844 a confirmé la jurisprudence du Tribunal des conflits sur la question de l’ordre de juridiction compétent ( tribunal de droit commun ou tribunal administratif) pour juger les demandes en réparation des dommages provoqués aux biens d’autrui par l’exécution des travaux par une entreprise publique industrielle et commerciale sur autorisation préalable d’une autorité administrative .Cet arrêt a jugé que c’est la juridiction de droit commun c'est-à-dire le tribunal et non pas le tribunal administratif qui est compétente quant bien même l’exécution de ces travaux ont été préalablement autorisés par un arrêt du wali.
> Validité des actes de signification
Deux arrêt ont traité la question de la validité des actes de signification .Un premier arrêt ( arrêt du 23/06/2016 dossier n° 1056893) a jugé que la notification d’un jugement par lettre recommandée ne vaut pas signification à personne si les autres formalités prévues par l'article 410 du code de procédure civile et administrative ( signification à domicile ou à l’un des parents ) n’ont pas été accomplies , et par conséquent le délai d’appel reste ouvert .Le deuxième arrêt ( arrêt du 23/06/2016 dossier n° 1058061) clarifie la formalité prévue à l’article 411 du même code qui prévoit le cas où la personne à qui est destinée le jugement ou l’acte refuse de le recevoir. Dans ce cas la loi prévoit que l’huissier de justice dresse un procès-verbal de ce refus puis il adresse une copie de la signification à l’intéressé par lettre recommandée avec accusé de réception. La signification est alors réputée avoir été faite à personne et le délai court à partir de la date du cachet de la poste. L’arrêt de la Cour suprême du 23/06/2016 a censuré l’arrêt de la cour d’appel au motif que cette dernière a rejeté l’appel comme étant intervenu hors délai en prenant en considération non pas la date du cachet de la poste mais la date du procès-verbal de l’huissier de justice mentionnant le refus de recevoir le jugement.
Par Maitre BRAHIMI Mohamed
Avocat
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