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Le nouveau code de l'investissement:La libération de l'acte d'investir

mohamed brahimi Par Le 10/08/2022

Investissement image

Le nouveau code de l'investissement qui a fait couler beaucoup vient d’être publié au journal officiel n° 50 du 28 juillet 2022 sous la forme d’une loi portant le numéro 22-18 en date du 24 juillet 2022  .Ses concepteurs ont voulu faire de ce nouveau code un point d’appui à même de faire redémarrer une  machine économique figée et fortement bureaucratisée .L’ancien code de l'investissement , à maintes reprises remanié et modifié , a connu des hauts et des bas mais globalement il était fortement rédhibitoire vis-à-vis des investisseurs étrangers que la fameuse règle des 51/49 instituée par l’article 58 de la loi de finances complémentaire  pour 2009 a fait définitivement fuir.Le désastre provoqué par cette règle qui perdura contre vents et marées et  instituée contre l’avis  des économistes les plus avisés , était en application depuis l’année 2009  puis  aménagée et assouplie par l’article  50 de la loi de finances complémentaire pour 2020 qui limite son application à certaines activités stratégiques relevant des secteurs de l'énergie et des mines, de l'industrie pharmaceutique et du transport .

 

 

 

L’un des aspects les plus remarquables de la nouvelle loi sur l’investissement est la suppression totale de cette règle complètement surréaliste et inopérante. De nature résolument libérale, le nouveau code de l'investissement ne fait aucune distinction entre l’investisseur national et l’investisseur étranger ou entre l'investisseur résident  et l'investisseur non résident. Tous relèvent du même régime. Il pose le principe de la liberté d’investir  pour quiconque le souhaite fut-il une personne physique ou morale étrangère. La transparence  et l’égalité dans le traitement des investissements sont aussi érigées en règles fondamentales. Le domaine de l’investissement est quasiment illimité : Acquisition d’actifs matériels ou immatériels entrant directement dans les activités de production de biens et services dans le cadre de la création d’activités nouvelles, de l’extension des capacités de production et/ou de la réhabilitation de l’outil de production ; Participation dans le capital d’une entreprise sous forme d’apports en numéraire ou en nature ; Délocalisation d’activités à partir de l’étranger.  

A l’effet d’encourager les investissements la nouvelle loi a institué un régime d’incitations très avantageux aussi bien pour les investissements nationaux qu’étrangers. Elle a  institué 03 régimes d’incitation et d’avantages : Le régime d’incitation des secteurs prioritaires « Régime des secteurs » ; Le régime d’incitation des zones auxquelles l’Etat accorde un intérêt particulier « Régime des zones »  , et enfin le  régime d’incitation des investissements revêtant un caractère structurant « Régime des investissements structurants ».Chaque régime qui englobe  certains  domaines d’activités se voit octroyer des avantages spécifiques.

Relèvent du  «  régime des secteurs » les investissements réalisés dans les domaines d’activités suivants : - mines et carrières ; - agriculture, aquaculture et pêche ; - industrie, industrie agroalimentaire, industrie pharmaceutique et pétrochimie ; - services et tourisme ;- énergies nouvelles et renouvelables ; -économie de la connaissance et technologies de l’information et de la communication. 

Les investissements éligibles au "régime des secteurs" bénéficient, outre des incitations fiscales, parafiscales et douanières prévues dans le cadre du droit commun, des avantages suivants : - Au titre de la phase de réalisation : 1) exonération des droits de douane pour les biens importés entrant directement dans la réalisation de l’investissement ; 2) franchise de la TVA pour les biens et services importés ou acquis localement, entrant directement dans la réalisation de l’investissement ; 3) exonération du droit de mutation à titre onéreux et de la taxe de publicité foncière pour toutes les acquisitions immobilières effectuées dans le cadre de l’investissement concerné ; 4) exonération des droits d’enregistrement exigibles pour les actes constitutifs de sociétés et les augmentations de capital ; 5) exonération des droits d’enregistrement, de la taxe de publicité foncière ainsi que de la rémunération domaniale portant sur les concessions des biens immobiliers bâtis et non bâtis, destinés à la réalisation de projets d’investissement ; 6) exonération de la taxe foncière sur les propriétés immobilières, entrant dans le cadre de l’investissement, pour une période de 10 ans, à compter de la date d’acquisition. - Au titre de la phase d’exploitation pour une durée allant de 3 à 5 ans à compter de la date d’entrée en exploitation : 1) exonération de l’impôt sur le bénéfice des sociétés (IBS) ; 2) exonération de la taxe sur l’activité professionnelle (TAP).

Relèvent du  « régime des zones »  les investissements réalisés dans  certaines  localités relevant des zones auxquelles l’Etat accorde un intérêt particulier et dont la liste  sera fixée par voie réglementaire. Il s’agit: - des localités relevant des Hauts-Plateaux, du Sud et du Grand Sud ; - des localités dont le développement nécessite un accompagnement particulier de l’Etat et des localités disposant de potentialités en ressources naturelles à valoriser. Les investissements éligibles au régime des zones peuvent bénéficier, outre des incitations fiscales, parafiscales et douanières prévues dans le cadre du droit commun, des avantages suivants : -Au titre de la phase de réalisation : des avantages prévus pour le régime des  secteurs . - Au titre de la phase d’exploitation : pour une durée allant de 5 à 10 ans, à compter de la date d’entrée en exploitation de : 1) l’exonération de l’impôt sur les bénéfices des sociétés (IBS) ; 2) l’exonération de la taxe sur l’activité professionnelle (TAP). 

Relèvent  des «  investissements structurants », les investissements  à haut potentiel de création de richesse et d’emplois, susceptibles d’augmenter l’attractivité du territoire et de créer un effet d’entraînement sur l’activité économique pour un développement durable . Les investissements éligibles au régime des investissements structurants tels que définis ultérieurement par un acte réglementaire peuvent bénéficier, outre des incitations fiscales, parafiscales et douanières prévues dans le cadre du droit commun  , des avantages suivants : -Au titre de la phase de réalisation : des avantages  prévus pour le régime des secteurs  qui sont transférables  aux cocontractants de l’investisseur bénéficiaire chargés de la réalisation de l’investissement, pour le compte de ce dernier. -Au titre de la phase d’exploitation : pour une durée allant de 5 à 10 ans, à compter de la date d’entrée en exploitation  de : 1) l’exonération de l’impôt sur les bénéfices des sociétés (IBS) ; 2) l’exonération de la taxe sur l’activité professionnelle (TAP).Ces  investissements peuvent  aussi bénéficier de l’accompagnement de l’Etat par la prise en charge, partielle ou totale, des travaux d’aménagement et d’infrastructures nécessaires à leur concrétisation, sur la base d’une convention établie entre l’investisseur et l’Agence agissant au nom de l’Etat et approuvée  par le Gouvernement.  

Les avantages offerts aux investisseurs étrangers  rejoignent désormais ceux accordés par les pays les plus attractifs pour les investissements directs étrangers ( IDE). Ainsi  les étrangers peuvent désormais détenir jusqu’à 100 % des parts sociales ou actions de la société qu’ils envisagent de créer. Les apports extérieurs en nature entrant dans le cadre d’opérations de délocalisation d’activités à partir de l’étranger et les biens neufs constituant un apport extérieur en nature sont dispensés des formalités du commerce extérieur et de domiciliation bancaire. Le transfert du capital investi et des revenus qui en découlent sont garantis.Il en est de même pour les apports en nature s’ils sont d’origine étrangère même si leur montant est supérieur au capital initialement investi.

Des dispositions à même de garantir la stabilité et un environnement favorables  aux investisseurs  nationaux ou étrangers ont été prévus dans le nouveau code. Ainsi L’investisseur est garanti contre toute forme de réquisition , d’expropriation ou de nationalisation  sauf pour cause prévue par la loi et après une indemnisation juste et équitable , et en tout état de cause l’investisseur  peut recourir aux juridictions nationales ou aux autres procédures de règlements  amiables des litiges ( conciliation, médiation ,arbitrage, compromis ) ou encore saisir la  Haute commission nationale des recours instituée auprès de la Présidence de la République. 

La nouvelle loi a prévu des dispositions à même de stabiliser les investissements engagés .Ainsi  Les effets des révisions ou des abrogations portant sur le nouveau code de l'investissement susceptibles d’intervenir à l’avenir, ne s’appliqueront  pas à l’investissement réalisé sous l’empire de ce code ce qui sous-entend qu’au cas où une nouvelle mesure législative ou réglementaire  supprime ou atténue  les avantages  prévus pas ce code  elle ne s’appliquera pas rétroactivement. L’accès au foncier  est aussi garanti à l’investisseur avec  exonération des différentes taxes  ( droit de mutation, taxe de publicité fonciere,droits d’enregistrement, rémunération domaniale, taxe foncière sur les propriétés immobilières).

Pour faciliter l’acte d’investir , Les investisseurs n’ont désormais qu’un seul interlocuteur : l’Agence algérienne de promotion de l’investissement .C’est cet organe qui est chargé  entre autres  d’enregistrer et de traiter les dossiers d’investissement, d’accompagner l’investisseur dans l’accomplissement des formalités liées à son investissement, de gérer les avantages dont bénéficie l’investisseur et de suivre l’état d’avancement des projets d’investissement. L’agence est composée de 2  catégories de guichets : le guichet unique des grands projets et des investissements étrangers ,  et les guichets uniques décentralisés. Le guichet unique des grands projets et des investissements étrangers  a une  compétence nationale  et sera  l’interlocuteur unique chargé des missions d’accompagnement dans l’accomplissement de toutes les démarches nécessaires à la concrétisation des grands projets d’investissement et des investissements étrangers sachant qu’un texte réglementaire sera pris ultérieurement  afin de préciser les critères de qualification  des «  grand projets d’investissements » .Quant aux guichets uniques décentralisés , ils sont  les interlocuteurs uniques des investisseurs au niveau local .Le guichet unique des grands projets et des investissements étrangers et les guichets uniques décentralisés  sont chargés de l’exécution des procédures liées à la concrétisation des projets d’investissement ,  à la délivrance des décisions, autorisations et tout document lié à l’exercice de l’activité en relation avec le projet d’investissement ,  à l’obtention du foncier destiné à l’investissement et  au suivi des engagements souscrits par l’investisseur.

Il est indéniable que le nouveau code de l'investissement présente les caractéristiques  d’un code fortement inspiré des codes et chartes de l’investissement  des pays ayant opté pour une libéralisation de l’économie et une ouverture au capital étranger. Le nouveau code est a même de donner un nouveau souffle à l’économie nationale étouffée par  une immobilité et  une léthargie pour le moins inquiétantes et incompréhensives au vu des énormes potentialités de l’Algérie. Mais pour autant , il persiste encore dans la nouvelle loi relative à l'investissement d’anciennes pratiques qui peuvent nuire à la saine application des principes et règles qui y sont énoncés. Ainsi en est-il de la pratique  préjudiciable  du renvoi à un texte réglementaire  pour préciser ou clarifier telle ou telle dispositions du code qui devait se suffire à elle-même. Le code contient pas moins de  17 renvois  à un texte réglementaire ce qui est énorme. Le renvoi à un texte réglementaire à l’effet par exemple de lister les activités non éligibles aux avantages prévus par le  régime des zones ,  ou les critères de qualification des investissements éligibles au  régime des investissements structurants susceptibles de bénéficier des  incitations fiscales, parafiscales et douanières est de nature compliquer  et à  bureaucratiser  l’acte  d’investir et jette la suspicion sur la volonté réelle de libéraliser l’économie.

Le souhait des pouvoirs public étant de faire entrer l’Algérie dans les chaines de valeurs internationales en matière de développement économique et favoriser les investissements  notamment les IDE , il  est indéniable que ce but ne peut être complètement atteint alors que l’Algérie est toujours en dehors de l’Organisation Mondiale du Commerce  (OMC ). Malgré les critiques parfois justes émises à l’encontre  de cette organisation internationale, il est indéniable que les hésitations de l’Algérie à l’adhésion à l’OMC alors qu’elle  en est membre-observateur depuis des décennies limitera drastiquement les IDE car il coule de source qu’à  avantages égaux , l’investisseur étranger préférera investir dans un pays membre de l’OMC que dans un pays qui n’en est pas membre et ce pour la simple raison que les instruments  et les règles de cette organisations imposent  aux pays membres le respect scrupuleux  du principe de  non discrimination  du commerce, de la transparence dans le commerce international  et du recours  à la négociation et à l’arbitrage en cas de différents.

Si le nouveau code  a prévu un régime fiscal particulier pour les investissements étrangers et nationaux ( exonération  de l’IBS et de la TAP ) , ce régime préférentiel est applicable pendant une période de 3 à 10 ans suivant la nature de l’investissement. Au delà de cette période , c’est la fiscalité ordinaire qui sera applicable ce qui pose problème au vu de la complexité de cette fiscalité. Les concepteurs du nouveau code auraient pu prévoir des dispositions fiscales simples, raisonnables et  attractives à l’instar de ce qui se pratique dans d’autres pays.

L’Algérie étant outillée dans certains domaines à même  d’encourager l’acte d’investir ( loi sur les droits d’auteurs et la propriété industriel, loi sur la concurrence, accords de libre échange avec l’UE , accord de libre échange inter-africain, ) , il faudrait aussi remplacer le code du travail actuel par un autre code plus moderne favorisant l’investissement et l’emploi et garantissant aussi bien les droits des travailleurs que ceux des investisseurs  en incluant une réglementation claire et souple notamment  en matière de contrats de travail.

Adossé  à la nouvelle loi fixant les règles régissant les zones franches récemment publiée au journal officiel du 20 juillet 2022 , le nouveau code de l'investissement ,  et malgré ses insuffisances ,  et s'il est appliqué dans sa lettre et son esprit , il  sera à même  de donner   un nouveau souffle au développement économique de l’Algérie .

Maitre BRAHIMI Mohamed

Avocat à la cour de Bouira

brahimimohamed54@gmail.com