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Les arrêts de principe récemment rendus par les différentes chambres de la Cour suprême (1er partie)

mohamed brahimi Par Le 14/02/2019

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La Cour suprême vient de publier deux nouveaux numéros de sa revue «  La revue de la Cour suprême ».Bien que les deux publications ont été mises sur le marché durant ce mois de janvier 2019 , les arrêts publiés  remontent  aux années 2015 et 216 .La nouvelle présentation technique de ces deux revues  est à signaler d’autant que pour la première fois, les arrêts publiés sont accompagnés d’une fiche résumant les faits et la procédure de l’affaire traitée.Néanmoins Il est regrettable que les améliorations substantielles constatées , aussi bien dans le forme que dans le contenu de ces deux revues , ont été altérées par la non publication des noms des magistrats qui ont rendu les arrêts publiés ce qui non seulement peut etre perçu comme une ingratitude vis à vis  des magistrats ayant fait œuvre de jurisprudence , mais a pour conséquence d’occulter la pertinence de cette jurisprudence sachant que les arrêts de la Cour suprême sont rendus soit  par une section en formation restreinte de trois magistrats , soit par une  formation élargie de 4 magistrats ou plus , les arrêts rendus par la formation élargie  sont on s’en doute de valeur supérieure.

 

Nous passerons en revue les arrêts les plus pertinents chambre par chambre ( chambre civile - chambre foncière - chambre sociale - chambre des affaires familiales et des succssions- chambre pénale).

1 - ARRETS DE LA CHAMBRE CIVILE

> Effets de l’infraction douanière sur la poursuite de l’activité du commerçant

Dans l’arrêt  en date du 17/09/2015 dossier n° 1041892 , la Cour suprême a considéré que constitue un abus la décision des services douaniers d’interdire l’activité d’une société commerciale qui a commis une infraction douanière,  et qu’en conséquence le juge des référés est compétent pour ordonner la levée de cette interdiction.

> Conditions pour bénéficier de délais de paiement

Dans l’arrêt en date 23/07/2015  dossier n° 1029318 , la Cour suprême  a précisé les modalités d’application de l’article 281 du code civil qui autorise le juge  à prendre en considération la position du débiteur compte tenu de sa situation économique pour  accorder des délais pour le paiement. S’agissant d’une décision de justice ordonnant au défendeur de restituer un immeuble , la Cour suprême  a jugé que la demande de surseoir à la procédure d’exécution forcée du jugement d’exécution  en application de l’article 281 du code civil est infondé au motif  que cette disposition  s’applique aux obligations pécuniaires et non pas aux obligations de faire ou de ne pas faire.

> Garantie des vices de construction mise à la charge du promoteur immobilier

En matière de promotion immobilière , la Cour suprême a  jugé dans un arrêt rendu le  19/11/2015  dossier n° 1007602 qu’à défaut d’un procès- verbal contradictoire établi par le promoteur immobilier et signé par les deux parties attestant  de l’absence de  défauts dans le logement  attribué, le promoteur reste tenu par l’obligation de garantie et qu’en tout état de cause le promoteur reste tenu de la garantie de parfait achèvement de l’ouvrage  pendant une duré d’une année a compter de la prise de possession de son logement par l’acquéreur et ce conformément à l’article 14 du décret législatif n° 93-03 du 01 mars 1993 relatif à l’activité immobilière .

Dans ce cas d’espèce , la Cour suprême a fait œuvre de jurisprudence audacieuse dans le sens où elle a élargie la notion de garantie à laquelle est tenu le promoteur immobilier. Dans cette affaire intentée par l’acquéreur d’un logement contre le promoteur immobilier , le demandeur  a reproché à ce dernier  de lui avoir  remis un logement qui comporte des vices de construction et a demandé des dommages et intérêts équivalents  à la valeur des travaux de mise en conformité. Sur appel , la cour a débouté le demandeur  au motif que les vices invoqués sont apparents  et non pas cachés  et que l’acte de vente  mentionne que le logement remis ne présente aucun défaut  et que l’acquéreur s’engage  à prendre le logement tel quel sans aucun recours contre le vendeur .Sur cassation, la Cour suprême a censuré l’arrêt de la cour d’appel aux motifs susmentionnés.

> Indemnisation des dommages dus aux accidents de la circulation

En matière  d’indemnisation des dommages dus aux accidents de circulation, la Cour suprême a jugé dans son arrêt du 17/09/2015 dossier n° 998518  que si la victime d’un accident de circulation a été indemnisée  des dommages qu’il a subis en vertu d’ un premier jugement , il ne peut en principe prétendre à une nouvelle indemnisation pour les mêmes dommages  mais que néanmoins elle  a droit à la révision  du taux d’incapacité qui lui a été initialement octroyé  et ce en application de l’article 2 du décret n° 80-36 du 16 février 1980 et  qu’en tout état de cause l’indemnisation  sera calculée sur la base de  la différence  entre le taux d’incapacité  permanent fixé par la première expertise déjà indemnisé  et le taux d’incapacité  permanent fixé par l’expertise  ordonnée dans l’instance en révision.

Dans le même registre la Cour suprême dans l’arrêt du 19/11/2015 dossier n° 1012127  a  fixé la juste application  de la règle de l’exclusion de la garantie  des dommages causés  par un véhicule assuré mais dont le conducteur  ne possédait pas  le permis de conduire  au moment du sinistre. Pour cette Haute Cour ,  pour que l’assureur  puisse  soulever l’exclusion de la garantie  au motif que le conducteur  ne possédait pas  de permis de conduire , il faudrait d’abord  que l’assureur excipe expressément de ce moyen  tiré de la non possession du permis de conduire devant la juridiction saisie ,  et ensuite en faire la déclaration  contre avis de réception  au fonds spécial d’indemnisation et aviser en même temps la victime ou ses ayants droits ,  et ce conformément à l’article 9 du décret n° 80-37 du 16 février 1980 .A défaut l’exception  de l’exclusion de la garantie est irrecevable.

Toujours en matière d’indemnisation des dommages causés par les véhicules , la Cour suprême  a dans  son arrêt  du 23/12/2015 dossier n° 1021334   confirmé une jurisprudence constante tirée des dispositions des articles 13 et 14 de  l’ordonnance n° 74-15 du 30 janvier 1974 relative à l’obligation d’assurance des véhicules automobiles et au régime d’indemnisation des dommages selon lesquelles  s’il est retenu une part de responsabilité à la charge du conducteur du véhicule , l’indemnité  qui lui est allouée est réduite proportionnellement à la part équivalente de la responsabilité mise à sa charge , mais si l’incapacité permanente du  conducteur fautif  est égale ou supérieur à 50 % il a droit à une indemnisation  intégrale sauf  si  la responsabilité de l’accident est déterminée  par la conduite en état d’ivresse ou sous l’effet d’un état alcoolique ou de stupéfiants  ou de narcotiques prohibés,  dans ce cas le conducteur condamné ne peut prétendre à aucune réparation. Un autre arrêt rendu ultérieurement le 23/06/2016  dossier n° 1046209 a censuré un arrêt de la cour d’appel qui a refusé l’octroi d’une réparation à la veuve d’un conducteur de véhicule décédé dans l’accident  au motif  que la responsabilité de l'accident incombait à ce conducteur . L'arrêt de la Cour suprême du 23/06/2016 a cassé l'arrêt de cette cour au motif que les ayants droits de la personne décédée dans un accident de circulation ont droit à l’indemnisation prévue par la loi quant bien même la responsabilité de l’accident  incombait à ce conducteur.

> Séquestre judiciaire

En matière de séquestre judiciaire prévu  par  l’article 604 du code civil  ,  la  Cour  suprême  a clarifié dans son arrêt  du  23/12/2015 dossier n° 1076830  les conditions requises pour que la demande de désignation d’un séquestre soit recevable et fondée .L’article 604 du code civil dispose que : «  le séquestre judiciaire peut être ordonné sur les biens indivis , en cas de vacance  de l’administration ou de litige entre les co-indivisaires ,s’il est etabli que le séquetre est une mesure indispensable  pour la sauvegarde des  droits eventuels des interessés ».Pour la Cour suprême il ne suffit pas d’invoquer  devant le juge du séquestre l’existence d’une action  en justice  pour que la demande de mise sous séquestre  de l’immeuble litigieux soit recevable , mais  il faudrait d’une part prouver que cet immeuble est  dans l’indivision , et  d’autre part  prouver que le demandeur a de justes motifs à craindre  un danger imminent du fait que cet immeuble  reste entre les mains du possesseur.

 > L’astreinte

Malgré une jurisprdence constante , certaines juridictions inferieures persistent  à appliquer d’une façon erronnée l’article 625 du code de procédure civile et adminstrative qui dispose : « Si  le poursuivi refuse d’accomplir une obligation de faire ou contrevient à une obligation de ne pas faire, l’huissier dresse procès-verbal de refus d’exécution et renvoie celui qui a intérêt à se pourvoir aux fins de réparation civile ou d’astreinte. ».Aussi la Cour suprême dans son  arrêt du 23/07/2015 dossier n° 1019118 a rappelé qu’il n’est pas dans les attributions du juge d’ordonner une astreinte  en matière d’obligations contractuelles et que seul le refus d’accomplir une obligation de faire ou contrevenir à une obligation de ne pas faire est susceptible d’astreinte.

> Compétence d’attribution en matière de dommages dus aux travaux effectués sur décision préalable d’une autorité administrative

L’arrêt de la Cour suprême du 23/6/2016 dossier 1054844 a confirmé la jurisprudence du Tribunal des conflits sur la question de  l’ordre de juridiction compétent  ( tribunal de droit commun ou tribunal administratif) pour juger les demandes en  réparation   des dommages  provoqués aux biens d’autrui par l’exécution des travaux par une entreprise publique industrielle et commerciale sur autorisation préalable d’une autorité administrative .Cet arrêt a jugé que  c’est la juridiction de droit commun c'est-à-dire le tribunal   et non pas le tribunal administratif  qui est compétente quant  bien même l’exécution de ces travaux ont été préalablement autorisés par un arrêt du wali.

> Validité des actes de signification

Deux arrêt ont traité la question  de la  validité des  actes de signification  .Un premier arrêt ( arrêt du 23/06/2016 dossier n° 1056893) a jugé que la notification  d’un jugement par lettre recommandée ne vaut pas signification à personne  si les autres formalités prévues par l'article 410 du code de procédure civile et administrative ( signification à domicile ou à l’un des parents ) n’ont pas été accomplies ,  et par conséquent le délai d’appel reste ouvert .Le deuxième arrêt ( arrêt du 23/06/2016 dossier n° 1058061) clarifie la formalité prévue à l’article 411 du même code qui prévoit le cas où la personne à qui est destinée le jugement ou l’acte refuse de le recevoir. Dans  ce cas la loi prévoit que l’huissier de justice dresse un procès-verbal de ce refus  puis il adresse une copie de la signification à l’intéressé par lettre recommandée avec accusé de réception. La signification est  alors réputée avoir été faite à personne et le délai court à partir de la date du cachet de la poste. L’arrêt  de la Cour suprême du 23/06/2016 a censuré l’arrêt de la cour d’appel au motif que cette dernière a rejeté l’appel comme  étant intervenu hors délai en prenant en considération non pas la date du cachet de la poste mais la date du procès-verbal de l’huissier de justice mentionnant le refus de recevoir le jugement.

Par Maitre BRAHIMI Mohamed

Avocat

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