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Décisions du Conseil d’Etat en matière de protection des droits civils et politiques récemment publiées

mohamed brahimi Par Le 24/09/2018

Image conseil d etat

Les trois dernières revues publiées par le Conseil d’Etat  sous les numéros 11 , 12 et 13 et récemment mises sur le marché contiennent d’intéressantes décisions qui ont statué sur la délicate question  des droits civils et politiques garantis par la constitution notamment    le droit pour tout citoyen algérien de circuler librement à l’intérieur et hors les frontières du pays  , la liberté d’exercice du culte autre que le culte musulman et enfin le droit à l’égalité devant les charges publiques. Ces arrêts sont d’autant plus intéressants qu’ils surviennent au moment où la loi organique fixant les modalités de mise en œuvre  de l’exception d’inconstitutionnalité qui est une petite révolution en matière de contrôle de la constitutionnalité des loi par le simple citoyen  a été publiée au  journal officiel n°  54 du 05 septembre 2018

1- Décisions en rapport avec la liberté de circuler ou de voyager

Dans un arrêt en date du  20 novembre 2014 n° 91782 ( Revue du Conseil d’Etat ,n° 12  p.270) le Conseil d’Etat a jugé que tout citoyen a le droit de choisir librement le lieu de sa résidence , de circuler sur le territoire national et d’en sortir tant qu’il  n’a pas été déchu de ses droits civils et politique et ce conformément à l’article 44 de la constitution et aux articles 9 et 12  de la convention internationale  du 16 décembre 1966  ratifiée par l’Algérie par la loi n° 89-08 du 25 avril 1989  et le décret présidentiel n° 89-08 du 16 mai 1989 .Dans cette cause,il s’agissait  d’une décision du ministre de l’intérieur interdisant  à un citoyen algérien de quitter le territoire national au motif que ce  citoyen est impliqué dans des affaires touchant la sécurité nationale .La décision du ministre de l’intérieur  a été annulée au motif que le dossier de la cause ne contient aucun document prouvant que le citoyen interdit de quitter le territoire national a été déchu   de ses droits civils et politique et alors même  que les motifs de l’interdiction ne sont corroborés par aucun élément de preuve.

Dan un arrêt antérieur en date du 6 avril 2011  n° 67894 , le Conseil d’Etat a eu à statuer sur une autre atteinte à la liberté publique cette fois concernant les étrangers ( Revue du Conseil d’Etat ,n° 12  p.243).Il s’agissant d’un ressortissant étranger titulaire d’un  titre de séjour ayant fait l’objet d’une décision d’expulsion du territoire national émanant de la direction générale de la police nationale.Le Conseil d’Etat a censuré cette décision administrative d’abord au motif que seul le ministre de l’intérieur  est habilité à expulser un étranger du territoire national et ce conformément à l’article 22-3  de la Loi n° 08-11 du 25 juin 2008 relative aux conditions d’entrée ,de séjour et de circulation des étrangers en Algérie, et ensuite au motif que cette décision d’expulsion n’est pas suffisamment motivée.

Statuant sur le refus de l’administration de délivrer un passeport à un citoyen algérien,le Conseil d’Etat et par un arrêt  18 septembre 2014  n° 93831 ( Revue du Conseil d’Etat ,n° 13 p.130).  a jugé qu’une décision administrative de refus de délivrance ou de renouvellement d’un passeport ne peut intervenir du seul fait que le demandeur a été condamné à une peine correctionnelle en vertu d’un jugement non définitif alors que l’article 11 de l'ordonnance n° 77-1 du 30 janvier 1977 relative aux titres de voyage des ressortissants algériens n’autorise l’autorité publique à refuser la délivrance ou le renouvellement du passeport qu’à la condition que le demandeur ait été condamné définitivement à une peine d'emprisonnement  intervenue depuis moins de 5 ans et qui doit être supérieure  ou égale à 6 mois et inscrite au casier judiciaire . Il faut entendre par «  condamnation définitive » la condamnation par jugement ayant épuisé toutes les voies de recours y compris le pourvoi en cassation.

Dans un autre registre mais toujours en rapport avec le droit de tout citoyen algérien de rentrer et sortir librement du territoire national , Le Conseil d’Etat a statué  sur une affaire qui soulève une question délicate en rapport avec la guerre de libération nationale. Il s’agit  de la question du droit des   anciens supplétifs algériens engagés par  l’armée française ( harkis) d’entrer  librement en Algérie.

Dans un arrêt en date du 21 octobre 2009  n° 52342 ( Revue du conseil d’Etat ,n° 11  p.234 ) , le Conseil d’Etat a censuré une décision du ministre de l’intérieur interdisant à un ressortissant algérien d’entrer sur le territoire national au motif que ce ressortissant a eu durant la guerre de libération une position contraire aux intérêts de la patrie ( harki ).Dans ce cas d’espèce , un  ressortissant algérien domicilié en France a fait l’objet d’une interdiction de rentrée sur le territoire algérien  en vertu d’une décision du ministre de l’intérieur au motif qu’il avait en eu comportement indigne durant la guerre de libération c'est-à-dire qu’il était harki. Cette décision administrative d’interdiction d’entrée sur le territoire national  était fondée sur les dispositions  de l’article 68  de la loi n° 99-07 du 05 avril 1999 relative au moudjahid et au chahid qui dispose que : « Perdent leurs droits civiques et politiques, conformément à la législation en vigueur les personnes dont les positions pendant la révolution de libration nationale ont été contraires aux intérêts de la patrie et ayant eu un comportement indigne ».

L’arrêt du Conseil d’Etat du 21 octobre 2009  a annulé la décision du ministre de l’intérieur au visa de la violation de la loi.Tout d’abord et en réponse au moyen du  ministre de l’intérieur fondé sur  l’article 68 de la loi n° 99-07  sus-indiquée le Conseil d’Etat l’a rejeté au motif que la perte des  droits civils et politiques ne peut intervenir qu’en vertu d’un décret  au même titre que la perte de la nationalité algérienne. En outre et suivant le même arrêt , et du moment que l’appelant a excipé d’un certifiant attestant sa nationalité algérienne, la constitution lui garanti le droit de choisir librement le lieu de sa résidence et de circuler librement sur le territoire national. Le Conseil d’Etat et dans un souci de clarification  a rappelé que l’Algérie et en vertu de la loi n° 89-08 du 25 avril 1989  portant approbation du pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels,du pacte relatif aux droits civils et politiques et du protocole facultatif se rapportant au pacte international relatif aux droits civils et politique adoptés par l’Assemblée générale de  Nations-Unies le 16 décembre 1966  et en vertu du décret présidentiel n° 89-67 du 16 mai 1989 portant adhésion au pacte international sus-indiqué a adhéré à ce pacte   qui dispose dans son article 12-4 que: « Nul ne peut être arbitrairement privé du droit d'entrer dans son propre pays ».

 Décision en rapport avec la liberté d’exercice du culte autre que musulman

 Dans un arrêt en date du 10 septembre 2015 portant le numéro 85103 ( Revue du Conseil d’Etat ,n° 13 p.70 ), Le conseil d’Etat a jugé qu’il n’est pas des prérogatives du wali de prendre une décision administrative de fermeture définitive d’un local ou s’exerce un culte autre que musulman mais que ce pouvoir appartient aux tribunaux  qui seuls peuvent  sanctionner une personne morale  en lui interdisant l’exercice d’un culte ou tout autre activité religieuse  à l’intérieur d’un édifice. Dans ce cas d’espèce , il s’ agit d’un édifice appartenant à une association de l’église protestante activant sans agrément dans la wilaya de Béjaia  qui s’est vu notifier une  décision du wali en date du 08 mai 2011 portant fermeture définitive de l’édifice religieux. L’association ayant assigné le wali de Bejaia devant le tribunal administratif de Bejaia à l’effet d’annuler la décision de fermeture , les juges ont rejeté ce recours au motif qu’il n’est pas fondé.L’affaire ayant été portée devant le Conseil d’Etat sur appel de l’association contre le jugement du tribunal administratif , cette haute juridiction a rendu la décision sus-mentionnée qui censure le jugement de tribunal administrative et statuant à nouveau annule l’arrêté du Wali au titre de l’excès de pouvoir et violation de l’ordonnance n° 06-02 du 28 février 2006 fixant les conditions et règles d’exercice des cultes autres que musulmans.

Décision rappelant le principe de l’égalité devant les charges publiques ( Cas de l’installation sans autorisation d’un marché de vente de fruits et légumes générant des nuisance aux riverains)

Confirmant une jurisprudence hésitante,le Conseil d’Etat a rendu un arrêt explicite qui réaffirme le principe de l’égalité devant les charges publiques (arrêt du 19 mars 2015 n° 97935, revue du Conseil d’Etat ,n° 13 p.140 ).Il s’agit dans ce cas d’espèce de l’ouverture d’un marché illégal de vente de fruits et légumes jouxtant des habitations ce qui a occasionné des nuisances aux   occupants de ces habitations .Ces derniers ont esté le  wali et le maire devant le tribunal  administratif à l’effet de prendre les dispositions nécessaires pour  mettre un terme à l’activité de ce marché  illégal en sus d’une indemnisation pour le préjudice subi.Le tribunal administratif s’il a fait droit à la demande d’injonction de mettre terme à l’activité de ce marché illégal , il a par contre refusé l’octroi de dommagre et interêts .Sur appel de ce jugement, le Conseil d’Etat tout en confirmant le jugement du tribunal administratif dans sa première branche faisant injonction aux deux autorités administratives , il a par contre censuré la branche du jugement refusant l’octroi des dommeges et interêts , et statuant à nouveau  a condamné le wali et le maire séparément à verser aux appelants la somme de deux cents milles dinars au titre des dommages et intérêts  et ce au motif qu’il était du devoir et de la responsabilité  des deux collectivités locales  d’appliquer les dispositions de décret exécutif n° 93-237 du 10 octobre 1993 relatif à l’exercice des activités commerciales en mettant un terme aux activités d’un commerce illégal  qui génère des dommages et des nuisances aux riverains , ce qui par conséquent ouvre droit à ces derniers à des dommages et intérêts  au visa de la responsabilité pour violation du principe de l’égalité devant les charges publiques.

Maitre BRAHIMI Mohamed

Avocat à la cour

brahimimohamed54@gmail.com